mardi, décembre 3, 2024

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Le concept de découplage entre utilisation des ressources et croissance

L’utilisation des ressources par l’humanité

Durant les deux derniers siècles, l’utilisation des ressources naturelles (énergies fossiles, minerais, eau, biomasse, terres, etc.) n’a cessé d’augmenter, ce qui s’est traduit par de nombreux bénéfices en termes de niveau de vie, de santé et de confort, essentiellement au profit des habitants des pays riches. Malheureusement, ces progrès sont atténués par la dégradation environnementale que cette utilisation des ressources engendre.

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À titre indicatif, au cours du 20e siècle, l’extraction de matériaux de construction a été multipliée par 34, celle de minerais par 27, les combustibles fossiles par 12 et la biomasse par 3,6. En 2008, l’utilisation des ressources a atteint un niveau inégalé avec un chiffre qui défi l’imagination, soit 70 000 milliard de kg de matières [1]. En moyenne, cela représente une utilisation de 10,5 tonnes de matière par Terrien [1].

Il y a aussi une grande disparité dans l’utilisation des ressources. Alors qu’un habitant de l’Inde utilise 4 tonnes de matières par an, un Canadien en utilise 25 tonnes [2]. Plus généralement, un indice de la répartition inégale de l’utilisation des ressources est reflété par le fait que 20 % des pays sont responsables de 80 % des dépenses mondiales. De tels chiffres ne peuvent manquer de susciter en chacun de nous cette question : avons-nous réellement besoin d’autant de ressources pour vivre bien ?

L’empreinte environnementale qui résulte de cet appétit vorace pour les ressources naturelles dépasse les capacités de la planète. Cette constatation a été exprimée récemment de façon frappante par le Réseau de l’empreinte écologique globale (Global Footprint Network). Dès le 20 août dernier, l’humanité avait déjà atteint le « jour du dépassement », le jour de l’année où l’humanité dépasse l’utilisation des ressources renouvelables que peut offrir la planète annuellement et qu’elle entame les réserves naturelles terrestres [3]. La demande de nos sociétés augmente d’ailleurs rapidement : en 2012, le jour du dépassement était le 22 août, en 2003 c’était le 22 septembre et en 1993 c’était le 21 octobre. Plus inquiétant encore, la consommation mondiale de ressources pourrait tripler d’ici à 2050 [2]. Il est donc clair qu’il est nécessaire de réduire notre consommation.

Le(s) concept(s) de découplage

Cette impérieuse nécessité a conduit à l’émergence de différents concepts, tous reliés à une utilisation plus sobre ou plus efficace des ressources : dématérialisation, productivité de ressources, efficacité de l’utilisation des ressources, et découplage. Cette dernière notion vise à découpler l’utilisation des ressources de la prospérité économique et à mesurer sa réalisation. Elle peut s’appliquer à l’économie d’un État, à un secteur économique ou à une chaîne de production.

On distingue le découplage « de ressource », relatif à la quantité de matière utilisée, du découplage « d’impact », relatif à l’impact environnemental de l’utilisation des ressources [2]. Le premier désigne le découplage entre l’utilisation des ressources et la croissance économique, le second le découplage entre l’impact environnemental de la ressource (extraction, utilisation et traitement des déchets liés à cette ressource) et la croissance économique.

Le découplage de ressource peut être appliqué et mesuré globalement à un ensemble de ressources ou à une ressource particulière. Ce peut être par exemple la croissance de la quantité d’énergie fossile comparée à celle du PIB. Le découplage d’impact peut s’appliquer à un ensemble ou à un type d’impact particulier (érosion de la biodiversité, pollution, émission de GES, etc.). Ce peut être par exemple la croissance des émissions de CO2 comparée à celle du PIB.

Ainsi, tandis que le découplage de ressource vise à s’attaquer plus directement au problème de la pénurie des ressources et au problème de leur disponibilité intergénérationnelle, le découplage d’impact vise principalement à utiliser les ressources plus efficacement [2]. Ajoutons que quelle que soit l’approche adoptée, l’objectif ultime doit être la réduction l’empreinte écologique des sociétés, une réduction qui, vu les circonstances environnementales, ne peut être que draconienne.

Découplage IRP-UNEP
Représentation du concept de découplage par le Programme des Nations Unies pour l’environnement [2]. Le découplage de ressources et le découplage d’impact correspondent à des taux variations de l’utilisation des ressources et de l’impact environnemental de cette utilisation respectivement plus élevés que le taux de variation d’un indice économique donné, par exemple le PIB (GDP sur la figure). À noter que l’impact de ressource représenté sur la figure est relatif (l’utilisation des ressources augmente moins vite que l’indice économique) tandis que le découplage de ressources est absolu (l’impact environnemental diminue). La figure montre également l’augmentation concomitante du bien-être humain.
Finalement, le découplage, qu’il soit de ressource ou d’impact, peut être relatif ou absolu [2,4]. Dans le premier cas, la quantité de matière utilisée augmente moins vite qu’un indice économique donné, par exemple le produit intérieur brut (PIB) par habitant. Dans le second cas, la quantité de matière diminue alors que cet indice économique augmente. Il est évident qu’un découplage relatif est insuffisant pour les sociétés riches actuelles et qu’un découplage absolu est incontournable. L’ampleur et la vitesse du découplage reste à définir, mais la situation ne peut se satisfaire d’actions modérées. Ainsi, la notion de découplage peut être très utile comme instrument de mesure et comme une feuille de route potentielle pour aider les États à atteindre la viabilité.

Dans un prochain article, nous verrons si un découplage est possible dans des sociétés et s’il a lieu aujourd’hui.

Bibliographie :

[1] Wiedmann, T. O. et coll. « The material footprint of nations » Proc. Nat. Acad. Sci. (2013) (doi:10.1073/pnas.1220362110).
http://www.pnas.org/content/early/2013/08/28/1220362110.abstract

[2] Fischer-Kowalski, M. et coll. « Decoupling natural resource use and environmental impacts from economic growth » A Report of the Working Group on Decoupling of the International resource Panel (IRP), United Nations Environment Programme (UNEP) (2011) 152 pp.
http://www.unep.org/resourcepanel/Publications/Decoupling/tabid/56048/Default.aspx

[3] Earth Overshoot Day 2013 (Jour du dépassement 2013), Global Footprint Network
http://www.footprintnetwork.org/en/index.php/GFN/page/earth_overshoot_day/

[4] Laurent, E. « Faut-il décourager le découplage ? » In Économie du développement soutenable, Série Débats et politique de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE) (2011) 120 235-257.
www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/120/revue-120.pdf

 

 

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