Depuis son introduction, le concept de développement durable (DD) a été interprété de différentes façons. Pour un écologiste, il est je crois tout simplement synonyme de « viabilité de la société », c’est-à-dire un équilibre permanent entre les domaines économique, social et environnemental. Comme on le sait, l’économie a actuellement la part belle. Le pilier social, quant à lui, a longtemps été et est encore l’objet de revendications et de tensions, et malgré des progrès notables, la situation est loin d’être parfaite. Depuis les dernières décennies, les détériorations que l’être humain fait subir à la nature ont fait croître l’inquiétude envers le pilier environnemental. Ces négligences expliquent sans doute le fait que le DD a longtemps été confondu avec la notion d’environnement. Néanmoins, cette méprise semble de moins en moins fréquente. Au contraire, on fait dorénavant référence au DD pour signifier « l’importance des trois piliers », mais pas nécessairement pour les bonnes raisons. Le DD est en fait en train de perdre sa signification originale. Car dans le DD tel que défendu aujourd’hui par certains, l’économie est mise fallacieusement de l’avant dans le seul but qu’elle conserve son hégémonie.
Il est de bon ton en effet de justifier des projets ou une politique à l’aide du DD et ainsi de faire remarquer que dans le DD, il faut considérer les aspects environnementaux, sociaux ET économiques. Cela fait sérieux et donne de la crédibilité… Chez nombre de personnes, cet argument est surtout utilisé pour mettre en avant les avantages économiques des projets, les retombées économiques positives pour la société, mais sans mentionner, ou en les négligeant, les coûts des dégradations écologiques. Alors que la protection de l’environnement tend (lentement et mollement) à prendre de l’importance dans les sociétés actuelles, les partisans du statu quo et de la prédominance de l’économie cherchent des arguments pour que les intérêts économiques ne soient pas stoppés dans leur élan par des contraintes environnementales ou sociales. Avec les tendances lourdes observées actuellement, on peut se rendre compte que l’objectif est atteint, et que dans la définition actuelle du DD, les piliers environnement et social n’occupent qu’une portion congrue. Cette constatation vient soutenir ceux qui prétendent que le concept de DD ne fait que donner une teinte vert pâle à la société, mais qu’il n’est qu’un prétexte pour poursuivre fondamentalement le fonctionnement actuel, lequel est caractérisée par la prédominance dévastatrice de l’économie. Le DD n’est alors qu’une façon de justifier le développement économique sans égard à la nature.
Avec ces façons de faire, l’environnement reste donc encore écrasé, constamment négligé par les activités humaines. Le concept de DD ne devrait pas servir de prétexte à poursuivre cette tendance suicidaire. Au contraire, il est temps que le pilier environnemental prenne enfin sa vraie place avant que la planète ne se détériore trop et ne nuise trop sévèrement à la qualité de vie humaine. Dans notre application du DD, nous devons changer de paradigme en remettant le pilier éco-social à l’avant plan. Et puisque le pilier économique ne peut être négligé lui non plus, le système économique doit être revisitée et transformée en profondeur.