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Le « faible » impact du Canada n’est pas un prétexte à l’inaction

Cet article est paru initialement sur le site du journal Le Devoir.

À l’occasion de la campagne électorale fédérale, Andrew Scheer et Maxime Bernier ont affirmé que les émissions de gaz à effet de serre du Canada étaient faibles à l’échelle mondiale, notamment en comparaison avec la Chine. Ils utilisent cet argument comme prétexte pour rejeter la responsabilité des changements climatiques sur les gros émetteurs. Cette position est-elle justifiée ? Que disent les faits ?

En 2017, les émissions de CO2 du Canada représentaient un peu moins de 1,6 % des émissions mondiales tandis que la Chine en émettait 27 %. En ce qui concerne les prélèvements de ressources naturelles, un autre impact environnemental majeur, ceux réalisés au Canada représentaient 1,5 % des matières extraites à l’échelle mondiale et la Chine 36 %. Dans l’absolu, donc, la pression environnementale du Canada sur la planète est faible et celle de la Chine élevée.

Mais se baser sur ces chiffres pour tenter d’amoindrir la responsabilité du Canada dans la réduction de l’empreinte environnementale mondiale est un raisonnement fallacieux. D’autres aspects doivent être considérés. Premièrement, si la Chine est le pays qui a l’impact le plus élevé, le Canada arrive, lui, en 10e position sur quelque 200 États, donc très haut dans le classement malgré des valeurs faibles en apparence.

Ensuite, les indicateurs caractérisant l’empreinte des nations ne peuvent être considérés sans les rapporter aux populations. On obtient alors des valeurs par personne ou per capita qui s’avèrent plus pertinentes. Ainsi, les émissions de CO2 du Canada étaient de 15,6 tonnes per capita (tCO2 / cap) en 2017 et ses prélèvements de ressources naturelles de 37 tonnes per capita (t / cap). Pour la Chine, les valeurs sont respectivement de 7 tCO2 / cap et 22 t / cap. Ainsi, alors que le Canada occupe les 14e et 11e rangs en termes d’émissions de CO2 et de prélèvements de ressources par habitant, la Chine se place loin derrière, respectivement en 52e et 24e position. Le portrait est donc tout autre que ce que d’aucuns aimeraient nous faire croire… Par habitant, l’impact de la Chine reste modéré, tout au moins temporairement.

Mais ce n’est pas tout. Les pays développés ont une responsabilité historique particulière dans la dégradation planétaire. Ils utilisent des ressources naturelles, de l’eau et émettent du CO2 depuis les débuts de l’ère industrielle, surtout depuis le début du XXe siècle. Des indicateurs pertinents à considérer qu’il conviendrait de considérer sont donc les prélèvements ou les rejets accumulés historiquement.

Cet exercice a été mené pour les ressources qui ont été stockées sous forme de « capital manufacturé ». Il s’agit de tous les matériaux qui ont permis de fabriquer les infrastructures, les bâtiments et les biens d’une société au fil du temps. Si on considère seulement les prélèvements intérieurs de ressources, la Chine ne représente que 17 % des extractions mondiales sur la période 1950-2010 alors qu’aujourd’hui elle représente, on l’a vu, 36 % des extractions annuelles. La tendance est inverse pour l’ensemble formé par l’Europe et l’Amérique du Nord. Ces États ont généré 29 % des extractions entre 1950 et 2010 et prélèvent aujourd’hui près de 17 % des ressources.

La Chine et d’autres pays connaissent un développement fulgurant. Ils réalisent ce que les pays développés dont le Canada ont fait avant eux, c’est-à-dire tirer partie de la nature pour prospérer économiquement et matériellement. Le rythme de consommation des pays développés ne montre pas d’essoufflement. Nous avons une responsabilité historique de réduire notre empreinte écologique.

La Terre étant de dimensions finies, certaines ressources sont limitées. De même l’est la capacité des écosystèmes de se renouveler et d’absorber la pollution. Les scientifiques l’expliquent : les quantités de CO2 à émettre sont comptées. Les prélèvements annuels de matières et d’eau doivent également être réduits de manière draconienne. Ces contraintes concernent toutes les nations, mais les pays développés doivent réduire leur impact environnemental plus que les autres afin de permettre aux pays en développement d’atteindre un niveau de vie acceptable.

Les politiciens ne devraient pas tenir des discours tendancieux qui laissent croire que nous n’avons pas de responsabilité d’agir. Leur dessein est clair : justifier l’inaction. Mais les données scientifiques expriment le contraire et soutiennent une action de grande ampleur de la part du Canada.

 

 

 

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