L’être humain a de la difficulté à changer ses habitudes et transformer le fonctionnement de la société. Il a par ailleurs une tendance spontanée à améliorer la technologie, autrement nommé progrès. Mais, quand il s’agit de réduire notre consommation d’énergie, nous avons une forte tendance à privilégier l’amélioration de la productivité matérielle plutôt que de nous restreindre dans l’utilisation des appareils électriques ou dans l’intensité du chauffage de nos maisons et bâtiments. Les progrès technologiques permettent effectivement d’accroître l’efficacité énergétique de nos appareils et machines. Ils permettent également de faire croître une quantité égale de nourriture sur des parcelles de terre plus petites [1]. Cependant, en focalisant surtout sur la technologie, ces efforts non seulement témoignent de notre faible volonté de véritablement et fondamentalement parvenir à rendre nos sociétés viables, mais en plus sont partiellement (totalement ?) annulés par la croissance démographiques, l’industrialisation des pays émergents ou nos modes de vie. À titre d’exemple, si les rendements agricoles augmentent avec le progrès technologique, ces bienfaits sont annulés par la croissance démographique et un régime alimentaire plus riche [1]. Dans plusieurs régions du monde, on s’attend à ce que le type de régime alimentaire devienne le premier facteur qui contrebalance l’augmentation de la productivité agricole, avant la croissance démographique [1]. Et c’est sans parler des dégâts environnementaux causés par des pratiques industrielles destructrices.
Un autre phénomène a tendance à annuler nos efforts visant l’augmentation de l’efficacité énergétique. Il se trouve que lorsqu’un produit consomme moins d’énergie, son prix a souvent tendance à diminuer du fait d’une disponibilité plus grande. Du fait de cette réduction de prix, la consommation globale augmente. De plus, les individus peuvent alors se sentir moins coupables d’utiliser ce produit, ce qui en fin de compte se traduit là encore par une augmentation globale de la consommation. Ce phénomène se nomme paradoxe de Jevons ou effet rebond. Le même processus peut se produire pour la réduction de l’empreinte écologique des biens matériels (chimie verte, utilisation de matières renouvelables, etc.). Là encore, il semble plus facile d’augmenter la productivité matérielle des biens que de réduire la surconsommation. Par exemple, le fait d’imposer une circulation automobile alternée en cas de smog (basée sur les plaques d’immatriculation paires ou impaires) comme il y a lieu en France a pour effet pervers d’inciter les foyers de se doter de deux autos afin de palier cette contrainte plutôt que de n’en posséder qu’une.
Référence :
[1] Thomas Kastnera et coll. Global changes in diets and the consequences for land requirements for food, Proc. Natl Acad. Sci. USA 109 (2012) 6868–6872.