mercredi, décembre 4, 2024

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La nature et la technologie opèrent à des échelles de temps différentes

On peut établir des parallèles entre la nature et notre technologie. D’une part le progrès technologique se compare à l’évolution des espèces, d’autre part les procédés industriels se comparent aux processus biologiques. Ainsi, si les matériaux du vivant ont des propriétés et des facultés remarquables, il faut réaliser que la pression de la sélection naturelle amènent les organismes à optimiser les molécules utilisées (car elles sont souvent synthétisées ou modifiées par l’organisme) ainsi que leur assemblage afin d’assurer leur fonction aussi efficacement que possible. L’évolution des espèces est très lente par rapport à l’évolution de la technologie. La première s’étend sur des siècles ou des millénaires voire des millions d’années, alors que la seconde évolue à l’échelle de la décennie voire du siècle. On remarquera donc que si les matériaux biologiques sont en constante évolution, les matériaux synthétiques le sont aussi sous l’influence du progrès technologique, mais à des échelles de temps bien différentes, d’autant qu’il n’y a pas de contrôle rationnel sur les directions que suit le progrès technologique.

De façon similaire, les processus de formation des matériaux biologiques sont lents comparés aux procédures humaines. Si on excepte la « sculpture géologique », qui façonne les montagnes, les vallons, les mers et les océans sur des échelles de temps de l’ordre du millénaire ou du million d’années, les processus de « fabrication » sur la Terre sont essentiellement biotiques. Ce sont par exemple la formation des organes du corps des êtres vivants ou le développement des végétaux. Ce sont ceux avec lesquels les processus de fabrication humains peuvent se comparer. Ils s’écoulent néanmoins sur des échelles de temps plutôt longues par rapport aux processus synthétiques, notamment les procédés industriels. Les processus de fabrication naturels sont également évolutifs : les organismes, faune et flore, naissent vivent et meurent. Ils s’étalent ainsi sur des échelles de temps de l’ordre de la journée (croissance de l’herbe), de la semaine (formation des feuilles mature à partir des bourgeons), du mois (dents, os, muscles, etc.) ou de l’année, voire de la décennie (bois). Les processus de fabrication humains ont lieu sur des échelles de temps de la seconde, de la minute voire de l’heure.

En fait, les processus naturels sont si lents qu’ils se déroulent dans des conditions proches d’un état d’équilibre [1]. Il n’y a guère que le filage de la soie par les arthropodes (notamment les araignées ou les vers à soie) qui s’effectue dans un domaine temporel de la seconde et apparaît ainsi comme un des rares phénomènes qui se compare aux procédés humains. En général, Homo sapiens fabrique des objets (outils, vêtements, armes, etc.) spontanément aussi rapidement qu’il le peut, pour des besoins immédiats ou à court terme. Dans les sociétés « développées », cet effet est accéléré par la forte pression de la productivité économique capitaliste. Les procédés de fabrication humains ayant lieu sur des échelles de temps courts (typiquement seconde ou minute), ils ont lieu dans des conditions hors d’équilibre. Est-il possible que la complexité des structures naturelles soit plus difficile à reproduire avec des procédés synthétiques si rapides quand la nature prend tant de temps ?

Bibliographie

[1] C. Viney, Self-assembly as a route to fibrous materials: concepts opportunities and challenges. Curr. Opinion Solid State Mater. Sci. 8, 95-101 (2004).

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