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Les amphibiens disparaissent à un rythme inquiétant

C’est le cri d’alarme que nous livrent les chercheurs. La classe des amphibiens est le groupe qui actuellement est le plus à risque d’extinction. Un tiers des 6300 espèces connues est menacé et la tendance s’accélère. Les amphibiens sont vulnérables pour de multiples raisons et subissent de plein fouet la pression de l’être humain mais surtout, des changements climatiques et des maladies.

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Des animaux particulièrement vulnérables

Les amphibiens, anciennement nommés batraciens, regroupent les grenouilles, les salamandres et les gymniophiones. Ce qui est intriguant dans la disparition actuelle de ces animaux, c’est que le groupe a survécu à quatre grandes extinctions majeures qui se sont produites au cours des âges et qu’il est donc très résistant.

Cependant, ces animaux, par leur physiologie et leur constitution, apparaissent très vulnérables. Premièrement, ils connaissent lors de leur développement un stade larvaire aquatique, puis vivent sur terre à l’âge adulte. Ils vont donc connaître des environnements très différents, manger une nourriture très diversifiée et être confrontés à de multiples prédateurs et parasites.

Deuxièmement, les amphibiens sont pourvus d’une peau humide très vascularisée par laquelle ils respirent (cette respiration est plus importante que la respiration par les poumons). Ils sont donc en contact étroit avec leur environnement, ce qui les rend très vulnérables à la pollution de l’air et de l’eau.

Poison dart frog
Grenouille dendrobate (Poison dart frog) Costa Rica. Rainforest, Osa Peninsula) : (crédit photo : Obooble téléchargées le 20100513 sous licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 2.0 générique).

Enfin, les amphibiens sont des animaux poïkilothermes, c’est-à-dire à sang froid, ce qui signifie que leur température corporelle varie et dépend de la température extérieure. Ils sont très sensibles aux variations de température. Cette caractéristique est d’autant plus importante que certaines espèces vivent dans des zones géographiques très limitées du fait d’une faculté d’adaptation restreinte. Par exemple, certaines espèces qui vivent dans des zones montagneuses ne se retrouvent qu’à des altitudes comprises entre 1500 et 2000 m.

Étant particulièrement sensibles, les amphibiens représentent donc une excellente sentinelle pour diagnostiquer certains aspects de la santé environnementale des organismes terrestres.

Des animaux menacés

Les amphibiens ne sont pas répartis uniformément à la surface du globe. C’est en Amérique du Sud, notamment aux tropiques, qu’on en retrouve le plus. Les gymniophiones vivent principalement dans les régions tropicales, les salamandres dans les régions tempérées de l’hémisphère nord, tandis que les grenouilles se retrouvent à peu près partout, même jusqu’en Arctique.

 

Distribution par pays des amphibiens à la surface de la Terre
Distribution par pays des amphibiens à la surface de la Terre

Le Brésil compte le plus d’espèces (789) sur la planète suivi de la Colombie (642). La Chine en contient le plus dans l’Ancien Monde (Europe, Asie et Afrique) avec 335 espèces. Sur le continent africain, c’est la République Démocratique du Congo qui en abrite le plus (215), mais 239 vivent au Madagascar. L’Australie comporte 225 espèces et la Nouvelle Guinée 289. En Amérique du Nord, c’est le Mexique qui en a le plus avec 357 espèces. Aux États-Unis, on en retrouve 291.

Selon le Global Amphibian Assessment, 32,5% des espèces d’amphibiens sont globalement menacées, c’est-à-dire qu’elles se classent dans les catégories « vulnérable », « en danger » ou « gravement en danger ». 43% des espèces ont des populations en déclin. Le rythme d’extinction est extrêmement inquiétant : il est 211 fois plus élevé que le taux normal.

salamandre Ambystoma opacum
Salamnadre Ambystoma opacum (crédit photo: Obooble téléchargées le 20100513 sous licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 2.0 générique) .

Paradoxalement, ces observations sont réalisées alors que le rythme de découverte de nouvelles espèces n’a jamais été aussi élevé. En 1985, on connaissait environ 4000 espèces. En 2008, on en dénombrait 6300. Le rythme de découverte actuel est de 2% par année.

Heureusement, certaines espèces dans certaines régions du monde se portent bien, et se développent même dans des zones très marquées par les activités humaines. Il est probable que de telles espèces pourraient survivre à l’extinction globale actuelle, de la même manière que leurs ancêtres ont traversés les extinctions de grande ampleur passées.

Les causes

Les facteurs responsables de la disparition des amphibiens sont multiples : destruction ou modification des habitats, pollution de l’environnement (notamment l’utilisation de pesticides et de fertilisants mais également les sous-produits de l’industrie), introduction d’espèces exogènes.

Mais deux causes principales se détachent et semblent être responsables de l’ampleur du déclin actuel : une maladie infectieuse nommée chytridiomycose, causée par le champignon Batrachochydium dendrobatidis, et les changements climatiques.

La chytridiomycose a été découverte en 2001 en Sierra Nevada. Cette maladie provoque des ravages dans les populations d’amphibiens. Heureusement, il semble être relativement aisé de débarrasser des grenouilles de ce champignon en utilisant des fongicides habituels, mais c’est une entreprise gigantesque. Beaucoup d’inconnues subsistent autour de ce fléau pour sauver les amphibiens : identifier le vecteur de la maladie et comprendre comment est causée la mort.

Les changements climatiques et ses effets associés, variations extrêmes de température et de pluviosité, sont également invoqués, quoique qu’aucune corrélation stricte n’ait été démontrée. Cependant, la science évolue rapidement.

Les changements climatiques sont-ils impliqués ?

En effet, dans un article récent, Jason et Raffel donnent des évidences que les fluctuations du climat résultant du phénomène El Niño suivent l’évolution de la disparition des amphibiens. Les variations régionales des températures sont particulièrement en cause dans les pertes observées.

Il y a donc un lien étroit entre les variations de température et la disparition des amphibiens. L’étude montre que 83% des variations de perte d’animaux est lié à Batrachochydium dendrobatidis et à El Niño. En fait, il semble que les variations de températures agissent en réduisant la résistance immunitaire des amphibiens au champignon pathogène.

Les variations de températures du climat peuvent donc influencer fortement les risques d’extinctions des animaux à sang froid, notamment pour des espèces qui vivent dans des habitats restreints du fait de leur faculté d’adaptation limitée.

L’étude montre que des fluctuations de températures peuvent altérer les défenses immunitaires des animaux à sang froid, créant ainsi un lien entre changements climatiques et la diffusion des maladies. Les premiers peuvent donc exacerber la disparition des espèces. Il est néanmoins difficile de pouvoir généraliser ces phénomènes à l’ensemble de la biodiversité.

Quoi qu’il en soit, la situation est extrêmement alarmante pour les amphibiens. Les scientifiques, qui sont d’habitude avares de commentaires personnels dans leurs publications, nous avertissent même qu’il ne nous reste que peu de temps pour sauver les amphibiens.

Sources :

  • Wake D. et Vredenburg V., Are we in the midst of the sixth mass extinction? A view from the world of amphibians, Proceedings of the National Academy of Science 105 (2008) 11466-11473.
  • Jason R. et Raffel T. Linking global climate and temperature variability to widespread amphibian declines putatively caused by disease, Proceedings of the National Academy of Science 107 (2010) 8269-8274.

 

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