jeudi, novembre 21, 2024

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Forçage radiatif, albédo et gaz à effet de serre

Pour bien différencier les différentes contributions au réchauffement planétaire, il est nécessaire de définir l’apport d’une espèce chimique au bilan énergétique de la Terre. Pour cela on utilise la notion de forçage radiatif. Il s’agit du flux d’énergie (en W/m2 ou J/s.m2) qu’une substance d’origine anthropique a ajouté durant une certaine période au bilan énergétique de la planète. Par exemple, l’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère a augmenté le flux d’énergie reçu par les basses couches atmosphériques (par effet de serre) de 1,66 W/m2 depuis l’époque pré-industrielle. Tous les gaz à effet de serre (GES) augmentent le bilan énergétique de la Terre et on un forçage radiatif positif.

Quatre paramètres sont importants pour définir l’effet d’un GES et son « efficacité ». Le premier paramètre est que pour être un GES, l’espèce considérée doit absorber le rayonnement IR émis par la surface terrestre, c’est-à-dire que la molécule doit avoir des modes de vibration qui absorbe ces longueurs d’ondes (voir l’article sur l’effet de serre). Par exemple, l’ozone tropopshérique (O3) est un GES mais l’oxygène (O2) n’en est pas un. Le second paramètre, une grandeur moléculaire intrinsèque à une espèce, est l’efficacité d’absorption de cette espèce (elle est notée a0)* : une molécule qui absorbe fortement et sur une gamme de longueur d’onde large aura un impact important sur le forçage radiatif. Le troisième critère est la concentration et la vitesse à laquelle la concentration d’un GES augmente : plus un gaz est présent en grand quantité, plus forte sera son absorption. Le dernier paramètre est la stabilité du GES : une molécule très stable (c’est-à-dire dont la demi-vie est longue), et qui donc persiste longtemps dans l’atmosphère, aura une contribution durable sur le réchauffement.

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Le forçage radiatif prend en compte ces différents paramètres. Il s’agit du produit entre a0
et l’évolution de la concentration sur une période donnée, en général entre 1750 et aujourd’hui. Pour évaluer l’impact futur d’un GES sur le réchauffement planétaire, on définit le GWP** d’une substance (pour Global Warming Potential) ou GHP (pour Greenhouse Potential). Cette valeur est normalisée par rapport à celle du CO2 (le GWP du CO2 est 1) et est calculée sur les 100 années suivantes après qu’une certaine concentration ait été atteinte à un instant initial. Le tableau ci-dessous donne les concentrations en 1750 et en 2008 de certains GES :

Concentrations atmosphériques-Tableau
Exemples de quelques gaz présents dans l’atmosphère et la variation de leur concentration entre l’ère préindustrielle et 2008 (d’après Richard Tuckett, Climate change: observed impacts on planet Earth)

Ce tableau montre la forte augmentation de CO2 et de méthane dans l’atmosphère. On voit également l’apparition de nouveaux gaz qui n’existaient pas dans l’atmosphère avant la période pré-industrielle et qui sont rejetés dans l’atmosphère par les activités humaines : chlorofluorocarbones (CFC), hydrochlorofluorocarbones (HCFC), hydrofluorocarbones (HFC), perfluorocarbones (PFC), l’ozone troposhérique. L’eau, quant à elle, voit sa concentration globale faiblement modifiée par les activités humaines. Mais surtout, le temps de résidence de l’eau dans l’atmosphère est faible (la vapeur d’eau retombe sous forme de pluie ou de neige en 9 jours en moyenne), de sorte que son impact sur le réchauffement est négligé.

Le tableau suivant donne les différents paramètres qui définissent la contribution au réchauffement planétaire de différents GES :

Albédo de quelques surfaces
Albédo de quelques types de surfaces (d’après Villeneuve et Richard « Vivre les changements climatiques – Réagir pour l’avenir », Éd. Multimonde (2007).

On peut noter que, malgré une efficacité radiative faible, le CO2 et le CH4 ont une contribution au réchauffement forte qui résulte en fait de leur concentration élevée. On peut également remarquer la longue durée de vie des GES fluorés, ce qui compromet l’avenir à long terme. Leur efficacité radiative est particulièrement élevée, ce qui en fait de puissants GES.

Il est à noter que, de façon générale, une substance peut avoir un forçage radiatif positif (contribution au réchauffement) ou un forçage radiatif négatif (contribution à un refroidissement). Le premier type de molécule est un GES, le second est une substance ou une surface qui augmentent l’albédo de la planète. Par exemple, les nuages, les aérosols et les poussières présents dans l’atmosphère réfléchissent une partie de la lumière solaire qui est renvoyée directement dans l’espace et ne participe donc pas à réchauffer la planète. Les couverts neigeux ou glacés vont réfléchir la lumière solaire beaucoup plus que le bitume. Ce dernier va absorber la lumière et la réémettre sous forme d’IR. L’albédo est la faculté d’un matériau à réfléchir la lumière du Soleil (voir l’article sur l’effet de serre). Plus un type de surface absorbe le rayonnement solaire, plus il se réchauffe, et plus va réémettre de rayonnement IR et ainsi augmenter l’effet de serre. L’albédo, ou réflectance, est compris entre 0 (réflexion nulle ou absorption totale) et 1 (réflexion totale ou absorption nulle). L’albédo global moyen de la Terre vaut A = 0,30. Des exemples typiques de l’albédo de certaines surfaces terrestres sont donnés dans le tableau ci-dessous :

Contributions de GES
Bilan des contributions au forçage radiatif des différents gaz ou particules atmosphériques de 1750 à 2005 (Source : GIEC, Fourth Assessment Report, Chapitre 2).

Comme on le voit, l’albédo peut être très différent selon le type de surface. Donc, tout changement de concentration des substances de l’atmosphère qui participent à l’albédo et tout changement de vocation de territoires modifient ou sont susceptibles de modifier l’albédo de la planète et donc le bilan d’énergie capturée par la planète. Par exemple, la diminution du couvert neigeux en surface ou en durée diminue l’albédo de la planète et augmente le forçage radiatif. Par ailleurs, le faible albédo de l’asphalte, du béton et des toits conventionnels que l’on retrouvent dans les zones urbaines est à l’origine des îlots de chaleur des villes.

La figure ci-dessous fait un bilan des différentes contributions au forçage radiatif des différents facteurs naturels et anthropiques (GES, albédo (surface, aérosols), traînées stratosphériques) :Bilan contributions au forçage radiatif

Notes :

* L’efficacité d’absorption ou efficacité radiative a0 d’un GES est l’intégrale du coefficient d’absorption entre 400 et 2000 cm-1 (le domaine couvert par l’émission IR de la surface terrestre) et s’exprime en W/m2.ppbv.

Le ppbv (parts per billion in volume ou partie par milliards en volume) est une unité de concentration. On utilise également le sous-multiple ppmv (parts per billion in volume ou partie par milliards en volume). On a la relation : 1 ppmv = 2,46.1013 molécules/cm3 à une pression de 1 bar et une température de 298 K.

** Le GWPx d’un composé x est donné par l’équation :

Global Warming Potential

où Ax le forçage radiatif du GES x qui à un certain forçage radiatif à l’instant 0 et qui évolue avec le temps t (en général sur une période de 100 années). GWP est une mesure utilisée pour estimer le forçage radiatif futur d’un polluant. Pour la plupart des GES, on suppose que :

Forçage radiatif

où tx est le temps de résidence du composé x dans l’atmosphère et A0 est le forçage radiatif au temps 0.

Bibliographie :

  • Richard P. Wayne “Chemical evolution of the atmosphere”, In Handbook of Atmospheric science: principles and applications (chp. 1), Eds. C. n. Hewitt et Andrea V. Jackson (2003) Blackwell Publishing Ltd.
  • Hugh Coe et Ann R. Webb « Atmospheric energy and the structure of the atmosphere », In Handbook of Atmospheric science: principles and applications (chp. 2), Eds. C. n. Hewitt et Andrea V. Jackson (2003) Blackwell Publishing Ltd.
  • Richard P. Tuckett “The role of atmospheric gases in global warming”, In Climate change: observed impacts on planet Earth, Ed. Trevor M. Letcher (2009) Elsevier.

 

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7 Commentaires

  1. 1.66 W/m2 ne représentent pas 1 % du total de l’énergie reçue (240 W/m2) en considérant un albédo d’environ 30% ou 100 W/m2.
    Malheureusement, on a aucune idée de la variation de l’albédo au courant du temps, surtout pour les nuages, car on a nulle part d’enregistrements de cette valeur qui pourrait varier beaucoup plus que de 1% !!??

  2. Mais pourquoi sous pretexte qu’une molécule d’eau donnée ne reste que 9 jours dans l’atmosphère, l’impact globale de toutes ces molécules est-elle négligée? Puisqu’on peut considérer qu’à chaque moment une molécule d’eau sortant de ce pool d’eau (10000 miliard de tonnes tout de même) est remplacée par une autre. L’effet de serre combiné doit donc rester constant, .. et loin d’être négligeable.
    Où mon raisonnement pêche-t-il?

    • Merci de votre commentaire et d’avoir attiré mon attention sur ce point important. Mon article n’est décidément pas clair. Je vais le modifier en en publier un autre spécifiquement sur l’eau prochainement. Vous avez raison, l’eau (sous forme de vapeur) est présente en quantité considérable dans l’atmosphère et joue un rôle de réchauffement sur le climat. Il en est ainsi depuis que l’eau s’est formée sur Terre. Ce faisant, l’eau est un gaz à effet de serre naturel qui contribue à ce que l’on appelle l’effet de serre naturel (quantitativement important) et ce, par opposition aux gaz à effet de serre anthropiques (émis par les activités humaines) qui sont à l’origine de l’effet de serre d’origine anthropique, lui-même à la base du réchauffement planétaire.

  3. Bonjour,
    peut-on estimer la part du réchauffement climatique liée à la diminution de l’albédo et celle liée aux seuls GES hors changement de l’albédo ? (nb : je comprends bien par ailleurs que les 2 sont liés : s’il fait plus chaud à cause de GES, les glaces des pôles fondent et l’albédo de la Terre diminue)

    • Oui, il est possible d’estimer les deux phénomènes séparément, même s’ils sont liés. C’est ce qu’a fait le GIEC dans son rapport de 2013, du moins en partie. Il faut dire que l’évaluation de l’effet du changement d’albédo sur la température mondiale est difficile et sujette à d’importantes incertitudes. Il faut en plus distinguer le changement d’albédo qui résulte du changement de vocation des terres (déforestation), de celui dû aux aérosols qui se déposent sur le couvert de neige et de glace (la suie) et celui dû à la réduction du couvert de glace et de neige.
      L’impact semble faible pour le moment, notamment par rapport à celui des gaz à effet de serre (GES). Dans l’évaluation de 2013 du GIEC, le surplus de chaleur résultant des GES était évalué à 2,83 W/m2, tandis que l’albédo dû à la déforestation avait un effet légèrement refroidissant évalué à 0,15 W/m2. Les valeurs pour la réduction du couvert de glace étaient incertaines dans ce rapport, même si on sait parfaitement que l’effet contribue et contribuera au réchauffement (sous forme de rétroaction). Peut-être les estimations seront-elles plus précises dans la mise à jour du GIEC qui vient de paraître ?

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