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Quelle agriculture pour nourrir la planète tout en protégeant la biodiversité ?

La transformation de forêts en champs cultivés pour nourrir les populations est un facteur important d’érosion de la diversité biologique. Mais devant l’accroissement de la population mondiale, comment réussir à subvenir aux besoins alimentaires de la planète tout en minimisant l’impact sur les espèces ?

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Pour atteindre cet objectif, deux stratégies se distinguent. D’une part, le développement de « terres partagées », qui intègrent à la fois à la production agricole et à la protection de la biodiversité, et qui mettent à profit des méthodes agronomiques douces ; cette vision est un objectif agroenvironnemental requis pour certaines certifications, qui se traduit souvent en pratiques agro-forestières et en agriculture biologique. D’autre part, les « terres séparées » pour lesquelles les missions d’agriculture et de protection de la biodiversité sont réalisées sur des terres différentes et où l’on favorise une production agricole de haut rendement ; épargner les terres pour protéger les forêts est l’un des moyens les plus efficaces pour réduire les émissions de GES dus à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD).

Cependant, les « terres partagées » ne garantissent pas nécessairement la préservation de la diversité biologique, de même que les « terres séparées » ne garantissent pas forcément de hauts rendements. Dans un article récent paru dans la revue Science, des chercheurs ont évalué et comparé la réussite de ces deux stratégies telles qu’elles ont été mises en œuvre dans des régions tropicales, au sud du Ghana et au nord de l’Inde. L’étude a porté principalement sur la mesure du rendement des productions agricoles et sur la densité des espèces d’arbres (220 espèces au Ghana, 40 en Inde) et d’oiseaux (167 espèces au Ghana, 174 en Inde) avec une résolution de 1 km2.

Source : Godfray, Science (2011) 333 1231-1232

Les résultats de l’étude montrent sans surprise que les populations diminuent dès que des forêts sont coupées pour faire place à des terres agricoles. Néanmoins, certaines espèces peuvent quand même bénéficier de l’utilisation des « terres partagées » ou des « terres séparées ». Les auteurs ont reportés la densité de population de chaque espèce en fonction du rendement de la production agricole. Deux types d’espèces apparaissent alors pour chaque stratégie, les « perdants » et les « gagnants ». Les premiers correspondent à des espèces dont la population est plus élevée que si la zone étudiée était couverte de forêts seulement, et les perdants à des espèces dont la population est plus faible.

La figure ci-contre décrit ces différents cas pour les « terres partagées » et les « terres séparées ». Elle montre différentes courbes types de densité de population vs. rendement des terres cultivées. Des courbes densité-rendement plus complexes peuvent être observées dans d’autres cas, de sorte que la stratégie optimale peut varier selon le rendement.

Les résultats montrent donc globalement qu’il y a plus de « perdants » que de « gagnants » pour les deux types de stratégies. On s’aperçoit également que les populations des oiseaux et des arbres tirent davantage de bénéfices de l’option « terres séparées » que des « terres partagées ». La même conclusion est atteinte selon les estimations établies sur un horizon de 2050 en se basant sur différents scénarios, ce qui montre que les bénéfices sont valables pour différentes périodes de temps. Il est à noter que les avantages de la stratégie des « terres séparées » sont encore plus marqués pour les espèces qui ont un habitat géographiquement restreint et qui, par le fait même, sont plus à risque d’extinction.

La force de cette étude tient dans le fait que les résultats sont valables dans différents pays, pour différents taxons et pour différents scénarios, et qu’ils sont suffisamment marqués pour que l’on ait confiance dans leur robustesse. Cependant, il est légitime de se demander si les conclusions sont à ce point générales que l’on puisse les étendre à des régions autres que les zones tropicales et pour d’autres taxons que les oiseaux ou les arbres. En fait, des études complémentaires sont requises afin de s’en assurer.

De plus, la distinction entre « terres partagées » et « terres séparées » est une vision simplificatrice de la réalité qui ignore la complexité profonde des relations entre protection des espèces et agriculture. Il est en effet possible de ne pas sacrifier nécessairement le rendement des terres au profit des populations, par exemple en adoptant des pratiques agricoles spécifiquement appliquée à la protection de la vie sauvage. Par ailleurs, une attention particulière dédiée à la distribution des aires protégées pourrait améliorer les stratégies de conservation.

Les auteurs soulignent à juste titre que la stratégie des « terres séparées », si elle semble être la meilleure option possible, ne devrait pas simplement être vue comme la séparation entre des aires protégées traditionnelles et des terres d’agriculture intensive. Les premières peuvent par exemple prendre la forme de réserves indigènes ou de zones où sont impliquées les communautés locales pour la préservation de la biodiversité. Concernant les secondes, l’usage excessif des produits agrochimiques et la mécanisation pourraient être minimisés en mettant à profit des méthodes plus durables et socialement plus équitables, par exemple en se basant sur les savoirs locaux et les méthodes éprouvées de petits fermiers.

Évidemment, afin de préserver la biodiversité, ces pratiques agricoles devraient être accompagnées d’autres actions visant, par exemple la réduction de la consommation de viande et la limitation des déchets, la réduction de l’expansion des terres dédiées à la culture de sources de biocombustibles et limiter l’accroissement de la population.

Sources :
Ben Phalan, Malvika Onial, Andrew Balmford et Rhys E. Green, Land sharing and land sparing compared: reconciling food production and biodiversity conservation, Science (2011) 333 1289-1291 (doi: 10.1126/science.1208742)
http://www.sciencemag.org/content/333/6047/1289

H. Charles J. Godfray, Food and biodiversity, (2011) Science 333 1231-1232 (doiI: 10.1126/science.1211815)
http://www.sciencemag.org/content/333/6047/1231.summary

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