Dans les pays riches, avec le développement économique et technologique, la population a atteint en moyenne un haut niveau de vie et de confort, un pouvoir d’achat élevé. C’est, par delà les autres incitatifs dont nous avons parlé ailleurs (consumérisme, besoin de renouvellement, l’innovation technologique), ce qui contribue à la surconsommation, car le faible coût des marchandises (par rapports aux revenus moyens) rend l’achat facile, nous encourage à acheter davantage de biens, à en changer souvent, et même si ça ne nous est pas absolument nécessaire. Car si nous sommes capables de dépenser ainsi sans que cela n’affecte réellement la viabilité financière des foyers, c’est peut-être que les produits industriels sont en fait trop peu chers [1], notamment par rapport à leur coût écologique. La surconsommation serait de toute évidence limitée si les objets avaient de la valeur. Et au-delà de la valeur monétaire, pour contrer la surconsommation, nous devons redonner une valeur affective, une valeur sentimentale aux objets.
Dans les sociétés développées, les particuliers fabriquent peu de choses par eux-mêmes. La plupart de ce qui rentre dans nos maisons est constitué de produits industriels. Or, on s’attache plus à ce que l’on façonne de nos mains ou que quelqu’un façonne de ses mains que ce que l’on achète, surtout les produits industriels. Nous avons peu d’attachement envers ces objets ou appareils qui sont fabriqués par milliers, sinon par millions, et qui sont de plus ou moins bonne qualité. La quantité et la grande disponibilité des produits les banalisent, réduisent l’attachement qu’on peut y porter. Ces objets, nous les désirons d’abord, nous sommes ensuite excités de les posséder, puis nous nous en lassons, plus ou moins rapidement. Nous n’avons d’ailleurs aucun remord à nous en débarrasser, même quand ils sont encore parfaitement fonctionnels, ce qui illustre le manque d’attachement que nous y accordons.
Pour pallier ce problème, et puisque la production de masse n’est pas prête de s’affaiblir, nous pourrions tenter de produire moins, mais mieux, afin de concevoir des produits que l’individu aimerait conserver longtemps, des produits qui auraient une valeur esthétique, sinon monétaire, auxquels on s’attacherait, que l’on aurait envie de conserver et qui seraient durables. La situation écologique ne nous permet pas, par exemple, de changer de téléphone cellulaire aux deux ans, sans bonne raison, et ce tout le long de notre vie ! Dans les pays riches, les achats locaux sont assez souvent des objets d’origine artisanale, de sorte que sa valeur monétaire et son esthétisme sont plus élevés et ils auront ainsi plus de chance d’être utilisés longtemps.
Notes
[1] Pour qu’une telle affirmation soit juste, il faut également tenir compte du fait que les plus pauvres n’ont pas tous le luxe de surconsommer ni même de simplement joindre les deux bouts. Ils sont d’ailleurs souvent contraints de se procurer des objets et des produits de moindre qualité pour subvenir à leurs besoins. Par suite, il faudrait que leur pouvoir d’achat soit ajusté, et la richesse probablement redistribuée.