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Le métabolisme socioéconomique : pour mieux comprendre l’impact de nos sociétés

Le métabolisme d’un organisme vivant est l’ensemble des réactions qui assure ses fonctions vitales : transformer les aliments en énergie pour permettre l’accomplissement des processus cellulaires et la fabrication des molécules de base nécessaires à l’organisme (protéines, lipides et acides nucléiques), et éliminer des déchets.

Les sociétés comme la nôtre sont un peu comme des êtres vivants, avec un métabolisme que l’on qualifie de « socioéconomique ». Ici, le métabolisme est constitué par : 1) les quantités de matières premières utilisées, nécessaires aux besoins matériels et énergétiques de la société considérée et 2) les quantités de matières qui en sortent (pertes et rejets de matières dans l’environnement).

Le concept de métabolisme peut être appliqué à un pays, une ville, à une filière industrielle ou à une entreprise. On peut également considérer le métabolisme socioéconomique à l’échelle mondiale.

Définition métabolisme

Les intrants

Commençons par le début, soit les apports en ressources, ce que l’on appelle les intrants. Les sociétés cherchent en effet à satisfaire leurs besoins, notamment les besoins vitaux, comme boire, manger, se loger, se chauffer, se vêtir ou se soigner. D’autres besoins sont essentiels au fonctionnement des sociétés et à l’expression de la nature humaine, comme de pouvoir se déplacer, transporter les marchandises, communiquer, s’exprimer artistiquement, se divertir, comprendre le monde qui nous entoure, etc.

D’une manière ou d’une autre, ces besoins sont comblés, en entier ou en partie, par des matériaux, ceux-là même qui constituent les infrastructures, les équipements, les instruments et les appareils, qui sont nécessaires et permettent à la société de fonctionner. On se rend compte alors que nous utilisons des ressources matérielles dans toutes les sphères de nos vies, des ressources que nous prélevons à même la nature ; si bien qu’au fond, nos vies et les sociétés sont totalement liées aux ressources naturelles.

Parmi les matières entrantes dans une société, ii faut distinguer :

  • les matières qui vont constituer les infrastructures et les biens manufacturés, ce que l’on appelle les biens « durables » (à ne pas prendre ici ce terme comme synonyme de « soutenables »)
  • les matières qui vont être utilisées de manière « dissipative », c’est-à-dire qui sont utilisées rapidement, typiquement au cours d’une année, comme les ressources pour la production d’énergie, la nourriture, les fertilisants, les pesticides, les emballages plastiques, etc.

Des ressources sont donc quotidiennement « ingérées » par les sociétés pour fabriquer, transporter, utiliser, entretenir et renouveler l’ensemble de nos infrastructures et des produits que nous consommons. Ces biens manufacturés s’accumulent et demeurent un certain temps dans « l’organisme sociétal ». L’ensemble de ces biens matériels durables constituent la structure matérielle de la société ou capital manufacturé, par analogie avec le capital naturel qui, lui, est constitué de l’ensemble des écosystèmes, des êtres vivants et des ressources. L’intégralité des matériaux utilisés dans le capital manufacturé est aussi appelé stock de matériaux utilisés. Comme on le verra ailleurs, ce stock augmente sans discontinuer depuis plus d’un siècle.

Les extrants

Voyons maintenant les matières rejetées dans l’environnement, ce que l’on appelle les extrants. Ces matières sont à la base des différentes formes de pollution que nous connaissons : gaz à effet de serre (GES), aérosols, pesticides, engrais, plastiques, produits chimiques (métaux lourds, molécules thérapeutiques, cosmétiques, retardateurs de flamme), etc.

Premièrement, après usage, les biens manufacturés « sortants » peuvent suivre plusieurs trajectoires : ils peuvent être démantelés et recyclés (localement ou à l’étranger), auquel cas, ils sont réutilisés pour former de nouveaux biens. Ils peuvent aussi être valorisés (par exemple, par combustion ou fermentation) ou encore jetés dans des sites réglementés ou non, générant alors des rejets polluants (CO2 ou méthane, lixiviat, substances chimiques nocives).

Des pertes de certaines substances ont également lieu durant la production, le transport, l’utilisation et l’entretien des biens durables qui génèrent des produits secondaires. Les rejets et les pertes en usine, l’épandage de pesticides ou la combustion d’énergies fossiles en sont des exemples. D’autres rejets contribuant au métabolisme sociétal proviennent des déchets humains, alimentaires et ceux du bétail. Les effluents issus de l’extraction des ressources naturelles et de l’utilisation dissipative des ressources provoquent également des flux polluants.

Le métabolisme socioéconomique peut ainsi être schématisé par la figure ci-dessous. À noter que cette figure inclut tous les impacts sur la nature qui résultent du métabolisme socioéconomique ; non seulement la pollution, mais également l’appauvrissement des ressources et la destruction (anthropisation)  des écosystèmes.

Ainsi, nos prélèvements de ressources et leur transformation pour confectionner les produits manufacturés et les infrastructures que nous utilisons constituent un processus par lequel nous transformons le capital naturel en capital manufacturé et en déchets.

Références

[1] Robert U. Ayres, Industrial Metabolism, In Technology and Environment (1989) Chp. 1, pp. 23-49, National Academy Press | Washington, DC, États-Unis

[2] Robert U. Ayres, Industrial metabolism: Restructuring for Sustainable Development (1994) United Nations University Press | Tokyo, Jappon https://archive.unu.edu/unupress/unupbooks/80841e/80841E00.htm

[3] https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-94-017-3511-7_10

[4] Stefan Pauliuk & Edgar G. Hertwich Socioeconomic metabolism as paradigm for studying the biophysical basis of human societies Ecol. Econ. (2015) 119 83–93

[5] Fridolin Krausmann et coll. Material Flow Accounting: Measuring Global Material Use for Sustainable Development Annu. Rev. Environ. Resour. (2017) 42 647–75

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