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El Niño, La Niña et l’oscillation australe

El Niño est un phénomène climatique quasi-périodique de 2 à 7 ans qui se produit dans l’Océan Pacifique équatorial. Il implique des perturbations océaniques et atmosphériques qui induisent des modifications météorologiques annuelles de grande ampleur dont l’influence peut s’étendre sur l’ensemble de la planète. Les scientifiques ne peuvent prédire l’évolution future de cette variation climatique naturelle avec le réchauffement planétaire.

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Qu’est-ce que El Niño ?

El Niño est une variation climatique quasi-cyclique qui se produit dans l’Océan Pacifique équatorial et qui est caractérisé par des variations de température à la surface de la mer à l’Est de l’Océan Pacifique Ce phénomène océanique est couplé à un phénomène atmosphérique impliquant des variations de la pression de l’air au-dessus de l’Océan Pacifique que l’on appelle l’oscillation australe.
En temps normal, les côtes de l’Amérique du Sud sont le siège d’importantes remontées d’eau, des courants ascendants venant des fonds marins, qui sont riches en nutriments. Ceux-ci nourrissent un plancton alors abondant, qui lui-même sert de nourriture aux poissons qui prolifèrent, la manne pour les pêcheurs péruviens.

Lors des années El Niño, l’eau froide des fonds marins ne remonte plus, causant un réchauffement des eaux océaniques de surface et une diminution du phytoplancton et, par suite, un amenuisement des populations des poissons (ils migrent plus au nord). Les Péruviens ont baptisé ce phénomène El Niño (« l’enfant ») en référence à l’enfant Jésus car il se produit à l’approche de la période de Noël.

Du point de vue météorologique, El Niño se manifeste sur l’ensemble du Pacifique, notamment par des sécheresses parfois fortes en Asie du Sud-est et en Australie et d’intenses précipitations sur la côte Ouest de l’Amérique du Sud. Cependant, l’influence d’El Niño s’étend sur la majeure partie du globe, de l’Asie du Sud-est à l’Afrique en passant par l’Antarctique et l’Amérique du Nord.

Au Canada, les hivers sont plus doux et plus secs lors des années El Niño, même si l’effet est moindre dans les provinces maritimes. Il semble que le fort épisode El Niño de 1998 soit en partie à l’origine de la tempête de pluie verglaçante qui a touché le sud du Québec et de l’Ontario. Lors des derniers jeux Olympiques d’hiver, El Niño a réchauffé la ville de Vancouver et lui a donné un climat similaire à un climat subtropical.

El Niño et l’oscillation australe

Les remontées d’eau près des côtes péruviennes lors des années « normales » sont le fruit de vents, les alizés, qui soufflent d’Est en Ouest, et qui déplacent les eaux océaniques de surface vers l’Ouest, elles-mêmes remplacées par les eaux froides et riches en nutriments venant des profondeurs (voir l’article sur le phytoplancton).
Ces vents font partie d’un système plus complexe de circulation d’air fermée que les scientifiques de l’atmosphère nomment une « cellule ». Il s’agit ici de la cellule de Walker, du nom du climatologue Sir Gilbert Walker (figure ci-dessous).

Cellule de Walker normale
Schéma de la cellule de Walker au-dessus de l’Océan Pacifique et température de l’eau océanique dans des conditions « normales ». L’eau coloriée en rouge est chaude et celle en bleue est froide (Source : NASA).

La circulation de Walker « normale » consiste, dans le Pacifique Ouest, en un mouvement ascendant de l’air qui, en altitude, se déplace alors vers l’Est, redescend au-dessus de la côte de l’ouest de l’Amérique du sud, et la boucle se termine alors que la masse d’air se dirige vers l’ouest à basse altitude. Le déplacement des alizés d’Est en Ouest est le reflet du fait que la pression de l’air est plus élevée à l’Est qu’à l’Ouest.

Tandis que les eaux des côtes équatoriales de l’Amérique du Sud sont habituellement froides, l’Ouest de l’Océan Pacifique est chaud. Cette partie de l’Océan aux abords des côtes d’Indonésie est appelée la « piscine chaude » ; il s’agit du plus grand volume d’eau chaude de la planète. Cette masse d’eau réchauffe l’atmosphère située au-dessus, créant des mouvements de convection ascendants. L’air qui remonte à l’Ouest s’évapore en grande partie à l’équateur sous l’effet des rayons chauds du Soleil, engendrant des orages, des éclairs et des pluies abondantes en Indonésie et dans cette région du Pacifique.

À l’inverse, à l’Est, la pression tend à être haute, imposant sur les côtes équatoriales de l’Amérique du Sud un climat sec, d’autant plus que les Andes font obstacle aux nuages et aux pluies, ce qui est à l’origine du désert Atacama.

Quand une année El Niño a lieu, la circulation de Walker s’affaiblit de sorte que de plus petites masses d’eau en surface sont entraînées par les alizés, réduisant d’autant les remontées des eaux froides et permettant aux eaux chaudes de l’ouest du centre du Pacifique de se répandre davantage vers le Pacifique est (figure ci-dessous).

Cellule de Walker El Niño
Schéma de la cellule de Walker au-dessus de l’Océan Pacifique et température de l’eau océanique dans des conditions « El Niño ». L’eau coloriée en rouge est chaude et celle en bleue est froide (Source : NASA).

Le phénomène El Niño peut être si intense que certaines années les alizés ont une vitesse presque nulle ou sont carrément inversés. Ces variations  de la circulation des masses d’air et de la pression est appelée oscillation australe. L’ensemble des variations due à El Niño (température de l’Océan Pacifique) et de l’oscillation australe (variation de pression de l’air) est appelé ENSO en anglais pour El Niño/southern oscillation.

La fréquence d’El Niño peut aller de 2 à 7 ans. Des années El Niño particulièrement intenses ont été ressenties en 1982-1983 et en 1997-1998. L’origine de cette oscillation quasi-cyclique couplant océan et atmosphère est encore mal expliquée par les scientifiques.

Les chercheurs ont par contre établi un paramètre, l’indice ENSO, pour décrire l’évolution du phénomène en se basant sur 6 variables représentant les conditions météorologiques, soient la pression au niveau de la mer, les composantes longitudinale et zonale (le long des lignes de latitude) des vents de surface, la température de la surface de la mer, la température de l’air et la proportion d’ennuagement du ciel.

Le phénomène inverse, La Niña, qui signifie “la fille”, est le pendant d’El Niño. On l’appelle également la phase froide, et est associée à des eaux plus froides que d’ordinaire près des côtes de l’Amérique du Sud et à des vents alizés est-ouest plus intenses. Dans ce cas, les alizés sont plus forts et les remontées d’eau plus intenses créant ainsi une « piscine froide » dans le Pacifique Est (figure ci-dessous).

Température du Pacifique El Niño-La Niña
Comparaison de la température de la surface de l’eau dans l’Océan Pacifique lors des phénomènes El Niño et La Niña (novembre 2007). L’eau coloriée en rouge est chaude et celle en bleue est froide (Source : NASA).

La Niña impose des effets opposés à ceux d’El Niño, par exemple de sévères sécheresses au Pérou et au Chili. En Asie, la formation des cyclones se déplace vers l’Ouest et parviennent plus souvent sur les côtes de la Chine. La Niña cause également de fortes précipitations en Indonésie, en Malaisie et aux Philippines. Au Canada, les hivers génèrent plus de neige, comme en 2007/2008 où des records d’accumulation ont été battus.

Il y eut un fort épisode La Niña en 1988-1989. D’autres eurent lieu en 1995, en 1998-2000 et une plus faible en 2000-2001. L’épisode ayant eut lieu en 2007/2008 fut le plus intense depuis celui de 1988-1989.

La fréquence d’El Niño et les changements climatiques

Des chercheurs ont observé que la fréquence des années El Niño augmentait et que celle des années La Niña diminuait. Des chercheurs ont suggéré que cet effet pouvait être relié au réchauffement planétaire, mais il semble en fait impossible pour l’instant de déterminer avec certitude si l’oscillation ENSO va gagner ou perdre en activité, ou si la fréquence de ces événements climatiques va changer.

Les scientifiques du climat savent par contre que le climat moyen du Pacifique va changer avec le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre (GES) anthropiques passées et à venir. Il y a une très forte probabilité que les alizés diminuent tandis que la répartition de la température de surface va avoir tendance à s’homogénéiser sur l’ensemble de l’Océan Pacifique, des conditions correspondant à des événements El Niño plus intenses et/ou plus fréquents. Néanmoins, des effets sur l’atmosphère pourraient contrebalancer ces tendances, de sorte que les modèles ne peuvent prévoir pour l’instant le climat futur.

Sources :

  • Pascal Acot, Histoire du climat, Ed. Perrin, collection tempus (2004).
  • François Richard & Claude Villeneuve, Vivre les changements climatiques : Réagir pour l’avenir, Éd. MultiMondes (2007).
  • Mat collins et coll. the impact of global warming on the tropical Pacific ocean and El niño, Nature Geoscience 3 (2010) 391-397 (doi: 10.1038/ngeo868).
  • http://science.nasa.gov/science-news/science-at-nasa/2002/05mar_kelvinwave/

 

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