par Patrick Provost, Professeur, et Thierry Lefèvre, Professionnel de recherche, Université Laval et co-coordonnateurs Des Universitaires (https://desuniversitaires.org/)
Le contenu de cet article et le numéro spécial de la Collection annuelle Des Universitaires dont il est question ont été présentés lors des consultations du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement le 27 octobre 2020.
« Des Universitaires se prononcent sur GNL Québec » est le titre du numéro spécial de la Collection annuelle Des Universitaires1 que nous lançons officiellement aujourd’hui. Cet ouvrage numérique gratuit, dérivé du Tome 12, peut être téléchargé de notre site Web (https://desuniversitaires.org/collection-du/collection-du-tome-1-numero-special-gnl-quebec/) et partagé librement. Il vise à faire connaître la position exprimée par plusieurs membres de notre regroupement, qui, au cours des derniers mois, se sont prononcés sur ce projet. Ce document sera déposé comme mémoire auprès du BAPE sur Énergie Saguenay.
Le rôle des scientifiques
Des experts membres Des Universitaires de tous les horizons ont examiné le projet GNL Québec sous différents angles, en particulier des points de vue énergétique, environnemental et économique. Le constat est unanime : aucun avis de ces scientifiques ne penche en faveur de ce projet.
Car, il s’agit bien ici d’avis d’experts, et non de simples opinions émises par des personnes peu, pas ou mal informées.
Ces experts ont décidé de descendre de leur tour d’ivoire2 et de partager leur expertise auprès du grand public et des décideurs politiques via les médias généralistes, comme Le Soleil. Au service de la population et du bien commun, ils le font pour présenter et communiquer la science, des propositions et des avis basés sur les connaissances scientifiques. Que cela plaise ou dérange.
Ces experts universitaires ont la particularité unique de pouvoir bénéficier d’indépendance, de liberté académique et de liberté d’expression. Plus important encore, ils sont, pour la grande majorité, dépourvus de tout conflit d’intérêts.
Les Universitaires estiment qu’ils ont le sens de l’éthique et le devoir de communiquer leur savoir et de mettre leur expertise au profit de la population qu’ils servent. Et, surtout, d’assumer le rôle social et le leadership que la société est en droit de s’attendre de leur part, afin que leurs connaissances et les dernières avancées scientifiques soient à la base des décisions politiques et servent à préserver, voire améliorer, la santé, la sécurité, la qualité de vie et l’avenir des populations. C’est dans ce cadre que s’inscrivent nos interventions, sur la place publique, dans les dossiers GNL Québec et Énergie Saguenay.
La nécessité d’une réelle transition énergétique
Sécheresse et feux de forêt sans précédents en Californie, canicules en Sibérie, fonte accélérée des glaciers, crise sanitaire, phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents; notre monde est bousculé par une succession de catastrophes naturelles. On doit même avoir recours à l’alphabet grec pour nommer les tempêtes tropicales en nombre croissant qui prennent naissance dans l’Atlantique Nord, un phénomène qui, selon les scientifiques, est directement relié aux changements climatiques.
Les dérèglements climatiques, la destruction soutenue de l’environnement et l’effondrement de la biodiversité sont tels qu’il est maintenant urgent de prendre des mesures d’une ampleur inédite afin de protéger les écosystèmes réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) et résoudre l’urgence climatique qui menace le bien-être et l’avenir des populations, voire la survie même de l’Humanité.
La portée de nos décisions et les impacts de projets comme Énergie Saguenay vont bien au-delà des limites spatiale, temporelle, sanitaire et biologique inscrites dans le mandat des organisations chargées de les examiner. Une évaluation de ces projets par une vision trop étriquée et court-termiste pourrait mener à leur approbation, même s’ils sont climaticides.
Il est inquiétant pour la démocratie que des élu.e.s du gouvernement du Québec, y compris le premier ministre, se prononcent en faveur du projet avant même de connaître les conclusions du BAPE, laissant entendre que les enjeux qui y sont discutés leur importent peu ou pas, et que les jeux sont déjà faits.
Alors que dans le monde universitaire, la rigueur scientifique est de mise et les avancées souvent communiquées auprès des pairs via les revues scientifiques révisées par les pairs, les grandes entreprises du secteur privé à la recherche de contrats publics ou d’approbations gouvernementales de leurs projets utilisent souvent d’autres stratégies qui visent, avant tout, à influencer l’opinion publique et les décideurs politiques: recrutement et rémunération d’experts, commandite d’études ou de sondage taillés sur mesure, stratégies élaborées par des experts en communication, campagnes publicitaires dans les médias, interventions de lobbyistes auprès de membres influents des sphères décisionnelles des gouvernements. Une lutte à armes inégales.
C’est dans ce contexte que les promoteurs de GNL Québec demandent aux gouvernements d’approuver leur projet.
C’est aussi dans ce contexte que les membres du regroupement Des Universitaires cherchent à faire entendre leur voix.
Des Universitaires bénéficiant de la liberté académique et dépourvu.e.s de conflit d’intérêts se sont prononcés sur les différents aspects du projet GNL Québec, dans ce numéro spécial1 et sur d’autres tribunes. Les inconvénients et les risques pour l’environnement, la santé, la biodiversité, le climat et la transition énergétique sont, de l’avis des membres du regroupement Des Universitaires, supérieurs aux avantages offerts par ce projet.
Ils estiment que nous devrions plutôt cesser d’investir dans le problème et sortir des énergies fossiles. Ils jugent que le projet GNL Québec est incompatible avec une société écologiquement soutenable et nous éloignerait du chemin vers une réelle transition énergétique.
Les arguments avancés par les promoteurs du projet ne résistent pas à l’objectivité, à la rigueur scientifique et aux analyses détaillées Des Universitaires.
Le moment est venu d’amorcer cette transition énergétique, devenue essentielle, et de dénoncer des projets qui, comme GNL Québec, nous porteraient préjudice collectivement, nuiraient à notre résilience en tant que société et nous entraîneraient encore plus vite à notre perte.
Pour toutes les raisons énumérées et détaillées dans les articles contenus dans ce document1, le regroupement Des Universitaires recommande au BAPE et au gouvernement du Québec de rejeter le projet GNL Québec.
Nous vous invitons à prendre connaissance des arguments Des Universitaires, à vous forger une opinion éclairée et à vous exprimer.
Références
1 Des Universitaires se prononcent sur GNL Québec, Collection Des Universitaires, Tome 1, Numéro spécial, 2019-2020, édité par le regroupement Des Universitaires (ISBN 978-2-9819322-1-1) (https://desuniversitaires.org/collection-du/collection-du-tome-1-numero-special-gnl-quebec/)
2 Des Universitaires descendent de leur tour d’ivoire, Collection Des Universitaires, Tome 1, 2019-2020, édité par le regroupement Des Universitaires (ISBN 978-2-9819322-0-4) (https://desuniversitaires.org/collection-du/collection-du-tome-1/)