jeudi, mars 28, 2024

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La dégradation de l’environnement et l’effondrement des sociétés

La détérioration de l’environnement peut être la cause principale de crises majeures dans une société, voire de son effondrement complet. C’est la réalité crue que nous apprend l’histoire des civilisations passées et actuelles. Elle nous apprend également que la gestion de l’environnement a de tous temps été un problème particulièrement complexe.1

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L’effondrement pour des raisons écologiques se définit comme le déclin d’une société ou d’une civilisation sur une très longue durée, voire un déclin irréversible, marqué par une réduction de la population et/ou de la complexité économique, politique ou sociale, en partie du fait d’une détérioration de l’environnement. Or, les sociétés ne sont pas égales vis-à-vis de leur environnement. Certaines sont plus choyées que d’autres et bénéficient de plus ou moins de faveurs de la nature. Selon les circonstances, certaines sociétés seront durables, tandis que d’autres ne le seront pas. En particulier, dans des conditions environnementales identiques, des sociétés vont perdurer et d’autres disparaître. Ainsi, l’écocide, le suicide écologique, n’est-il donc pas inéluctable.

Le problème qui se pose à toute société consiste dans la nécessité de tirer parti de façon soutenable de ce qu’offre la nature en conformité avec la taille de la population. Il faut ainsi prendre en compte le fait, qu’au-delà du facteur environnemental, d’autres facteurs jouent aussi un rôle dans la longévité d’une civilisation, soient les fluctuations climatiques, des voisins hostiles, des partenariats commerciaux déficients et/ou une réponse inadaptée de la société face à une situation qui se détériore.

L’exemple de l’île de Pâques

L’île de Pâques, un cas classique de société ayant vécu un effondrement pour des raisons environnementales, a eu à pâtir de conditions particulièrement difficiles. De taille réduite et isolée, donc sans liens commerciaux avec l’extérieur, la localisation géographique de l’île l’a pourvue d’une croissance de ses arbres lente et d’une fertilité du sol fragile, les cendres issues des volcans et les poussières venant des continents permettant de fertiliser le sol étant rares.

Dans les circonstances, les habitants de l’île de Pâques, les Pascuans, n’ont pas su gérer leurs forêts de façon durable : ils ont déboisé pour ériger leurs célèbres statues de pierre, pour les transformer en terres agricoles, pour bâtir des pirogues afin de pêcher en haute mer, pour se chauffer, pour cuisiner, etc. La déforestation a été telle que l’île s’est retrouvée presque totalement dépourvue d’arbres au cours seizième siècle.

Le manque d’arbres a donc paralysé la construction de pirogues, ce qui a entraîné une pénurie de ressources alimentaires issues de la mer. Le manque d’arbres a aussi induit une détérioration de la qualité des sols, notamment une érosion des sols, ce qui a diminué les rendements agricoles. Finalement, il a provoqué une réduction du nombre  d’oiseaux, donc une perte de ressource alimentaire, et une réduction des fruits disponibles : pommes roses, noix du palmier et fruits sauvages.

On peut facilement imaginer les vives tensions qu’ont entraînées de telles réductions des disponibilités alimentaires.  De fait, la société pascuane a connu la famine, elle a vu sa population diminuer, et, à l’extrême, a mené au cannibalisme.

Les grandes civilisations peuvent aussi s’effondrer

L’île de Pâques est un cas extrême puisqu’il s’agit d’une petite société qui s’est effondrée presque uniquement du fait d’une dégradation environnementale. Mais d’autres sociétés, plus grandes et plus complexes, ont aussi disparu, par exemple les Anasazis au sud-ouest des États-Unis, les Vikings du Groenland et les Mayas. Ce dernier exemple montre que même les sociétés les plus organisées et développées peuvent aussi disparaître et qu’une gestion inadéquate de l’environnement peut très fortement y contribuer.

La société maya a ainsi connu une croissance démographique que ses ressources ne pouvaient soutenir. Comme pour nombre de sociétés, la déforestation a été un fléau qui a conduit à l’érosion des sols, et conséquemment à un appauvrissement nutritionnel dans un contexte démographique qui nécessitait un enrichissement. L’obtention de terres a ainsi été l’objet de conflits et de guerres internes qui ont fragilisées la civilisation. Une pluviosité irrégulière, donc une disponibilité de l’eau parfois chaotique, et surtout de graves sécheresses ont amplifié ces problèmes et ont fini par conduire à l’effondrement, un processus qui s’est en fait déroulé sur plusieurs périodes. Enfin, il s’avère que les dirigeants n’ont pas su apporter une réponse appropriée aux crises environnementales qui sévissaient.

La détérioration de l’environnement affecte aussi les sociétés contemporaines

Gérer les ressources a de tout temps représenté un défi extrêmement complexe. Ça l’est encore aujourd’hui ainsi que l’attestent de nombreux indicateurs. Les conditions climatiques et écologiques du milieu où sont situées les civilisations étant plus ou moins favorables, il est imprudent de porter un jugement sur la manière dont les peuples ont tenté de préserver le capital naturel avant nous. L’image romantique des peuples du passé conscientisés et vivant en harmonie avec la nature est erronée. Par ailleurs, ce n’était pas non plus des individus insouciants qui ne pensaient qu’à la satisfaction de leurs propres besoins. Comme aujourd’hui, les problèmes environnementaux sont les conséquences dramatiques, imprévues et involontaires des meilleurs efforts visant à vivre bien.

Les crises environnementales des civilisations du passé sont les mêmes ou sont similaires à celles des sociétés contemporaines, notamment celles d’Haïti, de la Chine, de l’Australie ou du Rwanda. Dans ce dernier cas, les dommages environnementaux, associés à la forte croissance démographique, ont engendrés une forte compétition pour la possession de terres, exacerbant les tensions ethniques endémiques et la motivation des massacres.

Lire la suite : Pourquoi certaines sociétés sont soutenables et d’autres non ? >>

Source :

1 J. Diamond, Effondrement – Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (2005) Gallimard, Folio Essais,

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