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Le bois est-il une source d’énergie carboneutre ?

Les granules de bois gagnent en popularité comme source d’énergie. Un des gros avantages est que les émissions de CO2 produites lors de la combustion peuvent être compensées par reboisement. Sur le papier, ce principe semble bien fondé, mais l’est-il en pratique ? Cette question divise les scientifiques et inquiète les environnementalistes. Un article récent paru dans la revue Science traite de cette question [1].

Disons-le d’emblée, le bois n’est pas une source d’énergie à zéro émissions, notamment quand on considère le cycle de vie complet de cette ressource (production, transport, changement d’utilisation des terres). Cependant, le bois pourrait représenter un combustible émettant de 74 à 85 % moins de CO2 que le charbon [1]. Par conséquent, les granules de bois pourraient devenir un pôle économique attractif et faire reculer la combustion des énergies fossiles.

L’exploitation forestière et la plantation d’arbres pourraient donc susciter un grand engouement. L’attrait économique et potentiellement écologique pourrait être tel qu’il pourrait conduire à convertir des terres agricoles en boisés [1]. Cette tendance pourrait être bénéfique à différents points de vue (climatique et écologique), à conditions que les plantations ne suivent pas les paradigmes de la monoculture industrielle ou que l’on ne privilégie pas uniquement des essences à croissance rapide. Par contre, l’attrait pour le bois pourrait accélérer la déforestation, justifiée qu’elle serait par la lutte aux changements climatiques [1]. Par suite, l’engouement pourrait également aggraver une autre crise écologique, celle de l’érosion de la biodiversité et des services écosystémiques.

L’utilisation du bois comme source de combustible pose un autre problème. Ce dernier tient au fait qu’il y a une différence d’échelle de temps entre la combustion et la régénération du bois : la première est presque instantanée alors que la seconde nécessite des décennies voire des siècles. Par conséquent, la compensation du CO2 émis peut prendre beaucoup de temps avant d’être effective. L’impact carbone de la combustion ligneuse dépend donc du laps de temps que l’on considère [1], ce qui complique les choses. Par exemple, une centrale thermique au bois pourrait avoir une empreinte carbone supérieure à celle d’une centrale au charbon sur 50 ans, mais elle pourrait être moindre sur 100 ou 200 ans [1].

Cependant, l’urgence climatique exige une réaction rapide. Nous ne pouvons nous permettre d’émettre des pics de CO2 par une combustion rapide (et excessive) de bois sous couvert de carboneutralité, et attendre des décennies que ce carbone soit capté par la croissance d’arbres. Alors que nous ne devrions faire qu’une seule chose, réduire nos émissions de GES, des changements irréversibles du système planétaire pourraient survenir suite à des pics d’émissions et conduire au-delà d’une limite où le climat pourrait s’emballer. Le bois n’est pas une énergie viable à court terme, surtout avec le niveau de réchauffement planétaire déjà atteint.

Mais ce n’est pas tout. La nature ne réagit pas toujours comme on l’imagine. S’il advenait que le bois devienne une source de combustible généralisée, la foresterie prospérerait et les forêts aménagées fleuriraient. Or, celles-ci ne sont pas des forêts naturelles, et il se trouve que le sol des forêts stocke également de grandes quantités de carbone [1]. Des mesures réalisées sur le terrain semblent montrer que le sol des forêts aménagées laisse échapper une fraction du CO2, un effet qui pourrait être dû à une perturbation de l’activité du microbiome du sol [1]. Bien que d’autres mesures n’aient pas confirmé cette observation [1], ce phénomène est inquiétant et mérite d’être élucidé.

Comme souvent, la société pourrait trouver dans cette apparente (mais illusoire) carboneutralité du bois un moyen supplémentaire d’éviter une transformation plus profonde de notre système socioéconomique pour réduire l’impact de nos activités et devenir viable. Il est d’ailleurs à noter que certains points développés plus haut pourraient également s’appliquer aux forêts quand on les considère, non pas comme une source d’énergie, mais comme une ressource renouvelable. Nous devons repenser notre gestion et notre utilisation des ressources.

Bibliographie

[1] Warren Cornwall, The burning question Science (2017) 355 18, DOI:10.1126/science.355.6320.18 http://science.sciencemag.org/content/355/6320/18

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