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Les germes d’une société nouvelle ?

Les écologistes ont parfois tendance à ne voir que la moitié vide du verre à demi plein. Or, la fin d’année 2016 et le début de 2017 ont vu une recrudescence de bonnes nouvelles en environnement. Nombre d’initiatives écoresponsables et quelques données montrent, s’il en était encore besoin, que la société évolue. Ces bonnes nouvelles sont encourageantes et devraient peut-être inciter les environnementalistes à être plus optimismes. Ces actions montrent qu’un monde nouveau est en émergence, et ce même si leur effet reste mesuré.

À l’automne 2016 est sorti l’excellent film « Demain » [1], un documentaire qui décrit avec éloquence une multitude d’initiatives citoyennes inspirantes à travers le monde. Elles montrent avec force qu’il est possible de faire autrement et que nos sociétés commencent à changer, qu’un mouvement de fond est en marche. Elles montrent qu’au-delà de l’action individuelle, les citoyens se réunissent pour mettre en place des nouvelles façons de faire. On peut alors prévoir que ces initiatives vont perdurer et se répandre au sein des sociétés….

Le film est particulièrement réussi, notamment parce qu’il considère différents secteurs de la société, comme l’agriculture, l’économie, les villes, l’éducation, etc. Un des points marquants est de constater que certaines communautés créent leur propre monnaie pour se libérer (au moins partiellement) du système économique actuel. Un film réconfortant !

L’automne a vu également la sortie du livre « L’environnement – les années optimistes » de David Boyd [2]. Là encore, l’auteur fait un compte rendu de différents progrès réalisés par la société en matière d’environnement. De l’avis même de l’auteur, sa motivation était  de donner un état des lieux de ce qui se fait de bien en matière de développement durable, car selon lui, une vision pessimiste décourage les gens. Parmi les exemples que donne David Boyd, on trouve la réduction du trou de la couche, l’essor des produits biologiques et locaux, le développement des énergies propres, la sauvegarde de certaines espèces menacées et la préservation de zones naturelles. Et de fait, il s’agit de toute évidence de belles avancées.

À la fin de l’année, à l’occasion de la 22e Conférence des Parties de la Convention sur les changements climatiques à Marrakech [3], on a pu entendre des commentateurs se réjouir de la ratification par 111 pays de l’Accord de Paris, illustrant l’engagement des États à lutter contre le réchauffement planétaire et ses conséquences. Cet accord est ainsi vu par beaucoup comme une grande avancée, ce qu’il est sous certains aspects, et il peut susciter un certain espoir.

L’optimisme que suscitent l’Accord de Paris et sa ratification ont été confortés en novembre par l’annonce par le Global Carbon Project [4] que les émissions mondiales de GES avaient diminué en 2016, une nouvelle remarquable. La raison principale de ce ralentissement est que la Chine a commencé à fermer des centrales thermiques au charbon. Il faut dire que la situation de la Chine en termes de pollution atmosphérique est telle qu’elle n’a pas d’autre choix que de commencer à y remédier. Ajoutons au titre des énergies fossiles qu’il existe une tendance grandissante qui vise à réduire les investissements dans les énergies fossiles [5].

Autre bonne nouvelle, il semble que la part des achats écoresponsables augmente progressivement avec le temps. Dans son Baromètre 2016, l’Observatoire de la consommation responsable [6] constate une légère croissance de la consommation responsable au Québec depuis 2010, suggérant son implantation au fil des années dans les pratiques des citoyens. De plus, la part des consommateurs les plus responsables est passée de 15,7 % à 21,4 % en 2016 [6].

Même l’éco-blanchiment (greenwashing) prouve que les achats écoresponsables ont pris une réalité économique suffisante pour que les entreprises les prennent en compte, même si c’est de façon détournée ! Les valeurs semblent aussi changer progressivement : les consommateurs qui n’apportent pas leur sac réutilisable commencent à être regardés de travers, tandis que ceux qui les apportent dans les magasins des centres d’achats ne passent plus systématiquement pour des extra-terrestres…

La fin de l’année 2016 a également vu la diffusion d’une lettre ouverte relativement encourageante de la part des  grandes entreprises [7]. Cette lettre était destinée au gouvernement canadien et visait à soutenir une politique de lutte aux changements climatiques qui permettrait également d’augmenter les exportations (énergie, produits) et de favoriser une économie verte. Cette déclaration rejoint d’autres initiatives du même genre qui montrent que certaines entreprises ont compris qu’économie et écologique pouvaient rimer ensemble. Ces entreprises montrent ainsi qu’elles sont intéressées à implanter une économie verte. Même si ce n’est qu’une économie verte, c’est déjà un début !

Au début de l’année, le gouvernement du Québec a donné aux MRC la possibilité de désigner les secteurs où pourront être interdits les projets d’exploration et d’exploitation minière [8], ce qui représente un outil très important en matière de gouvernance pour protéger le territoire et l’environnement.

On le voit donc, plusieurs bonnes nouvelles ont récemment fait la manchette. Elles le font en fait à l’année longue, quoique plutôt discrètement… La vision optimiste qui peut en résulter a été corroborée par une étude scientifique rapportée par La Presse sur les nombreuses initiatives en d’innovations sociales, agriculture ou en urbanisme qui pourraient conduire à un avenir plus juste et plus respectueux de l’environnement [9].

Conclusion

Ce mouvement optimiste est salutaire, car il pourrait accélérer les changements, alors que le pessimisme pourrait susciter crainte et immobilisme. L’ensemble des progrès montrent in fine qu’un monde nouveau est en émergence, qu’une transition est en cours. Cependant, comme le montre plusieurs observations rapportées dans les articles de ce blogue, la situation écologique est alarmante et exige une réponse rapide. Il faut donc que le mouvement écoresponsable prenne beaucoup plus d’ampleur, que ce soit par l’engagement et la pression des citoyens, la volonté et l’action des gouvernements ou la responsabilité environnementale et éthique des entreprises. Il faut également être vigilant, car l’actualité fournit aussi son lot de mauvaises nouvelles…

Une transformation écosociétale est à l’œuvre. Mais sera-t-elle mise en place assez rapidement ? On peut même se demander si ces initiatives ont aujourd’hui un impact réel. N’empêche, cet impact positif ne fera que s’affirmer dans le futur, en tout cas peut-on l’espérer. Nous verrons dans un prochain billet que l’ampleur de la tâche (réduire la surproduction et la surconsommation) est titanesque et que toutes ces bonnes nouvelles peuvent sembler encore un peu dérisoires… Mais elles sont essentielles car elles constituent les germes d’une société nouvelle, celle dont nous avons besoin pour devenir viables.

Bibliographie

[1] Demain, film documentaire français réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, scénario de Cyril Dion (2016) 1h58 https://www.demain-lefilm.com/

[2] David R. Boyd, L’environnement – Les années optimistes, Éditions MultiMondes (2016) http://www.multim.com/titre/?ID=421

[3] Faut pas croire tout ce qu’on dit (animateur Michel Lacombe), Radio-Canada, émission du samedi 19 novembre 2016 (invités : Philippe Le Prestre, professeur titulaire au Département de science politique à l’Université Laval ; Steven Guilbeault, directeur principal et cofondateur d’Équiterre, Étienne Leblanc, reporter national à la radio de Radio-Canada, spécialiste en environnement ; Mark Purdon, chercheur invité au département de science politique à l’Université de Montréal et au CÉRIUM, directeur général de l’Institut québécois du carbone) ;  Gilles Vermot Desroches, directeur de Développement Durable Schneider Electric et directeur général de la Fondation Schneider Electric http://ici.radio-canada.ca/emissions/faut_pas_croire_tout_ce_qu_on_dit/2016-2017/archives.asp?date=2016-11-19

[4] Carbon budget and trends 2016 (14 November 2016) www.globalcarbonproject.org/carbonbudget,

[5] Alexandre Shields, Investissements – L’Université Laval s’éloigne des énergies fossiles, Le Devoir (16 février 2017) http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/491741/l-universite-laval-s-engage-a-retirer-ses-investissements-des-energies-fossiles

[6] Baromètre de la consommation responsable – Éditions Québec (2016) École des sciences de la gestion (ESG), Université du Québec à Montréal (UQAM),  http://consommationresponsable.ca/wp-content/uploads/2016/11/Barom%C3%A8tre-2016-final.pdf

[7] Gérard Bérubé, Canda – Climat: une coalition veut de l’action, Le Devoir (25 novembre 2016) http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/485537/coalition-contre-les-ges ; Lettre aux premiers ministres par des chefs de file d’entreprise et de la société civile renommés, Intelli prosperity initiative http://www.intelliprosperite.ca/activites/lettre-aux-premiers-ministres-par-des-chefs-de-file-dentreprise-et-de-la-societe-civile

[8] Alexandre Shields, Les MRC obtiennent un pouvoir accru sur les mines, Le Devoir (12 janvier 2017) http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/488988/quebec-les-mrc-obtiennent-un-pouvoir-accru-sur-les-mines

[9] Charles Côté, Environnement: la science au secours de l’optimisme (entrevue avec Elena Bennett, professeure d’écologie de l’Université McGill), La Presse (27 décembre 2016) http://www.lapresse.ca/environnement/201612/26/01-5054803-environnement-la-science-au-secours-de-loptimisme.php

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2 Commentaires

    • Vous avez raison, cet article est un tantinet optimiste vis-à-vis l’urgence de la situation. Vous avez aussi ans doute remarqué qu’ici ou là, il y a quelques bémols, et que la conclusion souligne l’insuffisance des initiatives actuelles. Je suis convaincu que l’embryon d’une société nouvelle est émergence mais que qu’il grandit beaucoup trop lentement. Je vous rejoins : une action rapide et de grande ampleur est requise !

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