La communauté scientifique est la première à défendre l’idée qu’il est grand temps et particulièrement important de diffuser adéquatement les résultats de la science en environnement et en développement durable auprès de la société civile. Pour cela, de nouvelles façons de communiquer peuvent s’avérer utiles voire nécessaires. De ce point de vue, comme le rapporte un article paru dans la revue Trends in Ecology and Evolution,1 l’histoire peut être d’un grand secours en mettant en perspective la crise écologique globale et la faible réaction sociétale que nous connaissons aujourd’hui.
Les auteurs de l’article soulignent ainsi que l’histoire peut aider à contrer l’idée communément admise selon laquelle la détérioration de l’environnement est une réalité relativement récente. Ainsi, d’aucun serait tenter de considérer les sociétés du passé, et la société occidentale préindustrielle, comme idyllique d’un point de vue environnemental alors que la société d’aujourd’hui en serait l’exemple opposé. Pourtant, l’Europe de l’Ouest a connu entre 800 et 1300 une altération majeure de ses terres du fait d’une déforestation massive destinée à fournir du combustible, des matériaux et des terres agricoles. Ainsi, les Anciens ne seraient pas « meilleurs » que nous.
Ajoutons à ce sujet que l’histoire nous apprend aussi que certaines sociétés du passé qui ont disparu se sont effondrées pour une large part pour des raisons environnementales, mettant ainsi à mal l’idée reçue selon laquelle, « autrefois », l’être humain vivait en harmonie avec la nature. Le cas de la société de l’île de Pâques, des Anasazis aux États-Unis, des Mayas ou d’autres, montre que tel n’est pas nécessairement le cas.2 Ces exemples peuvent faire réaliser que la préservation environnement a été, est et sera toujours une tâche extrêmement complexe, et que négliger cet aspect ou ne pas être capable d’adapter ses façons de faire à une situation non viable peuvent conduire à la mise en péril d’une société au complet.
L’autre intérêt de considérer l’histoire tient dans le fait qu’elle permet de mieux comprendre la résistance intrinsèque de l’être humain à accepter l’urgence des enjeux environnementaux et à modifier la société et son comportement. Par exemple, la « Révolution scientifique » qui s’est opérée entre le 16e et le 18e siècle a profondément transformé la société. Elle a ainsi conduit à des transformations radicales de certains concepts, par exemple le passage de l’anthropocentrisme à l’héliocentrisme. Cependant, il aura fallu plusieurs siècles avant que ces idées ne soient acceptées. De plus, il faut réaliser que ces nouvelles idées se sont d’abord répandues dans les couches sociales les plus aisées et éduquées avant de se disséminer dans la population générale.
Un autre exemple nous vient des États-Unis où force est de constater que, même encore aujourd’hui, beaucoup de personnes remettent encore en question la théorie de l’évolution. L’histoire montre donc que l’acceptation des conclusions de la science n’a jamais été instantanée et exige, d’une part que la véracité de la science soit acceptée, d’autre part que les mentalités changent. Les réticences viennent de la culture, des pratiques ou des valeurs sociales ou des intérêts économiques, qui ralentissent la vitesse à laquelle les changements s’opèrent.
Un regard sur l’histoire montre également que différents événements naturels (comètes, variations du climat) ou culturels (passages à l’an 1000 et à l’an 2000) ont été à l’origine de l’annonce « en grande pompe » de terribles perturbations voire de la fin du monde. Ces prophéties s’étant évidemment avérées fausses, il est sans doute plus difficile aujourd’hui de faire admettre les risques que court aujourd’hui l’humanité, au point que tout argument « négatif » pourrait nuire au discours environnemental. Il serait ainsi judicieux de prendre en compte ces rappels historique peuvent afin d’ajuster le discours environnemental.
En conclusion, les faits historiques apparaissent comme une source de riches enseignements. Leur potentiel n’est cependant pas encore pleinement exploité et devrait permettre à l’avenir d’améliorer la diffusion des connaissances en environnement et en développement durable. De façon similaire, l’histoire devrait également aider les recherches en sociologie, un domaine d’étude tout aussi indispensable à la réussite de la mise en œuvre d’une société viable grâce à une accélération les changements de comportement dont elle a besoin.
Sources :
1 M. L. Bailey et D. B. Lindenmayer, What history reveals about reactions to climate debates, Trends in Ecology and Evolution 26 (2012) 615-616 (doi:10.1016/j.tree.2011.07.015).
Lire l’article
2 J. Diamond, Effondrement (2005) Gallimard, Folio essais