L’eau sous forme de vapeur est un gaz à effet de serre (GES). Pourquoi alors n’en parle-t-on jamais au sujet du réchauffement planétaire et pourquoi ne mentionne-t-on que de la contribution des autres GES, surtout celle du CO2 ? La raison tient au fait que l’impact des émissions anthropiques de vapeur d’eau est négligeable. Par contre, l’eau est très probablement au cœur d’une importante rétraction positive : plus il fait chaud, plus la capacité de l’atmosphère à contenir de la vapeur augmente, amplifiant ainsi le réchauffement planétaire.
L’eau contribue à l’effet de serre naturel de la Terre
La vapeur d’eau est un gaz à effet de serre particulièrement efficace. Elle absorbe fortement, et dans une vaste gamme de fréquences, les radiations infrarouge émises par la surface terrestre. Ce faisant, elle contribue avec les nuages, le CO2 et d’autres gaz à l’effet de serre naturel de la Terre. Sans cet effet, la température moyenne sur Terre serait bien plus basse, soit 33 °C de moins [1]. L’eau serait alors surtout présente sous forme de glace et la vie moins propice. Cependant, l’équilibre thermique naturel terrestre est bouleversé par les activités humaines. La déforestation et les émissions de CO2, de méthane, d’oxydes nitriques et d’autres gaz halogénés réchauffent la Terre et la rendent à moyen ou long terme inhospitalière pour l’être humain et les autres espèces.
Il est important de se souvenir que le maintien des conditions de température planétaire ne repose que sur 0,43% des gaz qui composent l’atmosphère (99% est composé d’azote et d’oxygène et ne jouent aucun rôle thermique) [2]. Parmi les contributeurs à l’effet de serre naturel, l’eau est le principal en termes de concentration (H2O ; 0,39%), suivie de loin par le dioxyde de carbone (CO2 ; 0,039%), le méthane (CH4 ; 0,00018%) et l’oxyde nitrique (N2O ; 0,000032%) [2]. Dans l’absolu, la vapeur d’eau contribue à l’effet de serre pour environ 50%, les nuages (donc l’eau liquide) pour 25%, le CO2 pour 20%, l’ensemble des autres gaz contribuant pour environ 5% [1,3].
Les émissions anthropiques de vapeur d’eau ont-elles une influence sur le climat ?
Si l’efficacité de la vapeur d’eau est si grande à absorber le rayonnement infrarouge, il est légitime de se demander si la vapeur d’eau émise par les activités humaines a une quelconque influence sur le climat. Les principales émissions de vapeur d’eau anthropiques proviennent de l’irrigation, à 70%, et sont résultent de l’évaporation [5]. Viennent loin derrière celles dues au refroidissement des usines de production énergétique et à l’aviation. Bien que significatives, les émissions anthropiques de vapeur d’eau sont très inférieures aux émissions naturelles provenant de l’évaporation de l’eau océanique. Elles sont néanmoins supérieures aux émissions anthropiques de CO2 [6].
Ces émissions anthropiques de vapeur d’eau n’ont cependant qu’un impact négligeable sur le climat [4-6]. On estime que le forçage radiatif qu’elles induisent dans la troposphère est au plus 1/1000e de la contribution du CO2 [6]. La principale raison est que la vapeur émise par les activités humaines se transforme en liquide avant d’atteindre le haut de la troposphère, augmentant ainsi le couvert nuageux et retombant rapidement sous forme de pluie [6]. Nos émissions de vapeur d’eau ne jouent donc pas de rôle de GES. En fait, la vapeur d’eau d’origine humaine aurait même plutôt une imperceptible tendance à refroidir le climat du fait qu’elle accentue la formation de nuages, ce qui occasionne une plus grande réflexion des rayons solaires [8].
La concentration de vapeur d’eau atmosphérique évolue-t-elle ?
Comme on vient de le voir, la vapeur d’eau anthropique ne joue pas de rôle significatif en tant qu’agent de forçage radiatif. Mais, plus généralement, la vapeur d’eau présente naturellement dans l’atmosphère est au cœur d’un phénomène de rétroaction pouvant amplifier la hausse de la température.
L’atmosphère est un fluide gazeux régi par les lois de la thermodynamique. La teneur maximale en vapeur d’eau est déterminée par une loi bien connue, l’équation de Clausius Clapeyron. C’est elle par exemple qui détermine les conditions de température et de pression dictant l’apparition du brouillard, du givre (la « gelée blanche ») ou de la rosée le matin.
L’équation de Clausius Clapeyron indique notamment que la quantité de vapeur d’eau atmosphérique est fixée par la température : plus la température planétaire augmente, plus la teneur en vapeur d’eau augmente [4,8]. Et puisque la vapeur d’eau est un GES, elle va à son tour faire augmenter la température. C’est un cas typique de rétroaction positive. Chaque degré d’augmentation de la température peut augmenter la teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère de 7% [4,9]. Cet effet aurait le potentiel de doubler l’effet des gaz à effet de serre anthropiques [4].
Bibliographie et notes
[1] Schmidt et coll. Attribution of the present‐day total greenhouse effect J. Geophys. Res. 115 (2010) D20106 https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2010JD014287
[2] Basics of the Carbon Cycle and the Greenhouse Effect – The Earth’s Atmosphere, National Oceanic & Atmospheric Administration (NOAA) – Education and Outreach https://www.esrl.noaa.gov/gmd/outreach/carbon_toolkit/basics.html
[3] Ces valeurs sont calculées uniquement pour le forçage dû à l’effet de serre, et pas pour le bilan radiatif complet. Autrement dit, ces valeurs ne prennent en compte que l’absorption des « grandes » longueurs d’onde, soit les radiations infrarouge émises par la surface terrestre. Elles ne prennent pas en compte la réflexion des longueurs d’onde « courtes » issues du Soleil. Les nuages par exemple jouent sur les deux tableaux : ils réfléchissent le rayonnement solaire et absorbent le rayonnement thermique terrestre. Le bilan des deux fait que pour l’instant, les nuages refroidissent légèrement la planète → Voir [4]
[4] Myhre et coll., Anthropogenic and natural radiative forcing (chapter 8), In Climate Change 2013: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Stocker et coll. (eds.), Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, p. 851.
[5] Forster et coll. 2007: Changes in atmospheric constituents and in radiative forcing (chapter 2). In Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Solomon et coll. (eds.), Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, p185.
[6] Sherwood et coll. The global warming potential of near-surface emitted water vapour Environ. Res. Lett. 13 (2018) 104006 https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aae018/meta
[7] Ajoutons que la vapeur d’eau est unique parmi les gaz présent dans l’atmosphère en ce sens qu’elle est la seule à ne pas rester qu’en phase gazeuse mais peut se condenser en phase liquide (eau) ou solide (glace), ou inversement, l’eau peut s’évaporer et la glace se sublimer. Ces transformations nécessitent de l’énergie appelée chaleur latente. Ainsi, l’évaporation de l’eau d’irrigation nécessite de la chaleur qu’elle prend au milieu environnant, ce qui occasionne un refroidissement local. Les zones irriguées sont ainsi le siège d’un refroidissement régional qui a pu être observé → Voir : Cook et coll. Irrigation as an historical climate forcing Clim. Dyn. (2015) 44-1715
[8] Stull. Water vapor (chapter 4) In Practical Meteorology: An Algebra-based Survey of Atmospheric Science version 1.02b (2017) Univ. of British Columbia https://www.eoas.ubc.ca/books/Practical_Meteorology/
[9] Sherwood et coll. Tropospheric water vapor, convection and climate Rev. Geophys. 48 (2010) RG2001 https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2009RG000301
Pour lutter contre le réchauffement climatique, on pense remplacer les combustibles carbonés par l’hydrogène. La combustion de l’hydrogène ne produit que de la vapeur d’eau certes mais c’est aussi un GES puissant. Je ne comprends donc pas comment on va pouvoir résoudre le réchauffement de la planète de cette manière
Merci de cet intéressant commentaire ! La question mérite d’être posée. Je ne connais malheureusement pas la réponse. J’ai cherché un peu et je n’ai pas trouvé d’étude qui évalue le forçage radiatif qui résultera des émissions de d’eau dû à la combustion d’hydrogène. La réponse la plus simple doit être, comme décrit dans cet article, que ces émissions soient négligeables pour affecter le climat. Ceci reste néanmoins à confirmer, notamment en estimant les quantités d’hydrogène qui seront effectivement brûlées.
La réponse pour moi est simple: l’hydrogènes à est juste utilisé pour stocker de l’énergie énergie.
Pour le produire on hydrolyse de l’eau ( ça coute de l’énergie, verte ou non), ça produit de l’hydrogène qu’on utilise ensuite en reliberant de l’énergie par la réaction inverse de l’hydrolyse, ce qui reproduit l’eau initialement consommée.
Par conséquent c’est un cycle fermé qui ne produit ni ne détruit de l’eau.
Même question pour le nucléaire fision ou fusion dans un contexte où cette énergie serait déployée de manière massive avec des circuits de refroidissement en boucle fermée ?
Si l’hydrogène est produite par l’hydrolyse de l’eau, on peut considérer que lors de l’utilisation de cet hydrogène, (combustion ou pile à combustible) les quantités d’eau prélevées et celles réémises vont s’équilibrer.
Si par contre, l’hydrogène provient du ‘cracking’ du méthane, on va remplacer en fin de cycle d’utilisation de cet hydrogène, un gaz à effet de serre, le méthane, par un autre gaz à effet de serre la vapeur d’eau bien plus puissant. En final, le gain de cette opération très couteuse en énergie, n’apparait pas immédiatement à tous esprit doté de bon sens!