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Rio+20 : les négociations multilatérales sont-elles devenues inutiles ?

La Conférence des Nations unies pour le développement durable (Rio+20) a été critiquée de toute part, et ce malgré la forte mobilisation de la société civile lors de cet événement et quelques initiatives lancées à cette occasion. Cet échec rappelle celui, retentissant, qu’a connu récemment la conférence sur les changements climatiques de Copenhague en 2009 (COP15). À la différence de cette dernière qui avait connu un dangereux manque de transparence et d’unanimité pendant le processus de négociations, Rio+20 a bénéficié d’un accord général, mais d’un accord que l’on peut qualifier de « mou ».

Les résultats en l’occurrence sont en effet trop faibles et trop lents au regard de l’état préoccupant de la planète telle que les données scientifiques le dépeignent. Les États restent campés sur leurs positions, motivés qu’ils sont par leurs propres intérêts sans avoir la volonté politique de considérer le bien commun, ce qui conduit presque systématiquement à des accords qui ne prennent en compte que le plus petit dénominateur commun. Les écarts par exemple sont grands, voire irréconciliables entre les pays du Nord et ceux du Sud. Mais pas uniquement, puisque les pays en développement n’ont plus l’air non plus de s’entendre suffisamment pour parler d’une seule voix.

Ainsi, devant l’urgence de la situation planétaire, il semble tout à fait justifié de se demander si le type de négociations multilatérales organisées sous les hospices des Nations unies ont encore une utilité dans le but de résoudre à temps les grands problèmes environnementaux et d’égalité auxquels fait face l’humanité.

Il serait exagéré et contreproductif de condamner en bloc l’ensemble des négociations qui ont lieu dans les différentes conventions et qui se traduisent lentement en actions concrètes dans nos sociétés. Les personnes qui œuvrent dans tous les groupes de travail déploient des efforts titanesques pour résoudre au niveau international les crises planétaires en essayant de réconcilier les différents points de vue des États. Il serait bienvenu néanmoins de remettre en question les principes sur lesquels sont basées les négociations puisqu’ils se révèlent inefficaces. Et surtout, il est légitime de remettre en cause la pertinence des grands rendez-vous tels que les sommets de la Terre, surtout quand certains pays comme le Canada vont jusqu’à torpiller les pourparlers.

Comme la plupart des commentateurs, ceux de l’Institut international pour le Développement durable (International Institute for Sustainable Development, IISD) sont très critiques vis-à-vis des négociations qui ont eu lieu dans le cadre de la Conférence Rio+20. Mark Halle, directeur exécutif de l’IISD-Europe, reproche par exemple aux organisateurs d’avoir convoqué la Conférence de Rio alors que les conditions étaient loin d’être favorables, alors qu’aucun consensus fort sur les principaux enjeux n’était en train de se bâtir. Bref, la dynamique n’était pas propice. « Fêter un 20ième anniversaire n’était vraiment pas une raison suffisante », ajoute-t-il.

On pourra toujours arguer qu’il fallait bien faire quelque chose pour remédier à l’inaction de nos gouvernements. Certes, mais depuis l’échec de la Conférence sur les changements climatiques de Copenhague (COP15), le peu d’attente de ces conférences devient une norme dangereusement habituelle. « Dans ces conditions, vaut-il donc encore la peine de mettre autant de temps et d’argent dans de telles réunions dont l’empreinte environnementale est par ailleurs considérable » ?

Selon Mark Halle, « si les gouvernements ne sont pas prêts à rendre viables nos sociétés, les populations doivent le savoir ». Et sans doute le savent-elles. On ne peut en effet se contenter des « petites avancées » de ces négociations « qui auront des retombées dans les années à venir ». L’état de la planète ne peut se contenter de si petites et si lentes avancées.

Selon Jeffrey Sachs Sachs, Conseiller auprès des Nations unies pour les Objectifs du millénaire pour le développement, « nous nous retrouvons 20 ans après l’adoption de conventions solides et ambitieuses sur les changements climatiques, la biodiversité et la désertification. Aucune d’entre-elles n’a cependant donné les résultats escomptés, parce qu’elles sont devenues les esclaves des technicalités associées à ce type de négociations multilatérales. Ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’un large mouvement publique pour sauver la planète ».

En fin de compte, le véritable échec de Rio+20 tient dans le fait qu’il ne donne pas de message d’espoir ou une vision d’envergure permettant d’enthousiasmer les peuples et insuffler un élan, une inspiration pour construire des sociétés viables, des sociétés nouvelles qui réduisent les inégalités et le fossé entre les riches et les pauvres.

Pourtant, si ces grandes réunions se révèlent inefficaces à engager les États, il faut reconnaître que les Nations unies et les organismes qui en dépendent font beaucoup pour faire avancer la cause de l’environnement et du bien-être humain. Ce sont des lieux fertiles au sein desquels se brassent des idées fondamentales et novatrices telles que celles de développement durable, la reconnaissance de l’importance du savoir traditionnel, le partage des avantages liées à l’accès et de l’utilisation des ressources génétiques, l’importance du transfert de connaissances, l’économie verte en la plaçant au cœur de la lutte contre la pauvreté, etc. Ces idées influencent inexorablement les sociétés. Ces organisations permettent ainsi de donner une légitimité et un certain cadre juridique à ces concepts bénéfiques. De plus, bien que lent, le travail de ces organisations et des personnes qui y travaillent finit par porter fruit tranquillement et apparaît indispensable pour que les États se parlent et s’entendent, même si c’est sur le plus petit dénominateur commun.

Mais, bien que l’ONU et les organisations qui y sont associées soient importantes d’un point de vue de l’avancée des idées, il serait hautement souhaitable et opportun de remettre en cause et de réfléchir sur les principes sur lesquels reposent ces négociations multilatérales. Elles auraient tout à y gagner. Il en va aussi du bien-être des êtres humains d’aujourd’hui et du futur.

Sources IISD :
IISD – Mark Halle : http://www.iisd.org/pdf/2012/com_life_after_rio.pdf
Jefrrey Sachs : http://www.guardian.co.uk/sustainable-business/rio-20-jeffrey-sachs-business-democracy?intcmp=239

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