Le contexte économique, culturel et social favorise la prédominance de la consommation ainsi que les comportements d’achats excessifs, de sorte que notre civilisation est marquée par le consumérisme. Au premier rang des déterminants qui accentuent la surconsommation, on compte le marketing qui n’a d’autre but que d’inciter les individus à acheter plus, et ainsi d’augmenter les ventes pour accroître les parts de marché et les profits des entreprises. De nombreuses stratégies dans ce domaine sont possibles, mais il s’agit dans tous les cas d’attiser les penchants qui poussent les individus à acheter. Ainsi, les promotions, la publicité, la disponibilité temporelle et géographique des commerces et des articles représentent des stimuli efficaces pour que se concrétise plus facilement la propension à acheter, notamment dans le cas des achats impulsifs. Ce dernier point explique que l’accroissement des heures d’ouverture et les achats en ligne favorisent la consommation. L’apparence du produit ou de son emballage ainsi que l’atmosphère régnant dans le magasin peuvent également précipiter un achat et déclencher un achat non planifié.
Une autre stratégie consiste à faciliter le paiement, notamment par l’accès au crédit, un phénomène qui joue un rôle très important sur la propension à acheter [1] et sur l’endettement des ménages. Enfin, une méthode vise à diminuer la culpabilité des individus. En effet, le conflit émotionnel impliqué dans le processus des achats excessifs, qui oppose plaisir ressenti d’une part et évaluation cognitive de l’achat d’autre part, est une expérience qui sous-tend probablement à divers degrés de nombreux achats « déraisonnables » ou injustifiés du consommateur ordinaire. C’est ce qui explique qu’un des messages de la publicité vise à déculpabiliser les gens ou réduire les regrets suscités par les achats « déraisonnables », notamment en cherchant à valoriser la personne et à lui suggérer qu’elle « mérite » le produit publicisé (« vous le valez bien », dit la publicité).
Sur un plan culturel, l’importance que les valeurs matérialistes occupent dans la société influence aussi l’intensité de la consommation [2]. Le matérialisme est en effet une caractéristique forte de notre civilisation, une valeur qui se fonde sur l’idée que l’acquisition de biens matériels est centrale dans la vie des individus et qu’elle va contribuer au succès, à établir l’identité de l’individu et finalement à assurer notre bonheur. Aussi, l’image que l’on désire donner par nos achats nous incite à consommer davantage et nous porte à nous exprimer par la consommation, les critères dictant alors nos achats ayant préséance sur des critères écologiques. L’atteinte d’un certain rang social par exemple, attesté estime-t-on par nos biens matériels, exerce une pression à l’acquisition de produits de luxe ou qui dépassent nos moyens, et qui en général ont une empreinte écologique plus élevée.
Comme l’a vu, à l’exception des achats rationnels (qui résultent d’un réel besoin), les achats sont principalement motivés par pulsion et évalués selon certains critères rationnels (implications financières, utilité ou résistance à la perte de contrôle). Cependant, depuis quelques années, en plus de devoir juger les achats selon ces critères d’évaluation, de nouvelles valeurs, éthiques et écologiques, morales en fait, font progressivement, quoique lentement, leur apparition. Un bon exemple est donné par les implications de la célèbre maxime de Laure Waridel « acheter c’est voter » [3]). Une société viable devra donc tabler plus fortement sur ces valeurs pour réduire le consumérisme. Cependant, tout le monde ne peut se payer le luxe de ne pas considérer le prix comme premier critère d’achat (tout au moins pour la nourriture, car souvent, acheter plus cher c’est acheter plus durable, ce qui est donc rentable). C’est à la société d’incorporer des valeurs dans les règles de commerce.
Notes et références
[1] D. W. Rook, The buying impulse. J. Consum. Res. 14, (1987).
[2] L. G. Block, V. G. Monvitz, Shopping lists as an external memory aid for grocery shopping: Influences on list writing and list fulfillment. J. Consum. Psychol. 8, 343-375 (1999).
[3] L. Waridel, Acheter, c’est voter – Le cas du café. Écosociété, Montréal (2005).