vendredi, avril 19, 2024

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Nature et technologie créent des matériaux très différents

Au-delà des organismes vivants, leurs constituants – que l’on considérera dans ce qui suit comme des « matériaux biologiques » – sont impressionnants d’efficacité, d’adaptation et de complexité. Les os, les dents, la coquille des crustacés, le bois, le squelette de silice des organismes unicellulaires ou les muscles qui actionnent le battement des ailes des libellules sont autant de matériaux biologiques extraordinairement performants et parfaitement adaptés à leur fonction [1,2], des matériaux que notre technologie, malgré ses milliers d’années de progrès technologique et malgré les avancées spectaculaires de notre civilisation moderne dans les trois derniers siècles, ne peut tout simplement pas reproduire. Si la structure des matériaux biologiques est particulièrement complexe, leurs constituants sont relativement simples et restreints en diversité au sein d’un même matériau [2]. Une particularité de nombre de matériaux biologiques est que leurs propriétés sont supérieures à celles que leur procurerait « normalement » la somme de leurs constituants [2] : il y a synergie. C’est le cas par exemple de la résistance à la traction de la nacre ou des os qui est supérieure à celle des constituants et de leur mélange (protéine de la nacre et aragonite dans le premier cas, collagène et hydroxyapatite dans le second cas) [2]. De plus, les matériaux biologiques sont souvent munis de la faculté de s’auto-réparer [2]. Ainsi, la structure moléculaire de ce type de matériaux est telle que si une faiblesse apparaît (une fissure de taille nanométrique par exemple), celle-ci sera contenue localement et ne se propagera pas au reste de la structure, limitant ainsi les risques de cassure.

De telles spécificités sont parfaitement illustrées par le fil de soie d’araignée. Cette fibre a un diamètre de quelques microns (de 10 à 20 fois plus petit qu’un cheveu), elle est légère et à dimension égale est plus résistante que tous les matériaux industriels, y compris le kevlar. Elle présente également des propriétés d’autoréparation [3]. Elle est constituée uniquement de protéines, le plus souvent d’un seul type de protéine, parfois deux. Ces protéines sont caractérisées par leur simplicité, mais leur arrangement architectural au sein du fil ne l’est pas. Les études montrent que la soie est ce qu’en science on appelle un matériau composite nanostructuré. Le fil de soie montre une organisation structurale ordonnée à toutes les échelles de taille, du nanomètre au micromètre, et c’est l’ensemble de cette architecture qui est responsable de son exceptionnelle résistance à la traction mécanique, de sa faculté de s’auto-réparer et de l’ensemble de ses propriétés. Ce type d’organisation dite « hiérarchique » est un principe général des matériaux naturels : la nature utilise les molécules dont elle dispose, et les assemble dans des structures complexes et structurées à tous les niveaux dimensionnels [1,2], qui vont permettre d’assurer leur fonction de façon optimale. Cependant, une théorie explicative claire et fine de l’origine des propriétés des matériaux biologiques à partir de leur structure reste à établir par les chercheurs.

Jusqu’à présent, les ingénieurs et les scientifiques ont mis peu d’efforts ou ont eu peu de succès dans le raffinement de l’organisation structurale des matériaux qu’ils ont conçus [2]. Reproduire la complexité des structures naturelles reste un défi irréalisable pour l’instant. Les chercheurs ont surtout misé sur la matière première et leurs propriétés de base, notamment leurs propriétés de résistance mécanique mais aussi de résistance au feu ou d’isolation. L’être humain utilise deux types de constituants : d’une part il utilise les matériaux ou la matière première qu’il trouve dans la nature (pierre, bois, minerai) – c’est ce qu’il a fait longtemps au cours de son histoire -, d’autre part il transforme ce qu’il prélève dans la nature et crée (ou a créé) des centaines sinon des milliers de nouveaux composés Parmi ceux-ci, on compte notamment les polymères qui sont aujourd’hui prédominants dans notre société, notamment par l’omniprésence et la polyvalence des plastiques (polyéthylène, polypropylène, polystyrène). Le développement des polymères a aussi donné naissances à d’autres matériaux très performants comme ceux à base de polyamides, dont le kevlar représente l’étendard. Les plastiques sont également associés aux plastifiants pour donner de la souplesse aux plastiques. On les appelle généralement des composés volatiles organiques (COV).

L’être humain produit par ailleurs un imposant cocktail de nouvelles molécules dans des secteurs aussi divers que la pharmaceutique, la cosmétologie, l’électronique, l’industrie chimique, les matériaux ou l’agroalimentaire. Parmi ces nouvelles molécules on retrouve les alliages métalliques, les molécules organohalogénées (chlorofluorocarbures et hydrofluorocarbures (CFC et HCFC), DDT, pyralène, etc.), les adhésifs, une panoplie de nouveaux médicaments (antibiotiques, hormones, antidépresseurs, agents anti-cancers, statines, bêtabloquants, analgésiques, antiinflammatoires, etc.), etc.

Deux nouvelles tendances sont apparues dans les 20 dernières années cependant. Il s’agit de la fabrication des matériaux composites et de l’utilisation de biopolymères, notamment les protéines (protéines végétales, animales, notamment alimentaire) et les polysaccharides (amidon, chitine). L’intérêt envers les nanotechnologies est un champ d’étude qui va probablement améliorer la structure des matériaux par la création de nanocomposites, mais la frénésie et la pertinence autour de ce champ d’étude ne doivent pas pour autant nous faire négliger la structure aux autres échelles de dimension [2].

Notes et références

[1] C. Sanchez, h. Arribart, M. M. Giraud Guille, Biomimetism and bioinspiration as tools for the design of innovative materials and systems. Nature Mater. 4, 277-288 (2005).

[2] U. G. K. Wegst, H. Bai, E. Saiz, A. P. Tomsia, R. O. Ritchie, Bioinspired structural materials. Nature Mater. 14, 23-36 (2015).

[3] Cette propriété est attestée pour au moins deux types de soie dans la littérature scientifique. Il faut en effet savoir que les araignées qui tissent des toiles circulaires (orbiculaires dans le jargon des scientifiques) produisent sept types de soie différentes, certaines étant utilisées pour la toile ou pour s’en servir comme fil d’attache, d’autres pour emmailloter leur proie dans un filet, d’autres enfin pour constituer un cocon dans lequel se trouve les œufs. Chaque type de soie possède ses propres propriétés mécaniques et est constitué de protéines spécifiques.

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