Un rapport de la Food and Agriculture Organization (FAO) des Nations Unies fait le bilan des effets des changements climatiques, présents et à venir, sur l’agriculture et les ressources naturelles en Afrique, et sur les moyens de les atténuer. Le rapport montre que les Africains sont très vulnérables face au climat et qu’ils seront touchés de plein fouet par les changements climatiques, notamment par l’insécurité alimentaire. Des mesures d’atténuation sont nécessaires.
L’Afrique, comme le reste de la planète, subit déjà et subira davantage les effets des changements climatiques. À cause de ses caractéristiques géophysiques et socio-économiques, ce continent est particulièrement vulnérable. En effet, l’économie y est fragile et la pauvreté endémique dans certaines régions. Par ailleurs, les habitants ont souvent comme principaux moyens de subsistance l’agriculture et les ressources naturelles. Ils sont donc particulièrement menacés par l’insécurité alimentaire, la malnutrition, un accès à l’eau restreint et des baisses de revenus importantes (des pertes économiques pouvant représenter jusqu’à 14% du PIB). Les plus pauvres seront les plus affectés.
Des modifications du climat
Les températures moyennes augmentent
Au cours de la seconde moitié du 20ième siècle, la température moyenne a augmenté de 0.5°C en Afrique, mais la hausse n’a et n’aura pas la même amplitude partout. Globalement, on observe des maxima plus élevés le jour et des minima moins bas la nuit. On s’attend à ce que l’augmentation soit 1,5 fois plus élevée que la moyenne planétaire.
Modification des quantités et de la régularité des précipitations
On observe une diminution globale de la pluviosité en Afrique, ce qui a conduit à une réduction de 40 à 60% du débit de certains cours d’eau depuis les années 70. Selon des projections du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), les températures pourraient conduire en Afrique de l’Est, en 2050, à une augmentation des précipitations de 5 à 20% de décembre à février, et de 5 à 10% de juin à août.
Cependant, à l’instar de ce qui risque de se produire sur l’ensemble du globe, la fréquence des phénomènes climatiques extrêmes va augmenter. Les chutes de pluie devraient être plus irrégulières et prendre souvent la forme de pluies fortes ou de tempêtes. La variabilité des précipitations devraient également se traduire par des années très sèches et d’autres particulièrement humides.
Des sécheresses et des inondations en croissance
Les inondations en Afrique sont récurrentes. Les prévisions climatiques suggèrent que les inondations seront de plus en plus fréquentes. Paradoxalement, l’évolution du climat devrait également se traduire par une augmentation du nombre et de la durée des sécheresses.
L’agriculture et l’élevage sont menacés
La plupart des pays du continent ont une économie basée sur l’agriculture et l’élevage, et la majorité des Africains en vivent. C’est leur principale source de nourriture et de revenus. La sécurité alimentaire des Africains dépend directement de ces deux activités.
En Afrique, près de la moitié des terres sont arides ou semi-arides, avec des sols de type désert, renfermant la plus faible proportion de matière organique. Sous l’effet du réchauffement planétaire, le sol devient progressivement plus aride.
La dégradation des sols est un problème critique qui menace l’économie et la qualité de vie des populations. La population africaine est affectée à 65% par une dégradation des sols, soit une surface de 16,1 millions de km2. La productivité agricole des terres diminue à un rythme de 3% par année. Si le rythme se poursuit, les deux tiers des terres arables de l’Afrique pourraient être perdues.
Le rendement des terres et son évolution future sont inquiétants. Un réchauffement climatique modéré (de 1 à 3°C) pourrait être bénéfique pour les régions tempérées, mais l’impact pourrait être négatif dans les zones tropicales, notamment pour les céréales. Cependant, pour un réchauffement planétaire de plus de 3°C, les effets sur la production agricole seront négatifs quelle que soit la région.
Les terres de pâturages représentent des écosystèmes fragiles qui sont mis en péril par la variabilité des précipitations, les sécheresses et la désertification. La rareté de terres propices à l’élevage et de points d’eau obligent les bergers à se déplacer dans des zones plus éloignées pour faire paître le bétail.
Globalement, l’Afrique est plus vulnérable que d’autres régions, car le contrôle de l’eau y est limité, notamment pour le secteur de l’agriculture. Les cultivateurs dépendent donc fortement des précipitations. Les pays dont l’irrigation dépend du Nil sont également à risque. L’Afrique est également sujette à l’érosion du sol, la salinisation (par manque de techniques d’irrigation) et de la pollution agrochimique. Ces problèmes concourent également à diminuer la production agricole.
Par suite, si la production agricole globale diminue, les importations des pays africains vont devoir augmenter ce qui nuit à l’économie du continent. La facture d’importation de céréales a déjà augmenté de 30-35% entre 2007 et 2008.
Des ressources menacées
Forêts
Les forêts et les arbres contribuent fortement à la sécurité alimentaire, car ils protègent les sols (érosion) et les ressources en eau, ils fournissent des revenus nécessaires à l’achat d’aliments et ils représentent une réserve de nourriture (faune sauvage). Les forêts sont également une ressource renouvelable de combustible qui est importante pour le chauffage et la cuisine.
Un rapport de l’IUFRO de 2009 conclut que les forêts risquent de décliner dans les zones arides. Celles-ci se transformeront alors en prairies, en savanes ou en déserts. Dans les zones tropicales, les forêts pourraient voir leur productivité augmenter à condition que l’eau soit disponible en quantité suffisante. En cas de manque d’eau ou dans un climat plus sec, les forêts tropicales pourraient décliner.
Océans
Les écosystèmes maritimes sont affectés par les changements climatiques et les modifications physicochimiques de l’eau océanique. Ainsi les réserves de poissons sont-elles menacées. L’augmentation du niveau des océans menace les côtes, les barrières de corail (voir l’article sur l’effet du CO2 sur les océans) et les mangroves. Les barrières coralliennes sont particulièrement importantes pour protéger les côtes et les mangroves des intempéries. Le corail et les mangroves sont également des milieux riches en faune et en flore.
Ressources naturelles
L’Afrique compte différents types d’habitats comme des zones tropicales, la savane, des zones côtières, des barrières de corail, des marais et des montagnes. Les écosystèmes qui s’y retrouvent leur rendent d’innombrables services (voir l’article sur la biodiversité) : eau, nourriture, combustible, abris, médicaments, habillement, etc. Cette biodiversité dont dépendent directement les Africains est menacée partout.
Environ 30 millions de personnes vivent dans les forêts tropicales de l’Afrique centrale et consomment environ 1,1 million de tonnes de faune sauvage chaque année (l’équivalent de 4 millions de bœufs). La tendance des forêts au déclin pourrait se répercuter durement sur certaines populations.
Conclusions
Il est désolant de constater que le continent qui est le moins responsable des changements climatiques sera vraisemblablement le plus affecté.
Les problèmes de dégradation des sols, de baisse du rendement agricole, de l’accès restreint à l’eau et de disparition des ressources naturelles diminuent la qualité de vie des Africains, conduisent à des déplacements de population et risquent de devenir la source de conflits. Déjà, la crise au Darfour de 2010 est reconnue pour avoir tirer en partie son origine de tensions entre les fermiers et des bergers suite à la réduction des pâturages et des points d’eau. De nouveaux troubles pourraient donc émerger sous l’influence des changements climatiques.
Il est impératif de mettre en œuvre des mesures en vue de limiter les effets du réchauffement planétaire, notamment pour préserver la productivité de l’agriculture et les ressources naturelles. Le document de la FAO insiste sur la nécessité de consulter et tirer partie de l’expertise des habitants, eux qui ont su s’adapter à ces écosystèmes et à ces conditions géophysiques si particulières. Chaque pays doit mettre en œuvre ses propres solutions. Néanmoins, il est impératif et la morale exige que les pays développés leur offrent une aide financière et matérielle.
La FAO mentionne que les femmes africaines, tout comme les enfants, sont les plus susceptibles de souffrir de l’impact des changements climatiques, à cause des différences de statut.
Sources :
Ce texte est un résumé du document “Climate change implications for food security and natural resources management in Africa”, Food and Agriculture Organization of the United Nations, 26th conference for Africa (2010). Vous pouvez lire ce document sur le site de la FAO.
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