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Aérosols atmosphériques et réchauffement planétaire

Les aérosols sont des particules solides ou liquides, de différente nature, ayant une taille comprise entre 0,1 et 10 mm (1 mm = 1 millième de millimètre), qui sont en suspension dans l’atmosphère terrestre. Ils peuvent être d’origine naturelle ou anthropique et influencent le climat, et ce de différentes façons :

  • directement en diffusant ou en absorbant les radiations
  • indirectement en modifiant les propriétés optiques des nuages. Plus précisément en modifiant le nombre, la taille ou le temps de résidence des gouttelettes d’eau et des cristaux de glace qui composent les nuages.

Globalement, les aérosols anthropiques atténuent de façon significative le réchauffement planétaire causé par les activités humaines (gaz à effet de serre (GES), déforestation).

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Nature des aérosols

Les aérosols peuvent être d’origine naturelle ou humaine. Les deux jouent un rôle sur le climat.

Les aérosols naturels

Les principaux aérosols naturels sont les particules de sel de mer, les poussières du sol transportées par le vent, les sulfates naturels, et les aérosols résultant de l’activité volcanique et ceux résultant des feux de forêt d’origine naturelle (carbone noir).

L’abondance naturelle de ces types d’aérosols peut être modifiée par les activités humaines. Par exemple, la déforestation, qui expose de plus grandes surfaces de terre, accroît la quantité de poussières dans l’atmosphère.

Aérosols d’origine humaine

Les principaux aérosols d’origine anthropique sont les sulfates et les nitrates, les aérosols carbonés (particules de carbone noir, suie et carbone organique) et les poussières minérales. Beaucoup sont issus de la combustion des énergies fossiles.

Les sulfates sont des particules d’acide sulfurique neutralisées partiellement ou totalement par de l’ammoniac, qui se présentent sous forme de gouttes liquides ou partiellement cristallisées. Les nitrates se forment à partir d’acide nitrique et, encore une fois, d’ammoniac.

Les carbones organiques (organic carbon) sont des mélanges complexes de substances chimiques issues de la combustion des énergies fossiles et des biocarburants. Ils sont formés directement (particules primaires) ou résultent de la condensation de gaz organiques semi-volatiles ou faiblement volatiles (particules secondaires).

Les carbones noirs (black carbon), parmi lesquels la suie et le charbon, sont des substances noirâtres, solides ou goudronneuses, qui sont particulièrement riches en carbone. Ce sont des particules primaires résultant de la combustion incomplète des énergies fossiles et de la biomasse.

Les poussières minérales ont pour principale origine l’agriculture (moissonnage, labourage, accroissement des terres de pâturages), l’industrie (production et transport du ciment) et la modification de la surface des grands plans d’eau (mers d’Aral et caspienne, lac Owens).

Finalement, les aérosols peuvent également se mélanger et se retrouver sous forme de mélanges complexes, par exemple des particules formées d’un cœur de carbone noire, de poussière ou sel de mer, et enrobées de carbone organique, de sulfates ou de nitrates. La formation des aérosols est également influencée par l’humidité du milieu. Par suite, les aérosols ont des propriétés optiques et des tailles complexes et difficiles à évaluer.

Les aérosols interagissent avec la lumière et les nuages

Longtemps considérée comme marginal, la répercussion des aérosols sur le climat est depuis plusieurs années l’objet d’une grande attention de la part des scientifiques, car on se rend compte que l’amplitude de son effet est considérable.

Effet direct

Les effets directs sont liés aux propriétés optiques des aérosols de diffuser la lumière et/ou de l’absorber.

Beaucoup d’aérosols réfléchissent les rayons du Soleil. Les sulfates et les nitrates purs, par exemple, réfléchissent totalement la lumière du Soleil qu’ils reçoivent (i.e., ne l’absorbent pas). Par suite, ces radiations solaires ne réchauffent pas l’atmosphère et n’atteignent pas la surface terrestre. L’effet de ces aérosols est donc de « refroidir » la planète (un forçage radiatif négatif qui atténue le réchauffement induit par les autres activités humaines). Cette propriété de réflectivité est caractérisée par l’albédo intrinsèque de l’aérosol.

Les aérosols qui absorbent partiellement ou totalement la lumière visible du Soleil réchauffent localement l’atmosphère (forçage radiatif positif) mais empêchent également les rayons solaires d’atteindre la surface terrestre (forçage radiatif négatif). L’absorptivité des aérosols est caractérisée par leur coefficient d’extinction spécifique. Les aérosols carbonés sont des exemples de particules absorbant le rayonnement.

L’albédo des sulfates est de 1 (réflectivité totale), alors qu’il est de 0,2 pour le carbone noir (réflectivité faible). Ce dernier va donc absorber une partie de la lumière. Mais l’effet des aérosols sur le climat ne dépend pas que de la valeur intrinsèque de leur albédo, il dépend également du type de surface terrestre que l’on considère. Si une particule absorbe suffisamment les radiations solaires, elle peut les réfléchir moins que ne le ferait une surface claire qui serait située en dessous comme un couvert neigeux, un glacier voire un désert. Les aérosols auraient donc comme effet d’accroître le forçage radiatif anthropique. Par contre, son effet peut être de diminuer le forçage radiatif si les aérosols sont situés au-dessus d’une surface sombre comme une forêt ou les océans. Ainsi, une variation de l’albédo de 0,9 à 0,8 peut modifier de beaucoup la valeur absolue du forçage radiatif dans une région et même le faire passer de négatif à positif !

La majeure partie des aérosols naturels étant non absorbants, leur présence compense souvent une partie du réchauffement dû aux GES (LIEN) et aux aérosols qui absorbent les radiations.

Les effets des aérosols sur les rayonnements aux longueurs d’ondes élevées (dans le spectre infrarouge du spectre électromagnétique) semblent être négligeables sauf dans le cas des poussières.

Effet indirect

Il y a deux effets indirects attribués à la présence des aérosols. Ils modifient les propriétés microphysiques des nuages, et par suite leurs propriétés optiques, leur proportion et leur durée de vie. Ces modifications induites par les aérosols dépendent de sa capacité à agir comme noyau de condensation pour les gouttes d’eau ou les cristaux de glace. Les effets indirects sont schématisés sur la figure ci-dessous :

Aerosols Effets indirects
Effets indirects des aérosols sur les nuages (source : GIEC, 4ième rapport, chp. 2, 2007). Les points noirs représentent les aérosols. Les cercles blancs représentent les gouttes d’eau. Les plus petites résultent de la présence des aérosols. Les flèches représentent les radiations et leur épaisseur l’intensité diffusée. Les traits pointillés gris représentent les précipitations et l’épaisseur des traits leur intensité.

Le premier effet indirect cause une augmentation de la concentration de gouttelettes d’eau ou des cristaux de glace pour une quantité d’eau constante à l’intérieur du nuage (plus de petites gouttelettes, moins de grosses gouttelettes). Ces gouttelettes, présentes en plus grande proportion, réfléchissent davantage les rayonnements solaires (modification des propriétés optiques des nuages). Cet effet est également appelé effet de l’albédo des nuages ou effet de Twoney.

Le second effet indirect, ou effet de durée de vie des nuages ou encore effet d’Albrecht, se traduit par des changements dans la persistance des nuages ou leur hauteur. L’allongement du temps de résidence des gouttelettes d’eau dans les nuages est relié à la capacité des aérosols d’induire la nucléation de très petites particules d’eau qui auront une faible probabilité de coalescer et donc de tomber sous forme de pluie. Cette augmentation de la durée de vie des nuages se manifeste à nouveau par une augmentation de la réflexion des rayons solaires.

Un troisième effet, dit semi-indirect, est dû au réchauffement de la troposphère par les aérosols, notamment les carbones noirs, un réchauffement qui altère l’humidité relative et la stabilité de cette couche atmosphérique et qui, en fin de compte, affecte la formation des nuages.

Impact des aérosols sur le réchauffement planétaire

Selon le 4ième rapport du GIEC, l’évaluation de l’impact global des aérosols sur le forçage radiatif est la suivante :

  • Effets directs : -0,5 W/m2 (minimum -0,9 W/m2 maximum -0,1 W/m2
  • Effets indirects : -0,7 W/m2 (minimum -1,8 W/m2, maximum -0,3 W/m<2

Rappelons que le forçage radiatif dû aux principaux GES (CO2, méthane et N2O) est de +2,3 W/m2 (minimum +2,1 W/m2, maximum +2,5 W/m2). La figure ci-dessous rappelle les différentes contributions au réchauffement climatique des activités humaines.

Bilan forcage radiatif
Bilan du forçage radiatif des GES et des aérosols (source : GIEC, 4ième rapport, chp. 2, 2007).

Cependant, les aérosols ont globalement un forçage radiatif substantiel qui est du même ordre de grandeur que celui dû aux GES. Ce forçage radiatif est négatif : il tend à contrebalancer le réchauffement planétaire résultant de l’augmentation des GES dans l’atmosphère et de la déforestation. Cette atténuation du réchauffement planétaire par les aérosols est estimée à 50%. On peut associer l’effet des aérosols à une augmentation de l’albédo moyen de la Terre.

L’évaluation de l’impact global des aérosols est plus facile et donne des valeurs plus solides que lorsqu’on considère les aérosols individuellement. Les chercheurs tentent néanmoins de quantifier le forçage radiatif des différents types d’aérosols. Par exemple, on a les estimations suivantes pour le forçage radiatif moyen de différents aérosols :

  • sulfates : -0,4 ± 0,2 W/m2
  • carbones organiques : -0,05 ± 0,05 W/m<2
  • carbones noirs issus des énergies fossiles : +0,2 ± 0,15 W/m2
  • nitrates : -0,10 ± 0,10 W/m2
  • poussières minérales : -0,10 ± 0,20 W/m2

La grande incertitude sur ces valeurs vient de la difficulté à estimer les quantités des aérosols émis par les activités humaines.

Aerosols-Forcage radiatif
Forçage radiatif des différents aérosols (source : GIEC, 4ième rapport, chp. 2, 2007).

Les aérosols ont d’autres impacts sur le climat

Le second effet indirect des aérosols, en conduisant à une augmentation du temps de résidence de l’eau dans les nuages, se traduit globalement par une diminution des précipitations dans les régions dont les concentrations en aérosols sont élevées. Il semble que de façon générale, les nuages contiennent sensiblement la même proportion d’eau, qu’ils soient pollués ou non. Cependant, du fait de la présence des aérosols, la taille des gouttelettes passe en dessous d’une valeur critique de 14 mm qui entrave le processus de précipitation. Il pleut donc moins au-dessous des zones atmosphériques polluées. De façon similaire, les aérosols diminuent la température de cristallisation de l’eau surfondue, réduisent la précipitation des cristaux de glace et diminue le régime des précipitations solides.

En plus de perturber le climat local, ces baisses de précipitations conduisent à des modifications de la quantité d’eau atmosphériques, de la répartition verticale de l’eau, des transferts de chaleur dans l’atmosphère, et donc à une perturbation du cycle hydrologique terrestre.

L’évaluation de l’impact des aérosols

On a vu ci-dessus que l’évaluation quantitative de l’impact des aérosols est particulièrement complexe, car il est difficile de séparer la contribution des aérosols naturels de celle des aérosols anthropiques. La mesure est également complexe du fait de la difficulté à connaître la distribution de tailles et de forme des aérosols, qui sont souvent des particules composites. Les aérosols ne sont pas non plus distribués uniformément autour du globe. Leur variation géographique autour de la planète, leur répartition en altitude, ainsi que leurs variations temporelles rendent les mesures et les prédictions compliquées. Cependant, ces données sont cruciales pour pouvoir prédire la température planétaire future et optimiser les mesures que les états vont avoir à déployer pour enrayer le réchauffement climatique.

Par ailleurs, les aérosols ont également une courte durée de vie contrairement à la plupart des GES. Leur effet peut donc facilement être éliminé, alors que la plupart des GES s’accumulent dans l’atmosphère. Ces paramètres doivent également être pris en compte pour maximiser l’efficacité des mesures d’atténuation du réchauffement planétaire.

Bibliographie :

  • GIEC, four assessment report, the physical basis, chp. 2 (2007).
  • Ramanathan V., Crutzen P. J., Kiehl, J. T. Et Rosenfeld D. Aerosols, climate and the hydrological cycle, Science 294 (2001) 2119-2124.
  • Charlson R. J., Schwartz S. E., Hales J. M., Cess R. D., Coakley Jr. J. A., Hansen J. E. et D. J. Hofmann Climate forcing by atmospheric aerosols, Science 255 (1992) 423-430.
  • Shine K. P. et de F. Forster P.M. The effect of human activity on radiative forcing of climate change: a review of recent developments, Global and Planetary Change 20 (1999) 205–225.

 

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