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Stratégie énergétique viable du Québec : réduire et innover – Partie 1

Mémoire sur la politique énergétique du Québec déposé à la Commission des enjeux énergétiques du Québec, Ministère des ressources naturelles du Québec.

Lire le mémoire sur le site de la Commission

1. Introduction

L’humanité fait face à plusieurs crises écologiques qui se manifestent par la dégradation de divers processus et sous-systèmes terrestres qui régulent les conditions de vie sur Terre (1-5). Cette dégradation résulte uniquement des activités humaines et est influencée par divers facteurs : la démographie, le système économique, la technologie, des facteurs sociaux et la gouvernance. À titre d’exemples, la surconsommation, une innovation technologique inextinguible, la recherche d’un confort matériel excessif et des négociations internationales inefficaces ont des répercussions négatives croissantes sur les facultés de résilience des espèces et des différents écosystèmes de la planète.
Par suite, la détérioration du fonctionnement de la planète menace à terme, localement et globalement, la qualité de vie, voire la survie des êtres humains. Ces crises écologiques incluent les changements climatiques, mais aussi la dégradation des habitats et de la qualité des sols, l’érosion de la biodiversité, la détérioration de la qualité des sols, les altérations des cycles biogéochimiques, l’acidification des océans, etc. (4).

La Politique énergétique doit s’inscrire dans le cadre d’une vision de développement durable de toute la société, dont l’objectif ultime est le bien-être des Québécois, soit un environnement sain, un revenu décent et des conditions sociales et culturelles permettant leur épanouissement.

2. Principes devant guider la Politique

Afin de contribuer à la prospérité du Québec, c’est-à-dire au bien-être des Québécois et à la réduction de la pauvreté et des inégalités, aujourd’hui et dans l’avenir, la Politique énergétique devrait reposer et toujours être guidée par les principes inaliénables suivants :

  1. Assurer à long terme à tous les Québécois, sans négliger aucune communauté, un environnement sain et sécuritaire : air, eau potable, nourriture, logement, conditions climatiques
  2. Assurer à tous les Québécois, sans négliger aucune communauté, l’accès à l’éducation, à des emplois de qualité et à la culture
  3. Donner préséance à l’intérêt du bien commun sur l’intérêt privé tout en restant équitable
  4. Laisser aux générations futures les mêmes options possibles que celles que nous avons aujourd’hui
  5. Ne négliger aucune des crises écologiques mentionnées ci-dessus
  6. Prendre en compte l’empreinte écologique globale des activités du Québec, incluant les répercussions dans les pays avec lesquels ces activités ont lieu
  7. Miser sur les changements de comportements plutôt que sur la technologie
Pylônes électriques
Crédit photo : Planète viable, 2011.

Le premier principe consiste à offrir à l’ensemble des Québécois, quels que soient leur lieu de résidence, leur origine ou leur culture, les conditions de vie minimales et indispensables à leur bien-être, surtout physique. Le second principe mise davantage sur le bien-être psychologique et matériel, bien qu’un environnement de qualité contribue également à la santé psychologique. L’accès à la culture sous-tend la nécessité de préserver toutes les cultures. Le troisième principe indique que le bien commun est prioritaire, devant les intérêts privés, notamment ceux des entreprises, mais qu’il ne pas doit altérer les conditions de vie des particuliers. L’intérêt commun doit donc être équitable ; il doit par exemple permettre aux communautés autochtones de rattraper leur retard en termes de niveau de vie par rapport à l’ensemble des Québécois. Le quatrième principe focalise sur le caractère durable du bien-être qui doit perdurer pour les générations à venir.

Le cinquième principe veille à éviter que l’on se concentre uniquement sur le réchauffement planétaire et que l’on néglige les autres crises écologiques qui sont également menaçantes. Il pourrait en effet être tentant de vouloir atténuer les changements climatiques, la crise écologique la plus médiatisée. Cependant, cela ne devrait pas se faire au détriment d’autres problèmes écologiques aussi graves, par exemple la disparition des espèces et la détérioration des services écosystémiques. Des exemples d’application de ce principe seront donnés plus bas.

Le sixième principe est nécessaire du fait que les crises écologiques sont mondiales, et qu’il faut réduire l’empreinte écologique de la planète entière, y compris les pays qui nous approvisionnent en ressources et en produits. On ne peut donc se satisfaire de protéger l’environnement au Québec sans tenir compte d’une détérioration dans les pays qui partagent des activités avec nous.

Le dernier principe vise à assurer l’efficacité de la Politique énergétique. En effet, bien qu’une technologie adaptée soit cruciale pour contrecarrer les crises écologiques, elle ne permettra pas seule de les résoudre. Qu’on le veuille ou non, des changements de comportement sont incontournables pour réduire notre empreinte écologique et préserver les ressources. Une transformation du système économique est également indispensable, et s’opérera tôt ou tard. Bien que le Québec ne puisse agir seul en cette matière, la Politique énergétique devra préparer la province à ce virage qui s’annonce et qui impliquera alors l’ensemble des États.

3. Principe général de priorité des actions

Depuis la Révolution industrielle et la mise en place du système économique qui a cours encore aujourd’hui, les croissances économique et technologique assurent une augmentation de la richesse, du confort et de l’espérance de vie. Cependant, les pays développés ont vu ces « progrès » augmenter au détriment de l’environnement local et mondial. Ce paradigme ne peut continuer car il menace à terme la qualité de vie des êtres humains et celles des générations futures, d’autant que ce modèle économique s’implante maintenant dans les pays émergents et les pays en développement, accroissant ainsi la vitesse de dégradation de la planète. Autrement dit, les sociétés telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui sont insoutenables. Il faut donc les transformer pour réduire radicalement leur empreinte écologique et atténuer les différentes crises écologiques, tout en maintenant des conditions de vie financières et matérielles assurant la qualité de vie. Cette tâche est particulièrement complexe :

  • du fait que les crises écologiques sont interconnectées
  • du fait de la globalisation du monde et des marchés
  • du fait qu’il semble difficile de changer : le système économique, les institutions qui l’encadrent et les comportements des populations

En somme, l’humanité doit trouver une solution au problème probablement le plus épineux qu’elle ait jamais eu à régler. La difficulté est accentuée par l’urgence de la situation et le fait que les rares mesures d’atténuation mises en place à l’échelle mondiale n’ont eu que peu d’effet pour ralentir la dégradation de l’environnement. Ce problème mondial va exiger des solutions multiples et complexes qui devront être implantées à différents niveaux, notamment au niveau institutionnel (gouvernance), social (comportement), économique et technologique.

Il découle directement et logiquement de la situation environnementale mondiale telle qu’elle se présente aujourd’hui que le moyen le plus efficace pour lutter simultanément contre les changements climatiques et contre les autres crises écologiques est d’agir au niveau de la réduction. La réduction, ou sobriété, est définie ici comme une action consistant à diminuer la demande en ressource par un changement du fonctionnement de la société et du mode de vie. Il s’agit par exemple de réduire notre consommation et le gaspillage. La réduction est la façon la plus rapide et qui aura le plus d’effet pour réduire significativement notre empreinte écologique tout en maintenant une prospérité économique. Les mesures de réduction permettent en effet aux individus et aux entreprises de faire des économies monétaires, accroissant respectivement leur pouvoir d’achat et leur compétitivité. La société doit, et peut apprendre, à se développer sans compromettre la capacité de résilience de l’environnement planétaire.

Dans le cadre d’une Politique énergétique, la réduction globale de la consommation d’énergie apparaît donc comme l’action à prioriser. Le premier type d’énergie qui doit être ciblé est l’énergie de source fossile car il s’agit d’une énergie non renouvelable, polluante, qui est la principale source de gaz à effet de serre (GES). Cependant, l’énergie électrique doit elle aussi être économisée car elle a elle aussi un impact environnemental, qu’elle soit de source hydraulique, éolienne ou autre. La réduction de la consommation d’énergie électrique permet aussi de dégager des surplus comme substitut aux énergies plus polluantes ou pour les vendre afin de réduire l’impact des autres provinces ou des États-Unis. Une réduction radicale de la consommation d’énergie est incontournable pour atteindre les objectifs énoncés dans le Document de consultation, en particulier la réduction de 25% par rapport à 1990 des GES à l’horizon 2020.

En tant qu’action de deuxième ligne, des mesures d’efficacité énergétique doivent accompagner la réduction. L’efficacité énergétique, qui est définie ici comme une optimisation de l’utilisation de l’énergie, essentiellement par des procédés techniques et technologiques, peut être un levier économique comme le mentionne le Document de consultation. Le Québec aurait intérêt à développer une expertise dans tous les domaines concernés par l’efficacité énergétique puisqu’il s’agit de secteurs qui vont nécessairement s’imposer à l’avenir. Cependant, l’expérience montre que dans les faits, l’accroissement de l’efficacité énergétique se traduit le plus souvent par un accroissement de la demande énergétique (paradoxe de Jevons ou effet rebond), ce qui confirme l’absolue nécessité de réduire prioritairement la consommation d’énergie.

Enfin, comme action de troisième ligne, on ciblera l’abandon des énergies ayant le plus d’impact environnemental, notamment les énergies fossiles, au profit des sources d’énergie ayant un impact moindre. On privilégiera notamment des sources d’énergie renouvelables telles que l’énergie éolienne, photovoltaïque, hydrolienne, marémotrice. Cependant, cette action de troisième ligne doit être mûrement réfléchie et un nouveau type d’énergie ne doit pas être déployée trop hâtivement, car ce type de mesure peut engager une société dans une mauvaise direction pour longtemps et s’avérer coûteux. La technologie en effet change aujourd’hui très vite, elle se diffuse et s’implante très rapidement, et a des impacts importants et prolongés. Par exemple, la conversion du parc automobile fonctionnant à l’essence ou au diesel par des automobiles électriques réduirait de fait les émissions de GES, mais l’impact de la construction des automobiles et des batteries ainsi que la demande électrique serait considérable, ce qui en fin de compte augmenterait la dégradation environnementale. Une telle mesure ne peut être avantageuse pour la société que si le parc automobile est réduit considérablement, au profit du transport collectif par exemple.

Bibliographie
1. A. D. Barnosky et al., Nature 486, 52 (2012).
2. P. Crutzen, E. F. Stoermer, IGPB Newsletter 41, 17 (2000).
3. PNUE, Global environment outlook 5, (2012) Programme des Nations unies pour l’environnement, 583 pages [En ligne] http://www.unep.org/geo/geo5.asp, consulté le 21 août 2013.
4. J. Rockström et al., Nature 461, 472 (2009).
5. State of the Planet Declaration, Planet Under Pressure: New Knowledge Towards Solutions, pages (2012) Conférence Planet under pressure [En ligne] http://www.essp.org/fileadmin/redakteure/pdf/others/PUP_declaration.pdf, consulté le 13 février 2013.

 

Stratégie énergétique viable du Québec : réduire et innover – Partie 2.

 

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