L’échec « écologique », le fait que la société ne parvienne pas à tendre vers la viabilité, nous oblige à reconnaître que la majorité de nos contemporains ne prennent tout simplement pas conscience, ou pas suffisamment conscience, de l’ampleur de la dégradation écologique, de l’urgence de la situation actuelle et/ou de la valeur inestimable des écosystèmes pour leur (sur)vie et leur qualité de vie. Cette situation a différentes causes : le fait qu’il est difficile à l’échelle humaine de percevoir les transformations écologiques, une certaine incrédulité ou insouciance envers ces transformations, et la place et la valeur que notre civilisation attribue à la nature.
Une prise de conscience récente
La faible conscientisation a en partie pour origine la croyance ancienne et probablement encore inconsciemment ancrée en nous que la Terre est infinie, donc inaltérable, et que les ressources sont elles aussi inépuisables. Encore aujourd’hui, pour nombre d’entre nous, la Terre et ses ressources semblent inconsciemment paraître comme telles. La faible conscientisation de nos contemporains résulte aussi du fait que les dangers et l’ampleur de la dégradation de l’environnement se sont révélés somme toute relativement récemment au cours du 20e siècle et principalement dans les milieux scientifiques et écologistes. Il y a seulement moins d’un demi-siècle, le grand public entendait essentiellement parler de la protection de certaines espèces vivantes et de la lutte contre la pollution industrielle, notamment contre les catastrophes écologiques telles que les marées noires et les déversements chimiques. Un peu plus tard, les pluies acides se sont retrouvées à l’avant-scène et ont montré avec force que les problèmes environnementaux pouvaient dépasser les limites frontalières. Dans les années 80, l’apparition du « trou » de la couche d’ozone secouait notre inconscient collectif en révélant que la civilisation actuelle pouvait dorénavant se manifester au-delà de la taille d’un écosystème et que son impact atteignait dorénavant une ampleur inquiétante, car dangereuse pour la survie de notre espèce (du fait de l’augmentation de l’intensité du rayonnement UV). Le réchauffement global et les changements climatiques qui y sont liés ont finalement achevé de démontrer, hélas avec éloquence, la dimension planétaire qu’a atteint l’impact humain et que la Terre était extrêmement fragile.
La conscience que l’être humain modifie le fonctionnement global de la Terre est donc récente, même si des pionniers avaient envisagé cette idée il y a déjà plus d’un siècle. Le concept d’Anthropocène a finalement été popularisé au début du 21e siècle, mais il l’a été principalement dans le milieu scientifique et il tarde à se répandre dans le grand public. Force est donc de constater que malgré des connaissances bien établies et malgré sa faculté « théorique » à anticiper, l’Homo sapiens s’est montré en pratique incapable de prévenir une situation planétaire rendue aujourd’hui extrêmement complexe, alors lorsqu’il s’agit non moins que de conserver intacts la salubrité et le fonctionnement de l’unique demeure dont nous disposions et dont nous dépendons pour nos besoins vitaux, la Terre.