On manquait jusqu’à aujourd’hui d’une évaluation précise de la température du pergélisol à l’échelle du Globe. Une étude récente vient remédier à cette lacune et montre que le pergélisol se réchauffe aux quatre coins de la planète.
Il est important de suivre la température du pergélisol car son réchauffement provoque diverses modifications géomorphologiques du sol, dont certaines affectent les infrastructures humaines nordiques. Le pergélisol contient de plus de grandes quantités de matière organique qui pourraient être décomposées et libérées sous forme de dioxyde de carbone (CO2) ou de méthane (CH4) si le pergélisol fondait [1]. Bien que le principe de ce phénomène soit bien établi, l’ampleur de la libération de carbone et ses conséquences sur le climat demeurent incertaines [2].
Une équipe internationale a bénéficié de sa participation au Réseau terrestre global pour le permafrost (Global Terrestrial Network for Permafrost) qui a implanté un maillage de trous de sondage pour mesurer la température dans différentes régions de la cryosphère [3]. En plus d’accroître le nombre de tous de forage, le Réseau a établi une année de référence, soit l’Année internationale polaire (2007-2008). Les mesures sont réalisées à une profondeur précise, soit la profondeur minimale à laquelle le sol ne subit aucune variation de température (appelée depth of zero annual amplitude en anglais). Cette profondeur est décrite schématiquement dans la figure ci-dessous :
Les résultats de l’étude montrent que le pergélisol s’est réchauffé de 0,39 ± 0.15 °C entre 2007 et 2016 dans les zones dites « continues » et de 0.20 ± 0.10 °C dans les zones « discontinues » [3]. Les premières correspondent à des zones continuellement gelées, tandis que les secondes sont composées d’aires continuellement gelées et d’autres qui fondent l’été pendant quelques semaines ou quelques mois [5]. La différence de réchauffement entre les deux zones résulte du fait qu’une partie de la chaleur reçue par le pergélisol est utilisée pour faire fondre la glace dans les zones discontinues, ce qui n’est pas le cas dans les zones continues (où la glace ne fond pas) [6].
Dans les zones de la planète situées en altitudes (montagnes), la température du pergélisol a augmenté de 0.19 ± 0.05 °C et dans l’Antarctique de 0.37 ± 0.10 °C. Si on considère toutes les régions, la température du pergélisol a globalement augmenté de 0.29 ± 0.12 °C. Selon les auteurs, des progrès dans la mesure de la température du pergélisol peuvent encore améliorer en augmentant les points de mesure, notamment en Sibérie, au Canada, en Antarctique, et dans les montagnes de l’Himalaya et des Andes.
Notes et bibliographie
[1] Kevin Schaefer, Methane and Frozen Ground, National Snow and Ice Data Center (NSIDC) https://nsidc.org/cryosphere/frozenground/methane.html
Planète viable, La boucle de rétroaction méthanogène résultant de la fonte du pergélisol en question (2016) https://planeteviable.org/boucle-retroaction-methane-fonte-pergelisol/
[2] Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), Climate Change 2013: The Physical Science Basis (2013), Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom et New York, NY, USA, 1535 pp. https://www.ipcc.ch/report/ar5/wg1/
Planète viable, La boucle de rétroaction méthanogène résultant de la fonte du pergélisol en question (2016) https://planeteviable.org/boucle-retroaction-methane-fonte-pergelisol/
[3] Boris Biskaborn Permafrost is warming at a global scale, Nature Communications 10 (2019) 264 https://www.nature.com/articles/s41467-018-08240-4
[4] Polarpedia, Depth Of Zero Annual Amplitude (ZAA), https://polarpedia.eu/en/depth-of-zero-annual-amplitude-zaa/
[5] National Geographic (encyclopédie), Permafrost https://www.nationalgeographic.org/encyclopedia/permafrost/
[6] Pour pouvoir faire passer l’eau (par réchauffement) de l’état solide (la glace) à l’état liquide (l’eau), il faut fournir une quantité d’énergie (thermique) que l’on appelle enthalpie de fusion ou chaleur latente de fusion. Si par contre la glace ne change pas d’état, l’augmentation de sa température est dictée par une grandeur appelée capacité calorifique (une grandeur propre à chaque substance) et elle nécessite beaucoup moins d’énergie que la transition glace → eau.