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Nicholas Stern à la rescousse !

Les modèles économiques sous-estiment les menaces liées aux changements climatiques et les avantages de mettre en place des mesures d’atténuation. Cet avertissement a été lancé récemment dans la revue Nature [1] par nul autre que Nicholas Stern, l’auteur du célèbre rapport « The Economics of Climate Change » (2006) [2]. De telles lacunes dans les évaluations économiques donnent aux décideurs une information biaisée qui influence négativement le processus de prise de décision, notamment vis-à-vis des générations futures.

Des modèles économiques pour guider les décideurs

L’irrépressible insoutenabilité de la civilisation et la désespérante absence de mesures d’envergure pour contrer la dégradation écologique obligent à chercher les moyens d’informer correctement les décideurs. Nul doute que tel était déjà le dessein de Nicholas Stern en 2006 quand il détaillait le coût et les avantages de mettre en place des mesures visant à lutter contre réchauffement climatique et les risques de l’inaction [2].

Afin de promouvoir la meilleure information possible, il critique aujourd’hui les modèles économiques sur lesquels se fondent les décideurs et le GIEC pour évaluer les aspects économiques des changements climatiques [1]. Dans leur principe, ces modèles tentent d’intégrer des données biophysiques avec des facteurs économiques pour évaluer par exemple le coût économique global de l’émission d’une tonne de CO2. Mais ces problèmes souffrent de graves lacunes.

Sous-évaluation des conséquences des changements climatiques

Un des problèmes, explique l’économiste, c’est que les modèles habituels négligent de façon grossière les impacts des changements climatiques. Ils ne prennent pas en compte les risques liés aux potentielles boucles de rétroaction et autres points de basculement tels que documentés par les scientifiques (par exemple la fonte du pergélisol et la libération de méthane). Ces modèles ne considèrent pas non plus les différences qu’occasionneraient une augmentation de 1,5 ou 2°C (voire plus) sur la hausse du niveau des océans ou sur la fréquence et l’intensité des événements météorologiques extrêmes.

Les modèles « traditionnels » ne prennent surtout pas en compte les effets sur la santé, sur la qualité de vie, ni même les pertes éventuelles en vies humaines. Ils ont ainsi le défaut de ne pas considérer les possibles conséquences et tensions qui résulteront de la migration des réfugiés climatiques. À ce titre, la récente crise des migrants syriens nous donne un aperçu de ce qui attend les pays du Nord quand les populations du Sud chercheront à quitter les zones les plus affectées de la planète.

Finalement, il se trouve que ces modèles prennent comme référence le scénario du statu quo (business as usual). Or, ce point de comparaison est tout à fait inapproprié selon M. Stern puisqu’une telle référence laisse insidieusement penser que la croissance économique peut ne pas être altérée par une consommation continue d’énergie fossile. Autrement dit, la croissance (i.e., l’économie) serait insensible aux changements climatiques ou à d’autres crises écologiques. Évidemment, cette hypothèse est inexacte. Des événements ponctuels et locaux en font foi, comme récemment en Chine.

Sous-évaluation des bénéfices liés à l’atténuation des changements climatiques

Le fait que les bénéfices liés à la protection de la nature étaient presque systématiquement négligés par les gouvernants et les économistes a déjà été mentionné ailleurs sur ce site. À ce titre, la forêt urbaine s’est révélée être un bel exemple, puisqu’il a été démontré que la protection et l’expansion de la canopée des villes pouvaient être rentables.

Il en est de même pour les modèles économiques qui, selon M. Stern, sont très inefficaces pour estimer les avantages économiques des mesures d’atténuation. Les modèles ont par exemple de la difficulté à rendre compte des effets des investissements dans les énergies renouvelables. Ils ne sont pas adaptés pour intégrer les potentielles synergies qui pourraient se manifester au sein de l’économie, des institutions et des comportements sociaux grâce à des investissements dans le secteur des technologies vertes par exemple. Or, il est bien établi que les retombées économiques des énergies vertes sont plus élevées que celles liées aux énergies fossiles. Encore plus important est le fait que les modèles actuels n’intègrent pas les économies d’échelle et les bénéfices qui résulteraient de transformations structurales et technologiques radicales.

Conclusions

Il est évident que les arguments que relève Nicholas Stern ne se limitent pas au réchauffement planétaire et se généralisent à la dégradation de l’écosphère au complet. Il est donc d’une grande importance que les politiciens, les dirigeants et les industriels prennent conscience, preuves à l’appui, des coûts de l’inaction (le statu quo) et des mesures d’atténuation trop modestes, mais aussi des bénéfices d’implanter une économie écologique. Il est donc essentiel de développer des modèles qui comparent adéquatement les bénéfices et les préjudices des différents types d’économies selon différents scénarios.

Les économistes (orthodoxes) ont évidemment une vision très partielle des avantages des solutions socio-écologiques. C’est probablement une des raisons pour laquelle les modèles se fondent sur les deux prémisses erronées que dénoncent Nicholas Stern : premièrement l’hypothèse selon laquelle la santé des êtres humains va s’améliorer dans le futur, ce qui est loin d’être prouvé, surtout si l’environnement continue de se dégrader ; deuxièmement, l’hypothèse selon laquelle la vie humaine de nos contemporains a plus de valeur que celle des générations futures, ce qui représente une discrimination « par la date de naissance » [1].

Notes et références

[1] N. Stern, Current climate models are grossly misleading Nature 530 (2016) 407.

[2] N. Stern, The Economics of Climate Change: The Stern Review (2007) Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni.

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