mardi, décembre 3, 2024

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Projections économiques et climatiques après Copenhague

En se basant sur les différents scénarios envisageables suite à la conférence de Copenhague, une étude évalue la température planétaire et le coût économique des réductions de gaz à effet de serre (GES) qui pourraient résulter d’un degré d’implication plus ou moins grand des pays riches et des pays en développement.

Le contexte post-Copenhague

La conférence de Copenhague sur les changements climatiques qui s’est tenue en décembre 2009 est un échec, notamment par la non adoption de cibles contraignantes pour réduire les GES, et par une suspicion accrue entre certains groupes d’états, méfiance accentuée ou tout au moins maintenue lors de ces négociations (voir le bilan de la conférence de Copenhague).

Les signataires de l’Accord de Copenhague se sont néanmoins entendus pour tenter de limiter le réchauffement planétaire à 2°C et à mettre en place un système de financement des pays riches vers les pays pauvres pour que ces derniers subissent le moins de répercussions négatives des changements climatiques. Les différents pays ont également communiqué à l’ONU les objectifs qu’ils se sont fixés sur une base volontaire pour limiter le réchauffement planétaire, mais les engagements restent modestes.

Les conséquences des choix politiques environnementaux sur le climat et l’économie, notamment l’absence de mesures d’envergures, sont prévisibles. Les conséquences du réchauffement planétaire sur les populations aussi. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre ce qui va se passer pour des millions de gens si rien n’est pas fait rapidement pour contrer le réchauffement : exodes de populations, risque pour la subsistance et la santé, etc. Par ailleurs, chacun sait que les conséquences affecteront toutes les régions du monde mais que les pays en développement seront les plus durement touchés.

Néanmoins, quoi de mieux que de chiffrer précisément les conséquences de nos actions (ou notre absence d’action) au point de vue économique et climatique pour fixer les idées ? C’est ce qu’a réalisé William D. Nordhaus du département d’économie de l’Université Yale dans un article paru récemment dans Proceeding of the National Academy of Science (PNAS). Des chiffres fiables pourraient même contribuer au processus de négociations internationales.

But de l’étude

L’article utilise un modèle reconnu pour prédire, selon différents scénarios, des paramètres climatiques (concentration atmosphérique de dioxyde de carbone (CO2), température moyenne de la planète) et des paramètres économiques (coût du carbone émis dans un marché de bourse de carbone, revenus mondiaux, coût des mesures destinées à stabiliser le réchauffement climatique) d’aujourd’hui à l’an 2200.

Cinq scénarios sont considérés :

  1. un scénario où aucune action n’est entreprise pour limiter le réchauffement (scénario « pas d’action »)
  2. un scénario dans lequel des mesures sont prises pour limiter le réchauffement à 2°C (scénario « < 2°C »)
  3. un scénario optimal où tous les pays sont impliqués pour limiter le réchauffement dès 2010 mais sans contrainte fixe (scénario « optimal »)
  4. un scénario dans lequel les pays pauvres participent après les 4-5 prochaines décennies (scénario « Copenhague-riches-pauvres »)
  5. un autre où seuls les pays riches sont impliqués (les pays pauvres étant impliqué au 22ième siècle) (scénario « Copenhague-riches »)

Du fait que les résultats de cette étude dépendent d’un modèle, ils sont sujets à une certaine incertitude et, à ce titre, doivent être considérés comme des ordres de grandeurs qui permettent de comprendre les principes. Les résultats obtenus sont cohérents avec des études antérieures similaires.

Les prévisions selon les différents scénarios

Sans surprise, le premier scénario voit la concentration atmosphérique de CO2 augmenter rapidement, à un rythme constant et sans plafonnement (1 200 ppm en l’an 2200, la valeur actuelle étant 380 ppm). Il en est de même pour la température planétaire (+6°C en l’an 2200, voir la figure ci-dessous). Évidemment, dans le scénario « < 2°C », la hausse de la température moyenne plafonne à +2°C. Dans le scénario « optimal », la température moyenne plafonne à +3°C en 2145, puis redescend progressivement. Dans le scénario « Copenhague-riches », la température augmente et finit par se stabiliser à +4.5°C vers 2170.

Prévision de la température moyenne planétaire selon différents scénarios
Prévision de la température moyenne planétaire selon différents scénarios (« Baseline » correspond à pas d’action , « Lim T<2 » à < 2°C, « Copen trade » à Copenhague-riches-pauvres et « Copen rich » à Copenhague-riches (source : PNAS).

Prévision de la température moyenne planétaire selon différents scénarios (Baseline correspond à pas d’action, Lim T<2 à « < 2°C », Copen trade à  « Copenhague-riches-pauvres » et Copen rich à « Copenhague-riches ».

Le prix du carbone dans un marché de bourse du carbone est crucial pour l’atteinte des objectifs de réductions de GES. L’évolution du prix du carbone est décrite dans le tableau ci-dessous. L’étude montre que le prix du carbone est très élevé dès le départ dans le scénario « < 2°C » et est très faible dans les scénarios « Copenhague-riches-pauvres » et « Copenhague-riches ». Il est relativement haut dans le scénario « optimal ». L’auteur note que le prix actuel du carbone (environ 5$ la tonne) est très inférieur à ce qui est requis pour le scénario « optimal » ou le scénario « < 2°C ».

Prix du carbone selon différents scénarios
Prix du carbone dans un maché incluant une bourse du carbone selon différents scénarios (« Baseline » correspond à pas d’action, « Limit temperature change < 2 » à < 2°C, « Copenhague full trade » à Copenhague-riches-pauvres et « Copenhague rich » only à Copenhague-riches (source : PNAS).

L’étude montre également que le scénario « optimal » permet d’accroître les revenus mondiaux, alors qu’ils sont deux fois moindres dans le scénario « < 2°C ». Cela montre que limiter la hausse de la température planétaire à 2°C est particulièrement contraignant pour l’économie, car elle impose un coût substantiel aux sociétés. En fait, les états auraient dû commencer depuis longtemps déjà à prendre des mesures pour atteindre cet objectif, car le problème n’est pas nouveau. Comme le rapport Stern le soulignait en 2006, il est impératif de prendre des mesures rapidement pour limiter les coûts. Le scénario « optimal » est donc avantageux du point de vue économique tout en limitant la température, quoique de façon plus lente que dans le scénario « < 2°C ». Les autres scénarios sont moins avantageux économiquement que le scénario « optimal ».

Les résultats dans leur ensemble montrent que même si les différents pays atteignent les objectifs qu’ils ont communiqués en janvier 2010 à l’ONU, il est très improbable que l’objectif de limiter la hausse de la température planétaire à 2°C soit tenu. Cet échec est plus flagrant encore si les pays pauvres tardent eux aussi à mettre en œuvre des actions concrètes.

Les problèmes avec les négociations actuelles

L’auteur de l’article insiste sur la constatation que le problème actuel des négociations vient en partie du fait qu’un état qui prend des mesures visant à réduire ses émissions ne voit pas d’avantage économique (ou climatique) immédiat pour ce pays. C’est l’ensemble de la communauté qui va en bénéficier. Autrement dit, le coût est local et le bénéfice global. Cela a pour conséquence que chacun attend que l’autre agisse pour agir à son tour (syndrome du « après-vous »). Par suite, l’action n’est pas coopérative.

Un autre problème est que les effets des mesures coûteuses prises aujourd’hui ne se feront sentir que dans plusieurs dizaines voire centaines d’années. Ceci n’est certainement pas un incitatif pour nos gouvernements, ceux-ci ayant rarement la maturité requise pour agir tôt en prévision des intérêts à long-terme.

Un troisième écueil vient du fait que le coût de limiter le réchauffement planétaire ne sera pas le même pour tous les pays, ce qui peux être ressenti comme injuste. La Russie par exemple, aura des avantages évidents dans un marché du carbone, car de grandes quantités de permis d’émissions lui sont allouées.

Une dernière difficulté vient du fait que les négociations (Kyoto, Copenhague) se déroulent en se basant sur le principe de plafonnement et d’échanges (« cap and trade » en anglais). Théoriquement, ce principe permet d’optimiser les réductions de GES selon les pays. Dans la pratique, ces avantages restent illusoires, en tout cas jusqu’à présent. Les économistes préfèrent visiblement des systèmes plus attirants et plus efficaces, mais ces derniers ont été évités lors des négociations, notamment aux États-Unis qui rejettent généralement les systèmes basés sur des taxes.

En conclusion, si l’on se base sur des négociations passées et sur les négociations internationales similaires (finance, pêche à la baleine, non prolifération des armes nucléaires, etc.), les obstacles vers la voie du succès sont nombreux…

Source :

William D. Nordhaus « Economic aspects of global warming in a post-Copenhagen environment », Proceedings of the National Academy of Science 107 (2010) 11721–11726.

Lien vers le résumé de l’article.

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