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Des liens entre l’érosion de la biodiversité et la pauvreté endémique

La disparition rapide des espèces vivantes et la pauvreté persistante de certaines populations sont deux défis majeurs auxquels l’humanité doit faire face. Les espèces disparaissent en effet à un rythme anormalement élevé à un point tel que cette disparition est qualifiée par les scientifiques de 6ième grande extinction des espèces. Pour sa part, le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté a augmenté de 30% entre 1981 et 2004, portant ce nombre à 1 milliard sur la planète. Or, ces deux grands problèmes ne sont pas indépendants, de sorte que leur résolution nécessite de bien comprendre les mécanismes qui les relient.

Les liens existant entre l’érosion de la diversité biologique et la pauvreté des populations ont fait l’objet d’une édition spéciale de la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Science (PNAS) des États-Unis l’année dernière. Ces liens peuvent a priori sembler nébuleux, mais les faits et l’analyse révèlent qu’ils sont plus étroits qu’on ne pourrait l’imaginer.

D’abord, il se trouve que les régions qui subissent une forte disparition des espèces sont les mêmes qui connaissent une extrême pauvreté. Il s’agit de régions où les moyens de subsistance des populations dépendent directement et principalement de la nature : forêts, eau, sols, pâturages, faune et flore sauvage. Protéger la biodiversité reviendrait donc à contribuer à la réduction de la pauvreté. Cependant, on ne connaît pas les synergies et les compromis qui s’établissent lors de la mise en place de mesures visant à résoudre l’un ou l’autre de ces deux fléaux.

La pauvreté endémique résulte souvent de la perturbation de l’état d’équilibre de la nature, ce qui se traduit par une détérioration des conditions de vie des populations. Ainsi, si les populations locales déboisent, drainent des tourbières ou convertissent des pâturages, elles peuvent améliorer leurs moyens de subsistance immédiats et donc leur bien-être, mais cette bonification peut s’effectuer au dépend de la biodiversité, et finalement altérer leurs conditions de vie. Il en est de même si l’augmentation de la population humaine croît plus vite que les ressources offertes par la nature. Cette dépendance à des ressources limitées constitue le premier mécanisme d’un piège biodiversité-pauvreté.

Évidemment, les relations entre les actions humaines et la biodiversité dépendent aussi de facteurs et de pressions extérieurs que les populations ne contrôlent pas, notamment les conditions hydro-climatiques et les événements extrêmes. Par exemple, les variations spatiotemporelles de la disponibilité de l’eau dans des zones sèches peut conduire à des déplacements des populations et des migrations de la vie sauvage, pouvant mener à une compétition pour des ressources raréfiées, et dégrader la situation des populations humaines.

Les conditions politiques, sociales et économiques peuvent également être à l’origine ou conforter une pauvreté endémique. La corruption, les guerres, une administration manquant d’expertise, un mauvais contrôle des ressources sont autant de failles qui provoquent et/ou font perdurer les situations de pauvreté.

Des politiques ou de nouveaux projets peuvent également avoir des conséquences imprévues, et ce très loin de leur mise en œuvre. Par exemple, l’ouverture de nouvelles zones agricoles ou minières peut modifier une ligne de partage des eaux ou des écosystèmes côtiers, et ainsi avoir des impacts négatifs sur des communautés qui ne tirent aucun bénéfice de tels développements. Les effets peuvent être plus directs, comme par exemple lorsqu’un déboisement conduit à des contacts accrus entre les populations locales et des espèces sauvages et, par suite, à la transmission de maladies. Inversement, l’introduction d’espèces domestiques ou la migration de population dans de zones vierges peut être un facteur d’infection des espèces sauvages indigènes qui, en retour, peuvent être le vecteur de nouvelles maladies.

Ainsi, malgré la prise de conscience des fortes relations qui existent entre l’érosion des espèces et la pauvreté endémique, les rapports entre la biodiversité et les populations pauvres et vulnérables apparaissent complexes. Beaucoup de travaux sont donc nécessaires pour en comprendre les mécanismes aussi bien théoriquement qu’expérimentalement. Nos sociétés privilégiées doivent contribuer à résoudre ces deux problèmes simultanément.

Source :
Christopher B. Barrett, Alexander J. Travis et Partha Dasgupta, Biodiversity Conservation and Poverty Traps Special Feature: From the Cover: On biodiversity conservation and poverty traps PNAS (2011) 108 13907-13912 (doi:10.1073/pnas.1011521108)
Résumé de l’article sur le site du journal

 

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