En juin dernier a eu lieu un grand rassemblement de chefs d’États sous l’égide de l’ONU à Rio afin d’établir un calendrier international visant à rendre nos sociétés viables. Cette réunion, la Conférence des nations unies pour le développement durable ou Sommet de la Terre, aussi appelée Rio+20, est l’aboutissement d’un processus de négociations diplomatiques internationales de 2 ans. L’objectif principal était d’insuffler pour les 20 prochaines années un nouvel élan à l’implantation du développement durable à l’échelle mondiale. C’était également le 20ième anniversaire du sommet de la Terre de Rio de 1992, qui avait suscité beaucoup d’espoirs et qui s’était concrétisé par l’adoption du programme Agenda 21 et de trois importantes conventions (changements climatiques, la biodiversité et la désertification) qui donnent lieu chaque année à d’autres négociations entre États.
L’économie verte et le cadre institutionnel du développement durable ont été désignés thèmes principaux de la Conférence. Les organisateurs souhaitaient ainsi inciter les États à réduire drastiquement l’empreinte écologique de nos sociétés et à renforcer la gouvernance du développement durable. Les résultats de Rio+20 se trouvent réunit dans un Document de résultats issu des négociations entre États (Outcome document) intitulé « l’avenir que nous voulons » (« The Future We Want »).
Critique d’un échec annoncé
Quelques mois avant la Conférence proprement dite, le processus de préparation laissait déjà voir qu’il ne faudrait pas avoir de grandes attentes de cet événement, les États montrant de grandes divergences sur les différents enjeux. Un texte composé du minimum de ce qui était acceptable par l’ensemble des pays fût proposé in extremis juste avant la Conférence. L’événement fut de plus marqué par l’absence notable de certains chefs d’État importants (Obama, Merkel, Harper, etc.), qui ne voyaient pas dans cet événement un intérêt majeur.
Les craintes initiales se sont hélas confirmées. Le Outcome document final manque cruellement d’envergure au regard de l’état de détérioration avancée de la planète. Les États n’y reconnaissent même pas l’échec de leur incapacité (et/ou absence de volonté) à contrecarrer la dégradation mondiale de l’environnement et la réduction de l’écart entre les riches et les pauvres, notamment entre les pays du Nord et ceux du sud. Le document ressemble à une gentille énumération de louables intentions qui donne bonne conscience, et ne suscite pas l’enthousiasme international espéré initialement, ce qui représente peut-être le plus grand échec de cette Conférence.
Hormis quelques avancées d’ordre technique, la réaffirmation d’anciens engagements (tels que l’importance du savoir traditionnel, des transferts de connaissances, de la société civile et des grands groupes, etc.) ainsi que la reconnaissance de nouveaux enjeux (villes, consommation soutenable, etc.), le Document contient des objectifs vagues et pêche par l’absence de cibles contraignantes et d’engagements financiers fermes.
Sur les deux thèmes de Rio+20, ainsi que le laissait déjà entrevoir la préparation de la Conférence, les progrès sont décevants. L’économie verte n’aura pas reçu d’engagements en faveur de sa réalisation prochaine. Le concept d’économie verte, qui n’a toujours pas reçu de définition consensuelle, suscite en effet des craintes qu’il ne se traduise en protectionnisme, que les pays à forte capacité technologique exerce une trop forte domination et que l’on marchandise le capital naturel.
Le thème de la gouvernance ne se concrétisera pas par une future Organisation mondiale de l’environnement équivalente à l’OMC, telle qu’appelée de leurs vœux par certains. Rio+20 se sera soldé par le renforcement du PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement), notamment par un membership plus universel et financement mieux assuré. Il a également été décidé de convertir la CDD (Commission pour le développement durable) en un « Forum politique de haut niveau ». Difficile d’évaluer les retombées de cette transformation qui pourrait être bénéfique à long terme.
Une agréable surprise aurait pu venir de l’adoption d’Objectifs du développement durable (ODD), comme le laissait entrevoir les négociations à quelques semaines de la tenue de l’événement. Jeffrey Sachs, conseiller auprès des Nations unies pour les Objectifs du millénaire pour le développement, les a défendu bec et ongles, car ils lui semblaient être le meilleur moyen de « sauver » la Conférence et déclencher un véritable enthousiasme pour le développement durable auprès de la société civile. En fin de compte, l’établissement de ces Objectifs est remis à 2015 pour prendre la suite des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
Les points positifs
Au-delà du décevant Document de résultats, Rio+20, comme les autres sommets de la terre, a aussi été l’occasion d’une impressionnante et rassurante mobilisation de la société civile, des ONG, du secteur privé et des scientifiques, ce qui aura probablement des répercussions importantes dans les années à venir. Au total, c’est 513 milliards $ d’engagements qui ont été pris aussi bien par le secteur public que le secteur privé.
Rio+20 a rassemblé des milliers de personnes venant des quatre coins de la planète (40 000 en tout) qui ne se seraient jamais rencontrées autrement, donnant lieu à de multiples interactions, un grand brassage d’idées, des revendications multiples et l’établissement de nouveaux réseaux visant à constituer un avenir meilleur. Ces rencontres vont se traduire dans le futur en actions concrètes partout sur le globe, et grâce à Rio+20, au moins la motivation pour une humanité viable s’est-elle vue donner un nouveau souffle. Mais ce mouvement « du bas vers le haut » (bottom-up) suffira-t-il à résoudre les crises actuelles ?
Rio+20 a aussi vu par ailleurs le lancement de différentes initiatives d’envergure intéressantes. C’est le cas par exemple de la Déclaration sur le capital naturel, une initiative du secteur financier visant à intégrer les coûts associés au capital naturel dans les affaires (voir l’Initiative canadienne, IISD).
La Conférence a été précédée par un passionnant forum sur le rôle de la science dans le développement durable et le lancement du projet La Terre de l’avenir (Future Earth), une initiative internationale de scientifiques étalée sur 10 ans qui visera à développer des connaissances transdisciplinaires pour examiner et présenter des options adaptées et efficaces relativement aux risques et aux occasions sous-tendues par les transformations globales de l’environnement et pour favoriser dans les décennies à venir la transition vers un développement véritablement viable.
Enfin, les Nations unies ont renforcé l’engagement envers l’initiative Énergie renouvelable pour tous (Energy for all) pour un accès universel à l’énergie et ayant pour objectif de doubler d’ici 2030 l’efficacité et la proportion des énergies renouvelables du parc énergétique mondial. En effet, la sécurité énergétique et les énergies renouvelables sont unanimement reconnues comme des enjeux prioritaires de nos sociétés. Des engagements de 14 pays ont été annoncés à l’occasion de Rio+20.
Malgré ces rares bons côtés, Rio+20 restera très probablement comme un événement raté au point de vue des négociations internationales, qui vient ainsi rejoindre l’échec de la Conférence de Copenhague de 2009 sur les changements climatiques (COP15) et les maigres d’avancées des autres conférences du même type, alors que l’état de la planète tel que décrit par les données scientifiques se révèle pour le moins alarmant.