Dans cet article, vous pourrez découvrir le fonctionnement et le rôle du BAPE.
Le 13 novembre dernier a eu lieu au pavillon Pouliot une conférence donnée par Me Pierre Renaud*, Président du Bureau d’Audience Publique sur l’Environnement (BAPE), et ce dans le cadre du cours de Me Benoit Fournier, professeur au département de géologie.
La conférence intitulée « participation publique et développement durable » portait principalement sur le BAPE et son fonctionnement. La conférence a été très claire et très vivante. Elle a suscité de nombreuses questions. Ce fut une excellente occasion de mieux connaître une partie de nos institutions en ce qui à trait à l’environnement
Rappelons que le BAPE est un organisme qui relève du ministre du développement durable, de l’environnement et des parcs, et qui permet aux citoyens de s’informer et de s’exprimer sur les conséquences environnementales d’un projet ou sur ses impacts sur la santé.
Me Renaud a d’abord rappelé que c’est nous tous, les citoyens, qui avons causé et causons encore aujourd’hui les problèmes liés à l’environnement sur la planète, notamment le réchauffement planétaire. Nos activités et notre consommation sont à l’origine du problème environnemental en général, et de la production des gaz à effet de serre en particulier. Mais, comme le souligne Me Renaud, si nous avons créé le problème (environnemental), nous pouvons aussi créer la solution. Comme le dit Me Renaud, « par nos actions des problèmes ont surgi, par nos actions nous trouverons des solutions ».
Me Renaud a ensuite abordé les thèmes suivants :
Historique de la réglementation environnementale au Québec
Les faits marquants institutionnels en matière d’environnement sont :
- 1972 : Loi sur la qualité de l’environnement (notamment les articles 20 et 22) http://www.bape.gouv.qc.ca/sections/documentation/cQ-2.pdf
- 1978 : Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement
- 1981 : entrée en vigueur du Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement (définition des projets assujettis) : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=3&file=/Q_2/Q2R9.htm
- 2006 : Loi sur le développement durable : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2006C3F.PDF
Les différentes phases d’un projet
On entend ici par « projet », un projet de type industriel ou de construction, quel qu’il soit, qui est susceptible d’avoir un impact sur l’environnement, et qui est assujetti au processus d’évaluation environnemental.
Quand un promoteur envisage la réalisation d’un tel projet au Québec, différentes étapes doivent être suivies :
Phase 1
Le promoteur avise le ministre de son intention de mettre un projet en chantier
Phase 2
- Le ministre lui demande dans une directive de faire une étude d’impact qui contient des éléments concernant les répercussions (attendues ou éventuelles) du projet sur santé ou environnement, et les mesures envisagées pour les éviter ou les minimiser.
- Le promoteur remet son étude d’impact au ministre.
- Cette étude est évaluée par les ministères concernés. Si elle ne satisfait pas aux exigences de la directive, elle sera retournée au promoteur pour être complétée/améliorée. Ce n’est que lorsque l’étude satisfait en tout point les exigences que le BAPE entre en jeu.
Phase 3
- Le BAPE est alors mandaté par le ministre pour tenir une période d’information et de consultationdu dossier par le public au cours de laquelle le BAPE tient un séance d’information sur le projet, devant public, et en présence du promoteur. Cette période d’information est de 45 jours, à l’issue de laquelle le BAPE remet un compte-rendu au ministre
- Toute personne, groupe, municipalité ou organisme peut, à l’intérieur de ces 45 jours, et par courrier, demander une audience publique concernant ce dossier. Si personne ne se manifeste, le rôle du BAPE se termine et le ministre peut poursuivre son analyse environnementale.
- Sinon, le BAPE fait une enquête (durant 4 mois) et organise une audience publique au cours desquels les individus s’informent et s’expriment. Dans certains cas, le ministre peut demander au BAPE de jouer un rôle de médiation.
Phase 4
Simultanément à la commission d’enquête et à l’audience publique, le ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs réalise une analyse environnementale du projet.
Phase 5
À la fin des 4 mois au plus tard, le BAPE remet un rapport au ministre en son mandat est terminé. La décision finale concernant le projet est prise par le conseil des ministres en se basant sur les recommandations du ministre du développement durable, de l’environnement et des parcs.
Phase 6
Il s’agit de la phase de contrôle : surveillance, contrôle et suivi par le ministère.
Le BAPE comme organisme
Le BAPE est un organisme permanent dont la mission est de mener des enquêtes et d’organiser des consultations. Il relève du ministre du développement durable, de l’environnement et des parcs. Il est important de noter que le BAPE est un organisme non décisionnel, comme on l’a vu plus haut, et qu’il ne peut se saisir de lui-même d’un dossier. Ce pouvoir revient au ministre.
Son champ d’action se situe au Québec, en dessous du 49ième parallèle.
Comme l’indique Me Renaud, « la mission du BAPE est d’éclairer la prise de décision gouvernementale dans une perspective de développement durable, lequel englobe les aspects biophysique, social et économique ». Pour ce faire, le BAPE informe, enquête et consulte les citoyens. Il produit des rapports qui sont rendus publiques. Le BAPE a donc deux mandats administratifs, un mandat d’information (informer la population) et un mandat d’enquête (enquêter et consulter la population).
Le BAPE est composé de 7 membres dont un président et un vice-président. Ils sont tous nommés par le conseil des ministres. Leur mandat est d’une durée de 5 ans.
Les membres doivent suivre un code de déontologie dont les points majeurs sont :
- Agir dans l’intérêt public avec équité, intégrité, dignité, honneur et impartialité
- Éviter les activités incompatibles et les gestes pouvant nuire à la crédibilité
- Neutralité politique
En cas de vide juridique, les valeurs éthiques du BAPE peuvent prendre le relais. Ces valeurs sont :
le respect, l’impartialité, l’équité et la vigilance (veiller au respect du développement durable)
Me Renaud fait valoir que le BAPE comme organisation et le processus démocratique sur lequel il repose font l’envie d’autres pays.
Les commissions d’enquête du BAPE
Les commissions d’enquête sont composées de membres du Bureau nommés à temps plein ou à temps partiel. Leur mandat est limité aux de 4 mois d’enquête. Ils ont l’immunité et les pouvoirs que leur confère la Loi sur les commissions d’enquête. Il est à noté que durant la commission d’enquête aucun membre ne peut parler avec les journalistes.
Les commissions d’enquête sont assistées par 10-15 analystes qui sont au moins titulaires d’un diplôme de deuxième cycle.
Le plan d’action de développement durable du BAPE
Me Renaud a attiré l’attention de l’auditoire sur le fait que pour la période 2008-2012, le BAPE compte intégrer le développement durable à ses activités (voir le plan d’action de développement durable 2008-2013). En effet, Me Renaud rappelle que le gouvernement du Québec s’est doté en 2006 d’une Loi sur le développement durable (voir aussi le résumé de cette loi et les principes sur lesquels elle repose). Me Renaud souligne au passage que moins de 10 pays se sont dotés d’une telle loi.
Deux principaux aspects sont considérés par le BAPE : contribuer à la réalisation du plan gouvernemental de sensibilisation et de formation des personnels de l’administration publique (action 1), et appliquer de façon systématique les principes de développement durable au sein de l’organisme et dans les travaux des commissions d’enquête (action 2).
Me Renaud a terminé sa présentation en concluant que le BAPE est « un outil de démocratie et de développement durable qui donne le droit de parole à la population dans l’évaluation des projets qui peuvent avoir des incidences sur le milieu de vie ». Le BAPE se veut ainsi « un instrument efficace pour éclairer les décideurs et pour s’assurer que l’implantation des projets tienne compte des attentes et des valeurs des populations concernées ».
Pour de plus amples informations, voir le site du BAPE.
* Biographie de Me Renaud (cette biographie est fortement inspirée de celle que l’on peut lire sur le site internet du BAPE).
Me Renaud est avocat spécialisé en droit de l’environnement. Il a suivi des cours en droit international et est détenteur d’une maîtrise en administration publique. Me Renaud a occupé diverses fonctions liées à la protection de l’environnement : il a été conseiller juridique au ministère de l’Environnement de 1987 à 1989, membre à temps plein au BAPE de 1993 à 1996, et vice-président de Conservation de la nature de 2001 à 2007 où il a notamment participé à la préservation de l’aire naturelle des Monts-Sutton.
De 1987 à 1999, il a été chargé de cours au baccalauréat en droit de l’environnement à l’UQAM ainsi qu’à la maîtrise en environnement à l’Université de Sherbrooke de 1993 à 1999. Me Renaud a également siégé comme membre au Conseil de la conservation et de l’environnement (1990-1993) où il a présidé les comités pour l’élaboration de l’avis sur le développement durable et l’administration publique québécoise et l’avis sur la protection des boisés urbains. En 1997, il recevait le prix du meilleur article étranger 1996 par la Revue générale des routes (Paris, France) pour l’article intitulé « la médiation et les conflits entourant les projets d’infrastructures routières ». Me Renaud est président du BAPE depuis le 9 octobre 2007.