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Le budget de GES qu’il nous reste à émettre

Comme l’explique clairement les rapports successifs du GIEC, l’ampleur de la hausse de la température planétaire dépend du cumul des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ainsi, pour ne pas franchir 1,5 ou 2 °C, il ne faut dépasser un certain total d’émissions. Ainsi, pour avoir deux chances sur trois de limiter le réchauffement à 1,5 °C, il ne nous reste plus que 400 Gt CO2 à émettre. Ensuite, il faut être carboneutre.

Dans le cas d’une hausse de la température de 2 °C, un seuil particulièrement menaçant, le solde qu’il nous reste est de 1 150 Gt CO2 (pour avoir deux chances sur trois de succès). À titre comparatif, 2 390 Gt CO2 ont été émis au cours de la période 1850-2019 [1].

Si on suppose que nos émissions annuelles restent dans les années à venir au même niveau que celui de 2019, soit 40 Gt CO2 [2], il nous reste autour de 11 ans d’émissions de GES devant nous pour respecter la cible de 1,5 °C. Mais ce chiffre n’a pas beaucoup de sens car il faudrait, au bout de ces onze ans, stopper totalement nos émissions du jour au lendemain.

Pour respecter le budget carbone de manière plus progressive, on peut calculer l’ampleur et le rythme avec lesquels réduire les émissions. Si on suppose que l’on retranche la même quantité de CO2 annuellement, nous devrions diminuer mondialement nos émissions de 2 GtCO2 (5 % de la valeur de 2019), et ce pendant 20 ans, pour finalement atteindre la carboneutralité. Si on choisit une réduction avec un taux constant à chaque année, il faudrait diminuer nos émissions de 9,5 % par rapport à l’année précédente, et ce durant au moins 30 ans [3].

Buget 1,5 °C
Deux trajectoires de réductions des émissions de GES pour avoir deux chances sur trois de respecter la cible de 1,5 °C. En bleu : réduction des émissions avec une valeur constante annuellement (2 Gt CO2) ; en jaune : réduction à taux constant (9,5 %). Les surfaces colorées en bleu et jaune correspondent un cumul d’émissions de 400 Gt CO2.

Dans le cas du seuil de 2 °C, nous avons un peu plus de temps devant nous, mais en contrepartie avec de bien plus grands risques climatiques. Pour respecter cette cible, l’humanité doit être carboneutre dans environ 60 ans avec des réductions annuelles des émissions de GES de 0,7 GtCO2, ou le devenir après 90 ans avec une réduction des émissions de 3,3 % chaque année (figure ci-dessus) [3].

Budget GES 2 °C
Deux trajectoires de réductions des émissions de GES pour avoir deux chances sur trois de respecter la cible de 2 °C. En bleu : réduction des émissions avec une valeur constante annuellement (0,7 Gt CO2) ; en jaune : réduction à taux constant (3,3 %). Les surfaces colorées en bleu et jaune correspondent un cumul d’émissions de 1 150 Gt CO2.

Ces trajectoires d’émissions sont cohérentes avec celles du GIEC. En 2018, le rapport spécial « Global Warming of 1.5 ºC » mentionnait que la cible de 1,5 °C pouvait être atteinte avec une diminution des émissions de 45 % entre 2010 et 2030 et la carboneutralité en 2050. Pour la cible de 2 °C, la diminution devait être de 25 % entre 2010 et 2030 et la carboneutralité vers 2070.

Dans son plus récent rapport, le GIEC propose plusieurs scénarios avec différents niveaux d’émissions. Pour rester en deçà d’une hausse de la température de 1,5 °C, il faut considérer le scénario dénommé SSP1-1.9 (SSP signifie « Shared Socio-economic Pathway »). Ce scénario, le plus exigeant, demande de devenir carboneutre vers 2055 et d’avoir ensuite des émissions négatives, donc de capter du carbone à hauteur de 10 Gt CO2 environ par année.

Pour respecter la limite de 2 °C, il faut suivre le scénario SSP1-2.6 qui exige de devenir carboneutre vers 2075 et de capter 10 GtCO2 par année par la suite.

Il est à noter que le budget carbone correspondant à la cible de 1,5 °C impose de laisser 60 % du pétrole et du méthane inexploité, ainsi que 90 % du charbon [4]. Un calcul similaire avait été réalisé en 2015 au regard de la cible de 2 °C [5]. Cette étude montrait qu’il fallait laisser un tiers du pétrole, la moitié du méthane et 80 % du charbon dans le sous-sol.

Ainsi, limiter l’augmentation de la température planétaire à 1,5 ou 2 °C est mathématiquement possible. Mais, comme on pourra le voir ailleurs (article à venir), cet objectif semble totalement hors de portée si on considère que très peu d’actions d’envergure visant à réduire notre empreinte environnementale n’ont été mises en œuvre jusqu’à présent.

Références

[1] IPCC, Climate Change 2021 – The Physical Science Basis – Summary for Policymakers (2021), Working Group I contribution to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, p. 38.

[2] Valeur basée sur Global Carbon Budget (2019) (36 Gt CO2) et le rapport Global Warming of 1.5 ºC du GIEC (2018) p.12 (42 Gt CO2).

[3] Ce calcul suppose qu’il subsiste un résiduel d’émissions au niveau mondial de 5 % de la valeur à atteindre (2 Gt CO2) que l’on supposera compensé ou capté par les technologies appropriées.

[4] Dan Welsby et al. Unextractable fossil fuels in a 1.5 °C world Nature (2021) 597 230 https://www.nature.com/articles/s41586-021-03821-8. Ce calcul est basé sur un budget de 580 Gt CO2 et une probabilité de 50 % de succès tel que défini dans le rapport Global Warming of 1.5 ºC du GIEC (2018) p.12.

[5] Christophe McGlade & Paul Ekins The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2 °C Nature (2015) 517 187 https://www.nature.com/articles/nature14016. Ce calcul est basé sur un budget de 1100 Gt CO2 (une chance sur deux d’atteindre l’objectif).

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