La température de la Terre enregistrée lors de la dernière décennie ne montre aucune tendance claire à la hausse. Cela veut-il dire que le réchauffement de la planète est une vue de l’esprit ? En réalité, il est normal de ne pas observer de hausse de température sur de courts laps de temps puisque la variabilité naturelle du climat se superpose au réchauffement planétaire qui est un phénomène qui a lieu sur le long terme.
Si l’on regarde la valeur des températures des 10 dernières, elle ne semble pas montrer de tendance au réchauffement. C’est également le cas si on regarde la température de la planète entre 1977 et 1985 et entre 1981 et 1989 (figure ci-dessous). On peut donc se demander si la Terre se réchauffe, se refroidit ou ni l’un ni l’autre.
Mais comme le montre la figure ci-dessus, quand on regarde sur une plus longue période (34 années ici), un réchauffement se dessine très nettement : la hausse de la température de la planète ne fait pas de doute. Dans un article paru dans Geophysical Research Letters en 2009, deux chercheurs de Californie montrent qu’à l’échelle de la décennie, le climat peut ne montrer aucune tendance à la hausse voire même un léger refroidissement, même s’il se superpose un réchauffement global sur le long terme.
Les deux chercheurs ont évaluées l’amplitude des fluctuations de la température de la planète pour différentes sortes de données et les conséquences sur les mesures décennales. Ils ont considéré : les observations réalisées avant l’ère industrielle, les observations réalisées entre 1901 et 2008, les prévisions pour le 20ième siècle, les prévisions pour la première moitié du 21ième siècle et les prévisions pour le 21ième siècle.
Un exemple est donné ci-dessous. Il s’agit de la prévision des températures dans le cas d’un scénario dans lequel l’humanité continue de produire des gaz à effet de serre (GES), notamment le CO2, au même rythme qu’aujourd’hui (scénario « business as usual »). Le modèle montre clairement l’augmentation de la température, avec certaines fluctuations (le bruit sur la courbe) représentant les variations à brève échéance du climat (phénomènes El Niňo par exemple).
Si on se concentre sur certaines périodes précises, par exemple 2001-2010 et 2016-2031, la température n’augmente visiblement pas même si un réchauffement planétaire résultant de l’accroissement de GES a lieu. Il faut donc distinguer les fluctuations climatiques rapides de la tendance générale à long terme.
Ce comportement est en fait très général comme le montre la figure suivante. Elle montre la distribution de probabilité que la planète ait une certaine température globale. La position centrale de la courbe correspond à la température moyenne sur l’ensemble de la période considérée, tandis que la largeur caractérise l’amplitude des fluctuations de températures.
Comme attendu, la courbe correspondant aux données réalisées avant l’ère industrielle (sans réchauffement climatique donc) est centrée à 0, ce qui montre que globalement la température planétaire était constante au cours du temps. La courbe a une certaine largeur, montrant qu’il peut y avoir (et qu’il y a eu) des périodes de refroidissement, des périodes de réchauffement et des périodes sans tendance claire. De plus, la courbe est symétrique par rapport au 0, ce qui montre que la probabilité d’avoir un refroidissement ou un réchauffement sont égales.
Concernant les prévisions faites pour le 20ième siècle, la distribution est décalée vers les températures positives du fait du réchauffement climatique. La largeur de la courbe est telle que des périodes de refroidissement ou des périodes avec une température qui n’évolue pas sont possibles, et même attendues. Les observations réalisées au 20ième siècle confirment ces prévisions. En effet, la courbe construite à partir des observations réalisées entre 1901 et 2008 se superposent avec celle des prévisions, ce qui conforte la validité du modèle.
Les prévisions qui portent sur la première moitié et sur l’ensemble du 21ième siècle sont de plus en plus décalées vers les plus hautes températures du fait du réchauffement sur le long terme. De plus, la probabilité de rencontrer des périodes de refroidissement de quelques années diminue.
Ces résultats montrent que nous ne devons pas nous surprendre de vivre des périodes au cours desquelles la température planétaire semble ne pas augmenter malgré le réchauffement climatique. Des données sur de courtes périodes ne nous disent rien sur la tendance générale sur de longs laps de temps. La variabilité naturelle du climat implique nécessairement des périodes décennales dont la température moyenne n’augmente pas ou peu. Si on s’intéresse au climat, et notamment aux effets anthropiques sur celui-ci, les variations observées à court terme ne sont pas significatives, il faut toujours regarder la tendance à longue échéance.
Concernant les modèles qui prévoient la température planétaire, bien qu’on leur reproche de prédire des courbes de température trop « lisses » (plus que ce l’on observe), ils sont néanmoins suffisamment précis pour reconstituer une certaine variabilité naturelle à court terme et sont capables de reproduire des périodes de temps au cours desquelles la température ne montre pas de tendance particulière ou diminue.
Il faut ainsi reconnaître que, malgré leur simplicité, les modèles développés par les scientifiques du climat représentent un tour de force quant à la précision de leurs prévisions quand on considère l’extraordinaire complexité du système climatique terrestre. Heureusement, la quantité croissante de travaux expérimentaux et théoriques dans ce domaine permet d’améliorer rapidement la compréhension du climat de la Terre.
Source :
David R. Easterling et Michael F. Wehner, « Is the climate warming or cooling? » Geophysical Research Letters, 36 (2009) L08706 (doi:10.1029/2009GL037810).
Résumé de l’article sur le site de Geophysical Research Letters >>