L’exemple le plus commun de contrat qui permet de capitaliser grâce à un titre de propriété est le crédit. Comme nous l’avons vu ailleurs, c’est sur ce principe qu’ont été financés par les grands propriétaires terriens les grands voyages d’exploration du 15e et 16e siècle. De façon plus générale, dans la relation de crédit, le créditeur engage la sécurité que lui procure sa propriété pour permettre au créditeur d’obtenir des fonds. Ceux-ci lui permettront par exemple d’investir dans des activités de développement. Dans les faits, le créditeur convertit son titre de propriété en monnaie et la prête au débiteur, tout en continuant d’exploiter les aspects matériels de sa propriété. Le titre de propriété peut en effet être engagé dans un processus de capitalisation immatériel tout en pouvant poursuivre l’exploitation matérielle de la propriété et ainsi d’en retirer un revenu. C’est sur le même principe qu’il est possible de mettre sa demeure en gage tout en continuant à habiter dedans [1]. La possibilité de capitaliser sur l’aspect immatériel des propriétés constitue un principe endogène permettant la création de richesse économique.
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Par ailleurs, dans la relation de crédit, le créditeur met en gage sa propre propriété pour assurer sa solvabilité. Le crédit ne peut donc s’établir qu’entre propriétaires. De plus, pour compenser le créditeur, le débiteur doit rembourser son emprunt avec des intérêts, et ce dans un laps de temps déterminé. Par suite, le débiteur, à travers les activités de développement et d’innovation que son prêt autorise, est dans la nécessité de faire des profits. Autrement dit, le créditeur est assujetti à trois contraintes obligatoires : une astreinte de solvabilité, une astreinte de profitabilité et une astreinte temporelle, trois nécessités qui imposent de facto la croissance économique. Le système capitaliste, donc, basé qu’il est sur un régime de propriété, contient de façon endogène des principes fondamentaux qui commandent spontanément le développement économique. La possibilité de pouvoir tirer parti simultanément de l’aspect immatériel et matériel représente un processus cumulatif d’enrichissement du propriétaire : en effet, un rendement matériel plus élevé se traduit en général par une capacité de revenus plus élevée par capitalisation, ce qui ainsi permet d’investir dans des activités qui elles-mêmes augmentent la productivité matérielle, etc.
Non seulement les contraintes liées au crédit s’appliquent aux propriétaires, mais les États y sont également soumis s’ils y font appel quand ils ne parviennent pas à financer leurs activités seulement à partir de ses revenus et impôts, par l’exploitation de ses ressources naturelles, par le développement économique de ses entreprises et/ou par la stimulation de la consommation. Les impératifs du crédit ont alors les mêmes conséquences sur l’économie. Globalement, du fait du régime de propriété, c’est l’ensemble de la société qui est donc forcée de contribuer à la croissance économique, chaque secteur étant assujetti aux contraintes du crédit. Les particuliers sont aussi soumis au crédit, mais une forme de crédit différente. Il s’agit dans ce cas du crédit à la consommation et qui permet à un individu d’obtenir un montant d’argent s’il est solvable et de se procurer des biens de consommation. Cette forme de crédit incite les individus à consommer sans épargne préalable, et plus qu’ils ne le feraient juste avec l’argent dont ils disposent. Parfois, ils se sentent obligés de prendre de nouveaux crédits pour réussir à rembourser les premiers, un mécanisme conduisant à l’endettement des ménages.
Références
[1] P. van Griethuysen, La propriété, moteur de la mondialisation. Solidaire 172 10-12 (2003).