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Les limites du système économique

L’incompatibilité entre croissance économique et préservation de la nature

À l’issue de la Révolution industrielle et de l’enrichissement de l’Occident, le système économique industriel et capitaliste est non seulement devenu le modèle dominant mais il est devenu LE modèle à suivre. Pour que ce système fonctionne, la croissance économique doit être continue, de sorte que la production de biens et de services doit être croissante. Les périodes où la croissance économique n’a pas lieu sont appelées récessions ou crises et se traduisent par du chômage, des faillites, une baisse du pouvoir d’achat et des tensions sociales. Le système ne fonctionne alors plus (quoique l’on puisse remettre en question la justesse du fonctionnement « normal », aussi bien d’un point de vue social qu’environnemental).

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Or, dans un monde de dimensions finies, une croissance infinie, nécessaire ou même désirée, est clairement impossible, tout au moins telle qu’elle a lieu actuellement, soutenue qu’elle est par une production et une consommation toujours croissantes. C’est impossible évidemment parce que certaines ressources sont finies, mais également parce que la capacité de la nature à se renouveler et à absorber les effets que les activités induisent, sans que cela ne nuise à ces activités mêmes et au bien-être des populations, est également limitée. Les fondements mêmes de ce système économique le rendent tout simplement insoutenable. Et, en plus de ne pas être durable économiquement, il n’est pas acceptable socialement.

Par suite, ou bien il faut réduire la production et la ramener à un niveau soutenable, ou bien la croissance économique doit se poursuivre autrement. Par suite, ou bien il faut décroître économiquement, ou bien la croissance de la richesse doit être indépendante de l’empreinte écologique, comme on le verra plus bas. Dans les deux cas, cela signifie qu’il faut changer de système économique. Notons au passage qu’en admettant que ce système socioéconomique réussisse malgré tout à fonctionner avec une croissance qui serait nulle, l’étendue de l’impact atteint par nos sociétés est tout simplement déjà beaucoup trop élevé pour être soutenable.

Le coût social et humain

Le système socioéconomique qui s’est imposé à travers la planète depuis les 250 dernières années a eu de nombreux effets positifs : le niveau de vie s’est accru, la médecine a fait de grands progrès de sorte que l’espérance de vie s’est allongée, la vie est devenue matériellement plus confortable, les communications et les transports sont plus rapides et se sont démocratisés, les gens ont accès à l’éducation et le savoir est presque universellement accessible grâce à Internet, etc. On peut dire facilement qu’en moyenne chaque génération a vu sa condition s’améliorer par rapport à la génération précédente, et chacun préférera sans doute vivre aujourd’hui qu’à une époque précédente, tout au moins au niveau matériel et des conditions de vie. Néanmoins, ces bénéfices ont été acquis au dépend du patrimoine naturel mondial qui n’a pas cessé de se détériorer au fil du temps.

De plus, ces bénéfices ne concernent qu’une frange de la population mondiale. De fait, le système socioéconomique actuel s’avère aussi être un grave échec social et humain. À titre indicatif, la moitié de la richesse mondiale est détenue par un pourcent de la population, l’autre moitié étant partagée entre les 99 % restant [1]. Mais si les bénéfices du système actuel ont en effet été essentiellement et globalement l’apanage des citoyens des démocraties occidentales, ce ne sont pas toutes les couches sociales qui en ont profité également. Non seulement n’avons-nous pas vu au cours des dernières décennies une amélioration de la qualité de vie dans les PED, tout au moins jusqu’à une époque récente, mais nous avons assisté à un accroissement, au sein mêmes des pays de l’OCDE, de l’écart de revenus entre les riches et les pauvres [1-3]. Il est ainsi frappant de constater que 1% de la population des États-Unis a bénéficié de la reprise suite à la crise de 2008, tandis que le reste de la population s’est appauvrit [1]. La précarité économique est donc aussi une réalité dans les démocraties occidentales.

La situation est évidemment encore bien pire dans certains PED [4-6]. Le 20e siècle n’aura hélas connu que peu d’amélioration vis-à-vis des inégalités, de la pauvreté et de la faim dans le monde, une situation qui reste aujourd’hui inacceptable malgré certains progrès. En 2011-2013, le nombre de personnes sous-alimentées à l’échelle mondiale était encore de près de 850 millions, soit 12 % de la population. On a pourtant observé une légère diminution puisque ce nombre était de plus d’un milliard en 1990-1992 (soit 18,9 % de la population) [5]. Malgré tout, ces données ne compensent pas le fait que l’apport calorique est souvent insuffisant dans les PED, notamment pour des populations qui travaillent souvent physiquement. Elles dissimulent aussi certaines carences alimentaires qui affectent les populations. Du fait de la malnutrition, plus de 165 millions d’enfants présentent un retard de croissance autant au plan physique que cognitif, et 2 milliards de personnes vivent avec des déficiences en vitamines et en minéraux indispensables à une bonne santé [5].

On note quand même une amélioration de la situation d’un des objectifs du millénaire pour le développement de l’ONU [7]. Deux milliards de personnes ont vu en effet une amélioration de l’accès à l’eau potable entre 1990 et 2010. Globalement, 89% de la population mondiale (6,1 milliards de personnes) pouvait disposer d’une eau potable en 2010 et les estimations font monter ce chiffre à 92% de la population en 2015 [8]. Cette bonne nouvelle ne doit pas non plus cacher que 780 millions de personnes n’ont pas toujours vu leur accès à une eau de qualité s’améliorer tandis que subsistent de grandes disparités nationales et internationales [8]. Par ailleurs, un autre objectif du millénaire pour le développement, soit celui visant l’accès à un système sanitaire, ne sera pas atteint. La persistance de ces problèmes continue de représenter une menace pour la santé humaine [8].

On a vu plus haut comment les pays à bas revenus n’ont pu accéder à la richesse tandis que l’Occident s’est industrialisé et développé économiquement. La pauvreté dans le monde tient aussi en partie du fait que les moyens de subsistance d’une part importante de la population des PED dépend de l’agriculture. En effet, bien que l’urbanisation s’accentue dans le monde et que plus de la population mondiale est urbanisée (voir ci-haut), certaines régions du monde ont une population rurale prédominante, comme c’est le cas en Afrique (61% de la population) et en Asie (55%). Environ 2,5 milliards de personnes vivant en zone rurale, soit plus du tiers de la population mondiale, dépendent de l’agriculture pour leur subsistance [9], et ce secteur d’activité peut représenter jusqu’à 30% du PIB des PED [6]. Pour bien des États, et comme ceux du Nord l’ont vécu auparavant, l’agriculture peut être un important moteur de développement.

L’importance de l’agriculture

La pauvreté dans le monde tient donc en grande partie aux choix économiques en matière agricole. L’industrialisation de l’agriculture dans les années 50 et 60, appelée abusivement « Révolution verte » (voir ci-dessus), a notamment eu pour conséquence de rendre les petites exploitations non compétitives [5]. Par suite, pour de nombreux paysans des PED, l’exploitation ne pouvait plus être une source de revenus et n’est devenue qu’un moyen de subsistance. Les subventions accordées aux grandes exploitations a accentué le problème et a contribué à l’exode rural dans les PED [4,5]. Si on ajoute à cela le poids de la dette [10], des investissements déficients en faveur de l’agriculture locale et une croissance démographique en hausse, les PED les plus démunis se sont retrouvés incapables de répondre à leurs propres besoins alimentaires. On comprend dès lors que tout était réuni pour rendre ces pays dépendants des importations des denrées alimentaires et vulnérables face aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux. Et quand en 2008, les prix des produits agricoles ont flambé du fait de la hausse du prix du pétrole et de la spéculation, la situation s’est transformée en une véritable crise alimentaire qui a montré de façon criante les limites de ce système [5].

Notes et références

[1] OXFAM, Working for the few – Political capture and economic inequality (2014).
[2] OCDE, La crise amoindrit les revenus et rentenit sur la pauvreté et les inégalités (2013).
[3] OCDE, Tour d’horizon des inégalités croissantes de revenus dans les pays de l’OCDE : principaux constats (2012).
[4] Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens (Attac), Le développement a-t-il un avenir ? Pour une société économe et solidaire, Mille et une nuit, Montreuil-sous-bois (2004).
[5] O. De Schutter, Le droit à l’alimentation, facteur de changement, Conseil des droits de l’Homme des Nations unies (2014).
[6] FAO, Statistical Yearbook Rome (2013).
[7] Nations unies (2014).
[8] UNICEF and World Health Organization, Progress on Drinking Water and Sanitation: 2012 Update (2012).
[9] Agriculture inclut ici l’élevage, la chasse et la pêche.
[10] La pression de rembourser leur dette a notamment incité les PED à privilégier la culture de produits exportables au détriment de culture destinée à alimenter les populations locales [5].

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