En matière de développement durable, comme dans d’autres matières, il vaut mieux éviter les discours simplistes. Par exemple, il ne serait pas responsable de laisser croire que rendre nos sociétés soutenables sera une tâche facile (ce ne le sera pas, ni économiquement ni socialement). De même, affirmer que la construction de l’oléoduc Trans Mountain et que son acquisition par le gouvernement canadien va à l’encontre de la lutte aux changements climatiques est exact, mais cette affirmation doit être nuancée.
Le pétrole des sables bitumineux étant essentiellement destiné à l’exportation, son exploitation n’aura que peu d’impact sur la consommation de pétrole des Canadiens. Cette production accrue fera certes augmenter les émissions de carbone du Canada, car l’extraction de ce pétrole est émettrice de GES, bien davantage que les autres types de pétrole d’ailleurs (en plus d’être extrêmement sale et ainsi de détruire les écosystèmes alentours). Ce pétrole alimentera par contre les véhicules de l’Asie, ce qui augmentera là-bas les émissions de GES. D’ailleurs, si rien ne change dans la façon d’aborder l’économie du monde, les émissions de GES augmenteront avec ou sans pétrole canadien. Mais ce n’est pas une raison pour que le Canada soit le pourvoyeur de pétrole. Il n’y a rien qui puisse le justifier !
La réputation du Canada
Au fond, c’est surtout sur le principe, moins dans la pratique, que cette dépense de quatre milliards de dollars pour l’acquisition de l’oléoduc s’oppose à la lutte aux changements climatiques. Il donne le signal au Monde qu’un pays riche comme le Canada considère légitime de promouvoir la croissance de la filière pétrolière pour assurer sa propre prospérité.
Avec de telles décisions, la réputation internationale du Canada au regard de l’environnement devient un peu plus intenable politiquement et moralement. Déjà, le bilan environnemental du pays n’avait jamais été très reluisant, et encore moins du temps du gouvernement Harper, mais ce n’est hélas pas avec le premier ministre actuel que la situation va s’arranger, et ce malgré une belle façade… Comment allons-nous pouvoir justifier cet investissement ou l’ensemble de nos politiques si peu écologiques quand les pays les plus pauvres subissent et subiront de plein fouet, bien plus que nous ne les subirons, les contrecoups des changements climatiques (ou d’autres crises écologiques) ? Comment allons-nous justifier la création de quelques emplois chez nous au regard de la perte des moyens de subsistance, de la perte du territoire ou de la diminution de la qualité de vie de personnes résidant en Asie, en Afrique ou ailleurs dans le monde ?
Quelle crédibilité avons-nous quand le Canada décide d’inciter la communauté internationale à réduire la pollution des océans par le plastique alors que le Canda n’est même pas fichu de recycler comme du monde le plastique qui peut l’être et que le gouvernement n’a jamais fait aucun effort pour limiter la production d’objets à usage unique en plastique (ou en d’autre matière) ? Nous sommes décidément de plus en plus mal placés pour faire la leçon à quelque pays que ce soit… Cette situation ferait presque perdre sa crédibilité à un environnementaliste canadien ! Se pose d’ailleurs la question de savoir pourquoi et comment une population soi-disant éduquée et informée peut laisser faire d’aussi inacceptables transactions. Chimères de la richesse économique, alors qu’une partie de la population canadienne défend même la vision du gouvernement et ce projet d’oléoduc…
Le mauvais calcul de Justin Trudeau
Ce que pensent d’autres (y compris votre serviteur), c’est qu’il est parfaitement scandaleux que le gouvernement du Canada, c’est-à-dire nous, les Canadiens, reprenne financièrement à son compte un projet privé et que nous devenions de fait propriétaires d’un oléoduc. Nous ne devrions pas avoir à assumer la responsabilité de ce genre de subventions, irresponsables, que notre gouvernement a décidé d’accorder au secteur pétrolier, alors qu’il n’a pas été élu pour cela et que la tendance en matière de politique énergétique devrait être totalement inverse. À tout le moins, la relation canadienne avec les énergies fossiles devrait être cohérente avec la science et nous amener à réduire progressivement et rapidement notre production (et notre consommation) de ce type de ressource.
Faire croire que l’abandon de l’exploitation de cette ressource serait une perte économique pour le Canada est une fraude intellectuelle. D’autres secteurs de l’économie, plus « verts », peuvent être au moins aussi bénéfiques pour la société tout en limitant les dégâts sur l’environnement. Et c’est sans parler de la possibilité que le pétrole du Canada ne s’avère tout simplement pas rentable. Finalement, il est bien connu que tout délai pris pour implanter l’inévitable transition écologique qui nous attend ampute la capacité d’un pays à assurer sa prospérité à long terme. Le projet Trans Mountain, de même que ceux qui l’on précédés, et l’inaction du Canada nous faisant prendre du retard, j’en veux à ce gouvernement (et aux précédents) de ne pas prendre en compte les intérêts de la majorité et les intérêts à long terme du pays.
Nous ne devrions pas avoir à cautionner une politique qui prétend, de manière irréfléchie ou trompeuse, promouvoir l’économie tout en protégeant l’environnement. En vérité, et quoi qu’en pense notre PM, cette politique sacrifie la protection du climat et de l’environnement pour des raisons bassement économiques. Justin Trudeau trahit les électeurs, mais pas la philosophie libérale. Au fond, ce à quoi nous assistons représente probablement le meilleur du « développement durable » que sont capables accomplir des Libéraux, c’est-à-dire pas grand-chose.