La pollution est une contamination de l’environnement, par des molécules ou des particules, qui résulte des activités humaines. Il s’agit de l’une des trois catégories de conséquences environnementales dues aux êtres humains. Cette contamination peut être due à une nouvelle répartition dans la biosphère de molécules initialement présentes sur Terre ou à l’introduction d’une nouvelle substance. Pour les écosystèmes, il s’agit la plupart du temps de molécules exogènes, mais parfois de molécules endogènes à la Terre. Contrairement à la notion souvent utilisée de pollution « chimique », la présente définition inclut tout type de molécule redistribuée ou nouvellement ajoutée à l’environnement, qui nuit aux espèces vivantes, aux êtres humains ou au fonctionnement des processus terrestres. Elle inclut donc par exemple les gaz à effet de serre (GES) comme le CO2, qui certes n’est pas toxique et qui ne peut être considérée comme exogène, mais qui est d’origine anthropique et altère le climat. Les polluants peuvent être des molécules simples à l’état solide ou gazeux, des solutions plus ou moins visqueuses, des mélanges ou des particules complexes.
Une autre caractéristique majeure de la pollution tient dans le caractère plus ou moins dilué des contaminants, et ce sur une aire de répartition plus ou moins grande. Cette dilution, ou diffusion, rend la pollution difficile à contrecarrer si on ne la récupère pas à la source. C’est ainsi qu’il est plus facile de collecter le CO2 directement à son point d’émission plutôt qu’une fois dispersé dans l’atmosphère. Une caractéristique qui découle de ce caractère dilué est la valeur de la concentration du produit incriminé et de la vitesse à laquelle il se répand ou s’accumule avec le temps dans l’environnement et dans les organismes. La Terre étant finie, toute substance dont la fin de vie est mal gérée aboutit dans l’environnement, parfois dans des régions situées à des milliers de kilomètres de son rejet. Enfin, le nombre de molécules produites par la société augmentant continuellement, les organismes sont progressivement exposés à de nouveaux produits et à davantage de mélanges. Cette prolifération complique l’établissement d’une connaissance claire et exhaustive des effets possibles des polluants sur l’être humain et l’environnement, y compris à faible dose.
Une nouvelle répartition de molécules
Comme mentionné ci-dessus, la pollution peut sous-tendre une nouvelle distribution de substances initialement présentes sur Terre et leur dilution dans l’environnement, représentant ainsi une nocivité potentielle pour la biosphère. Cette menace résulte du fait que la substance dispersée est initialement localisée dans un environnement biologiquement neutre (un milieu abiotique), par exemple dans la lithosphère, et qu’elle rejoint les écosystèmes alors qu’elle n’y est pas naturellement présente ou à des concentrations moindre. C’est par exemple le cas lors du rejet volontaire de résidus ou lors du lessivage de surface des complexes miniers par la pluie ou lors de la lixiviation des résidus, qui conduit à l’écoulement de différentes molécules. C’est aussi le cas lors de fuites ou de larges déversements d’hydrocarbures ou de gaz naturel qui étaient antérieurement séquestré dans le sous-sol.
Une nouvelle répartition des éléments terrestres s’opère également quand certaines molécules initialement contenues dans un environnement restreint et abiotique sont intégrées dans des produits industriels, eux-mêmes disséminés largement via le transport, parfois à l’échelle mondiale, et qui sont finalement rejetés et se dégradent dans l’environnement. Un exemple en est donné par les métaux, initialement contenus dans le sous-sol qui sont incorporés dans les produits informatiques, les cellulaires ou les piles. Si la gestion de la fin de vie de ces produits est déficiente, les métaux se retrouvent dans l’environnement et interfèrent avec les organismes et les écosystèmes. La molécule initialement « naturelle » prend alors un caractère polluant. La substance peut être dommageable par elle-même pour les espèces vivantes ou les êtres humains, mais, elle peut aussi se fragmenter ou se transformer au cours de la diffusion dans l’environnement, notamment par dégradation. Les dérivés alors formés peuvent alors à leur tour avoir une toxicité qui peut dépasser ou être inférieure à celle de la molécule source.
Plutôt que de répartir autrement un type de molécule déjà présent dans l’écosphère, les activités humaines peuvent utiliser une molécule de la nature, la transformer en une autre molécule naturellement présente et la répandre à un taux supérieur à ce que l’écosystème est capable d’assimiler. Un exemple de ce type nous vient à nouveau des combustibles fossiles initialement confinés dans le sous-sol (pétrole, gaz, charbon), qui sont convertis, entre autre, en CO2 suite à la combustion par les centrales thermiques ou le moteur des engins de transport, et rejoignent finalement l’atmosphère. Dans ce cas, le CO2 produit est endogène à l’atmosphère, mais cela ne l’empêche pas d’avoir un impact sur la température moyenne terrestre, ce qui par suite influe sur le climat. De façon similaire, une fraction du CO2 émis par les activités humaines se dissout dans les océans, modifie la concentration « naturelle » de CO2, et par le fait même acidifie l’eau de mer nuisant ainsi à la survie des espèces marines et au processus de calcification des organismes dont le squelette à base de calcaire. Un autre exemple est donné par l’accroissement considérable de la présence d’azote dans la biosphère qu’engendre l’utilisation intensive d’engrais dans les activités agroalimentaires industrielles. Dans ce cas, il s’agit de la transformation du diazote (N2), le composant principal de l’atmosphère, en engrais assimilables par les plantes.
L’introduction de nouvelles molécules
Un second grand type de pollution a lieu quand l’être humain crée une nouvelle molécule après transformation chimique d’une substance prélevée sur Terre, et qui est répandue dans l’environnement. Un exemple de ce type nous est donné par le plastique qui est fabriqué à partir d’hydrocarbures. Ceux-ci sont initialement présents dans des poches souterraines (ou sous les fonds océaniques) ou dans les interstices d’une roche poreuse. En produisant des objets ou appareils à partir des matières plastiques puis en les rejetant dans l’environnement, une pollution de l’environnement a lieu par ces substances exogènes. Les cinq « continents de plastiques » que l’on retrouve dans les océans du globe en sont le symbole le plus représentatif. Un autre exemple nous est donné par les aérosols (des particules organiques riches en carbone telles que la suie) qui résultent de la combustion des hydrocarbures. Nombre de molécules issues de l’industrie pharmaceutique, cosmétologique, agroalimentaire, chimique ou encore du transport, appartiennent à cette catégorie.
La majorité des polluants dits « chimiques » sont de ce type, mais il faut garder à l’esprit que cet adjectif est inadapté, car toute molécule est « chimique », y compris les molécules naturelles. Celles-ci obéissent en effet aux mêmes lois de la chimie que les molécules créées par l’être humain. Certes, ces molécules sont modifiées par la chimie, mais le terme polluant « chimique » devrait être pris dans le sens de « créé par l’être humain ». Quoiqu’il en soit, la plupart des polluants de cette catégorie sont synthétiques et naturellement absentes sur Terre. Il en est ainsi de nombre de pesticides qui relèvent de la transformation du pétrole et qui se répandent dans le sol et les aquifères puis finalement les zones côtières. Il en est de même, pour les médicaments tels que les hormones, les molécules anti-cancers, les somnifères, anti-inflammatoires, antibiotiques, etc. Dans ce derniers, cas, ils peuvent tout autant provenir de l’industrie agroalimentaire, puisqu’utilisés pour prévenir les maladies dans les élevages. D’autres exemples nous sont fournis par les plastifiants utilisés pour donner certaines propriétés aux plastiques, les Composés Organiques Volatils (ou COV) ou les gaz qui détruisent la couche d’ozone.
Pour avoir une petite idée de l’ampleur du phénomène de la pollution par des substances artificielles, un exemple éloquent nous est fourni par l’industrie chimique. En effet, le nombre total de molécules différentes que ce secteur produit atteint aujourd’hui le chiffre phénoménal de 95 000. [1] Ce chiffre est confirmé par la Communauté européenne et de l’Agence américaine de protection de l’environnement qui évaluent le nombre de produits chimiques commerciaux entre 80 000 à 100 000. [2] Autre exemple : concernant l’appauvrissement du trou de la couche d’ozone seulement, le nombre de gaz produits par nos sociétés qui en sont à l’origine avoisine 90, principalement des molécules halogénées. [3]
La pollution ne connaît de barrières que celles de la planète
La Terre ayant des limites, la pollution est une diffusion en circuit fermé. Ainsi, le rejet a lieu à un endroit déterminé mais la diffusion d’une molécule peut l’amener n’importe où sur la planète. C’est évident pour les gaz tels que CO2 et les autres GES qui peuvent voyager à travers l’atmosphère sans se soucier des frontières avant de se dégrader, mais c’est également vrai pour tout type de molécule. Par suite, tous les types d’habitats et de biomes peuvent être affectés. On retrouve ainsi des particules de suie jusqu’aux pôles, ce qui réduit l’albédo de la neige de ces régions et accentue le réchauffement climatique. Le transport des polluants peut avoir pour origine le vent, le drainage, l’érosion ou lessivage par les eaux de pluies, la lixiviation, le courant des rivières, les courants océaniques, ou tout simplement le transport humain. Les animaux peuvent aussi être des pourvoyeurs de contaminants.
Cette différence entre le lieu d’émission d’un polluant, les régions qu’il va parcourir et celle où il va aboutir explique pourquoi certaines molécules issues de régions développées se retrouvent dans des zones peu ou pas habitées et industrialisées. Aussi, les polluants peuvent s’accumuler dans l’organisme des animaux (bioaccumulation) et se concentrer progressivement dans les organismes à mesure qu’ils sont situés vers le haut de la chaîne alimentaire (bioamplification). Ainsi, les phoques sont situés assez haut dans le réseau trophique arctique et emmagasinent des BPC et des dioxines. Ces derniers sont finalement ingérés par les Inuits dont le régime comporte encore une importante proportion de viande crue (ils sont au sommet de la chaîne alimentaire au même titre que les ours polaires).
Ces exemples montrent qu’aujourd’hui la charge en molécules issue de nos activités se répand continument dans l’environnement et se heurte à la finitude des écosystèmes. Le déversement continuel de substances dans l’environnement, volontaire ou non, accroît progressivement les concentrations et contamine notre propre demeure, la Terre. Il est inévitable que, tôt ou tard, une partie de ces substances reviennent dans notre assiette ou notre verre d’eau.
La pollution, une question de concentration
La concentration des polluants est un paramètre important, car c’est elle qui détermine si un milieu peut assimiler la charge en contaminants. Une molécule sera dite assimilée si aucun effet nuisible significatif n’est détecté en dessous d’une concentration seuil. Or, la teneur d’une substance dans un environnement donné dépend de la différence entre l’intensité et la durée du flux de polluants et son temps de persistance dans le milieu. Ce dernier dépend de la vitesse de dispersion du contaminant et de la vitesse à laquelle les écosystèmes peuvent le dégrader ou de son temps de vie, qui peut aller de quelques jours à plusieurs millénaires. Par exemple, le temps de vie du CO2 est de 100 ans dans l’atmosphère alors qu’il peut atteindre plusieurs millénaires pour certains gaz fluorés. [4] Selon les conditions, le polluant peut alors s’accumuler dans le milieu ou non. Les plastiques, par exemple, se dégradent généralement en quelques centaines d’années tandis que pour les déchets nucléaires, le temps de décroissance radioactive peut atteindre plusieurs dizaines de millénaires.
Lors d’une marée noire ou d’un autre déversement chimique, la pollution est soudaine et de grande envergure, donc « concentrée », par opposition à la pollution diffuse (ou chronique) qui résulte d’une dispersion plus ou moins lente de molécules. Néanmoins, malgré cette « haute » concentration qui caractérise les accidents environnementaux, la principale difficulté reste de reconcentrer le polluant pour pouvoir le récupérer. Cependant, le problème est souvent encore plus aigu pour une diffusion diffuse. Néanmoins, lors des catastrophes écologiques, les effets sont rapides, spectaculaires et dévastateurs. Mais, même une fois nettoyée, la pollution persiste et continue de sévir des années durant jusqu’à ce les polluants soient dégradés, enfouies ou dispersés, allant ainsi polluer d’autres milieux.
Bibliographie
[1] 2013 UNEP Year Book, UNEP, http://www.unep.org/yearbook/2013/
[2] Rockström et coll. Planetary boundaries: exploring the safe operating space for humanity, Ecology and Society 14 32
[3] Ozone-depleting substances, US Environmental Protection Agency http://www.epa.gov/ozone/science/ods/index.html
[4] GIEC, 2007, Fourth Assessment Report, Chapitre 2