Afin de remédier à la crise écologique planétaire qui menace les conditions mêmes de vie sur Terre, l’ONU s’est engagée dans l’établissement de règles juridiques internationales que les États devraient respecter en matière d’environnement. Bien que ce « pacte » représente un progrès potentiel important pour la réduction de la détérioration planétaire, le document préliminaire doit faire l’objet de négociations et on est en droit de douter de son efficacité concrète.
L’Organisation des nations unies (ONU) travaille actuellement à une nouvelle initiative, le Pacte mondial pour l’environnement. Devant l’inexorable et rapide dégradation de l’environnement mondial, notamment devant la menace de plus en plus pressante qu’exercent le réchauffement climatique et l’érosion des espèces, il apparaît urgent d’accélérer les efforts visant à protéger notre planète. Encore une fois, l’ONU fait montre de leadership en la matière, même si ses efforts se concrétisent hélas rarement en une réduction tangible de l’empreinte écologique mondiale.
Le but du Pacte
Curieusement, il n’existe pas encore de traité portant de manière globale sur l’environnement. Il y a bien des conventions et des protocoles, comme les Conférences des Parties sur les changements scientifiques, sur la biodiversité, la désertification, le Protocole de Montréal, etc., mais ils sont très sectoriels, de sorte que le droit en environnement s’en trouve morcelé. Le Pacte viendrait ainsi combler une profonde lacune.
Ce pacte vise à fixer les principes juridiques fondamentaux que les États devraient respecter en matière d’environnement. Il prend en compte les droits des citoyens et les devoirs du gouvernement. Il précise notamment les droits et devoirs en matière d’environnement, l’obligation de prévenir les dommages, le principe de précaution ou le devoir de réparation.
Un des points forts de ce pacte est qu’il poserait des règles qui soient identiques pour tout le monde, de sorte que tous les États seraient logés à la même enseigne et aucun État ne serait désavantagé. Or, dans le système actuel, il n’existe pas de normes juridiques internationales de sorte que l’État qui prend des mesures pour réduire son empreinte écologique risque d’être désavantagé économiquement. Le Pacte permettrait d’harmoniser et renforcer le droit en environnement.
Le processus de rédaction et d’adoption du Pacte
L’étape initiale de la rédaction du Pacte a impliqué des juristes, un travail collectif international. Le projet a ensuite été porté au niveau politique par la France, notamment par l’ancien Premier ministre et hôte de la COP21 à Paris, Laurent Fabius, qui a convaincu le Président Emmanuel Macron de son bien fondé. Celui-ci a ainsi présenté et défendu le Pacte à l’ONU en septembre 2017. En mai 2018, une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, adoptée par 143 votes « pour », 5 « contre » et 7 abstentions, décidait d’engager des négociations sur le texte préliminaire (Draft Global Pact for the Environment).
C’est ainsi que l’ONU fonctionne : on propose des avancées sur les enjeux de paix ou d’environnement, et les objectifs, les délais et le suivi sont négociés au niveau international entre États. En ce qui concerne le texte du Pacte, on s’attend qu’il représente à l’issue des négociations un socle minimal mondial de valeurs en environnement. Les décisions prises par certains tribunaux nationaux pourront ainsi inspirer ou influencer les jugements ailleurs dans le monde. Le Pacte pourrait même constituer un outil utile aux États leur permettant de combler leurs propres déficiences en droit de l’environnement. Les États seraient également peut-être davantage redevables envers leur population de la protection de l’environnement.
On se dirige donc pour la suite vers des rondes de négociations afin de parvenir un texte assez contraignant pour être efficace et réduire significativement la dégradation de la planète, ni trop contraignant afin de susciter une adhésion large sinon unanime. Or, on sait que les pays connaissent des réalités et des préoccupations très différentes. Certains pays trouveront sans doute le texte trop ambitieux, d’autres pas assez.
Et c’est là que le bas blesse. Les objectifs du Pacte sont vertueux et ambitieux. Il est malheureusement à prévoir que les négociations conduisent à de nombreux compromis et à un texte consensuel, édulcoré et inefficace, comme cela s’est déjà vu trop souvent. Le texte rédigé à l’issue du Sommet de la Terre Rio+20 en est un exemple. L’Accord de Paris, un traité avec une forte adhésion mais non contraignant, ne semble pas se concrétiser pour l’instant en réduction des émissions de GES. Mais peut-être pourrait-on avoir une bonne surprise ?
Conclusion
La version préliminaire du pacte contient des principes forts et utiles. Mais en fin de compte, comme toutes les conventions et protocoles de l’ONU, il ne modifie pas nos mode de vie et ne remet pas en cause la surproduction ni la surconsommation qui sont à l’origine de la crise écologique mondiale. La grande question est donc celle-ci : bien que le Pacte mondial pour l’environnement représente un progrès indéniable, quelle sera son efficacité réelle pour réduire l’empreinte écologique de la civilisation dans ce système socioéconomique techno-industriel ?
Références
Ce texte et les réflexions de ce texte sont en partie basés sur les présentations données lors de la conférence intitulée « Une opportunité pour un Canada plus vert ? Le projet de Pacte mondial pour l’environnement » qui s’est déroulée le 21 septembre 2018 à l’Université Laval. Cette conférence était organisée par la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement (CRCDE) en collaboration avec l’institut en environnement, développement et société (Institut EDS). Avec :
- Yann Aguila, conseiller d’État, avocat au Barreau de Paris. Professeur affilié à Sciences Po Paris, enseignant à l’École de Formation du Barreau de Paris (EFB) et secrétaire général du Groupe d’experts pour le Pacte (GEP)
- Geneviève Dufour, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et directrice du programme de maîtrise en droit, cheminement droit international et politique internationale appliqués et Ariane Joazard-Bélizaire, étudiante sous la direction de Geneviève Dufour
- Vinvent Royer, directeur des organisations internationales et des enjeux globaux au MRIF depuis avril 2015
Vidéo de présentation du Pacte : https://vimeo.com/290444494/703727fea8