Nombre de substances halogénées sont utilisées par l’industrie, par exemple dans le secteur de la réfrigération, de l’électronique, des tapis ou de la médecine. Ces molécules, riches en atomes de fluor (F) ou de chlore (Cl), ont une capacité à réchauffer la planète jusqu’à 100 fois plus élevée que le CO2 (lire les explications dans l’article sur l’origine moléculaire du réchauffement climatique).
Quand l’industrie sélectionne ou conçoit ce genre de composés, les principaux critères qu’elle considère sont les propriétés thermiques, l’inflammabilité, voire la facilité qu’à substance à être décomposée dans l’atmosphère. L’effet de ses composés en tant que gaz à effet de serre (GES) n’est pas pris en compte. Pourtant, l’impact de telles substances peut varier du simple au double.
Dans un article de PNAS de mai 2010, des chercheurs proposent des éléments qui aident à prendre en compte cet aspect. Ils donnent des explications sur les liens entre la structure d’une molécule et son efficacité à réchauffer la planète. Les auteurs évaluent 6 types de molécules (éthers perfluorés, thioéthers perfluorés, perfluorocarbures, alcènes perfluorés, composés soufrés/carbonées et azotés/carbonés)*, et en tirent des règles générales qui peuvent permettre de choisir des molécules dont l’impact est minimal.
Pour des molécules ayant un même nombre d’atomes de fluor (ou de chlore), la répartition de ces atomes à l’intérieur de la molécule aura une influence sur l’intensité du forçage radiatif qu’elle est susceptible de provoquer. Il est préférable par exemple que les atomes de fluor ne soient pas tous liés à un même atome de carbone central pour répartir au mieux la distribution de l’électronégativité.
La présence dans les éthers fluorés de liens C-O, très polarisés, va avoir une absorption très forte des radiations infrarouge (IR) émises par la surface de la Terre, ce qui rend ces molécules très dommageables en terme de réchauffement climatique. De plus, l’absorption de la vibration d’élongation des liens C-F sera plus intense si l’atome de carbone est lié à l’oxygène, accroissant ainsi le potentiel de réchauffement des éthers fluorés.
Les alcènes perflurorés sont très réactifs du fait de la présence de liaisons doubles C=C. Ils ont donc des temps de vie dans l’atmosphère plutôt courts, ce qui atténue leur impact sur le réchauffement planétaire. La vibration d’élongation C=C, intense en IR, semble souvent tomber en dehors du domaine IR atmosphérique et n’a donc pas d’impact dans ce cas.
Les composés étudiés contenant des atomes de soufre (S) ou d’azote (N) ont des efficacités radiatives plus basses que les molécules perfluorées. Cela vient du fait que les vibrations d’élongation C-S ne tombent pas dans le domaine atmosphérique et que la vibration d’élongation N-F est peu polarisée et absorbe moins que la vibration d’élongation C-F.
Globalement, l’absorption des radiations IR de la fenêtre atmosphérique par les molécules diminue, pour des nombres d’atomes équivalents, selon la séquence : éthers perfluorés > thioéthers perfluorés ~ composés sulfurés > perfluorocarbures > alcènes perfluorés > composés azotés.
Cette étude montre que certaines considérations simples sur la structure moléculaire peut aider à utiliser des molécules qui ont moins d’impact sur le réchauffement climatique. Bien que ses résultats soient généraux, ce genre d’étude devra néanmoins être étendu à l’avenir à d’autres types de molécules.
* Exemples de molécules étudiées :
- perfluorocarbure : CF3CF3
- éther perfluoré : CF3OCF3
- Composé soufré : CF3SCF3
- Composé azoté/ : CF3NF2, SF5CF3
- alcène fluoré : CF3CFCF2
Source :
Partha Beraa, Joseph Franciscob, et Timothy Lee, Design strategies to minimize the radiative efficiency of global warming molecules, Proceedings of the National Academy of Science (PNAS) 107 (2010) 9049-9054.