« Jaglavak, prince des insectes » est un film de Jérôme Raynaud qui relate la vie des Mofus, un peuple qui vit dans l’extrême nord du Cameroun, et la relation très particulière et harmonieuse que ce peuple entretient avec les insectes qui les côtoient. C’est une œuvre qui tient à la fois du documentaire anthropologique, du documentaire animalier et de la fable. Il nous montre comment cette peuplade subit, s’adapte et tire profit de la nature. Il nous montre comment on s’intègre à la nature.
Nous devons cette heureuse projection à l’Institut EDS de l’Université Laval et à Univert Laval, en collaboration avec le festival du film de Portneuf sur l’environnement (FFPE). Elle a eu lieu au musée de la civilisation le 15 avril 2010.
Le film commence au printemps, alors que la sécheresse sévit et que les Mofus attendent avec inquiétude la venue de la pluie qui devra enfin faire pousser les récoltes de mil. L’histoire s’étend jusqu’à la récolte d’automne qui donnera (peut-être) les réserves permettant de passer l’hiver avec aisance. Tout le long du documentaire est jalonné de différentes péripéties qui montrent comment les villageois négocient les aléas liés aux caprices de la nature dans leur vie quotidienne.
Le thème central du film focalise sur les dégâts causé par les termites dans une des maisons du village. Le vieux de la peuplade, Matsgrawaï, est sollicité pour chasser les termites, et celui-ci invoque Jaglavak, le prince des insectes. Celui-ci est en fait une fourmi légionnaire. Quelques dizaines de ces fourmis rouges sont capables de décimer une colonie de termites mais elles sont également très dangereuses pour le bétail. L’éradication des termites par Jaglavak et la fuite de la reine sont ainsi filmés en gros plan dans la termitière et sont scénarisés comme une véritable bataille.
Au-delà de l’histoire, le film montre que la totalité de la vie des Mofus tourne autour des insectes, touchant aussi bien le domaine spirituel, que l’agriculture, la nourriture, les loisirs, etc. Ainsi les Mofus mangent-ils régulièrement des insectes, une excellente source de protéines. Les enfants mofus apprennent très jeune à distinguer les insectes toxiques de ceux qui sont comestibles. On peut voir aussi comment, après la récolte du mil, les habitants éliminent la peau urticante des grains en les soumettant à l’action du vent. Bref, même s’ils ont des « démêlés » avec la nature, les Mofus ont appris à s’adapter.
Le film s’attarde aussi à montrer comment le vieux du village prend soin de transmettre les traditions aux plus jeunes. Cependant, le film s’achève sur le constat que les traditions commencent à se perdre, notamment à cause de la pression du monde moderne extérieur et de la globalisation.
Un des mérites de ce film remarquable est de savoir attiser notre curiosité envers le peuple mofu, ses traditions et ses relations avec les insectes et la nature en général. Le film les décrit avec justesse et les scénarise juste ce qu’il faut. Les images du film, notamment celles du monde des insectes, sont splendides. L’intérêt écologique est très bien présenté et devrait nous inciter à nous inspirer de ce peuple. Un film pour tout public, à voir absolument.
Discussion
Le film a été suivi d’une discussion avec M. Bernard Surugue, réalisateur du « sel de la terre », lauréat du FFPE en 2009, et M. Serge Genest, professeur retraité du département d’anthropologie de l’Université Laval, qui connaît très bien ces peuplades.
Ce court débat a permis d’insister sur le difficulté de réaliser un tel film, car il faut savoir gagner et mériter la confiance de ces personnes qui se sont laissés filmer dans leur vie quotidienne. Les aspects écologiques du film ont également été soulignés. Par ces multiples exemples, le film montre que, contrairement à nous, Occidentaux, qui exploitons la nature à l’excès et la confrontons, les Mofus, eux, composent avec la nature et s’intègre à elle. Ce peuple africain, comme d’autres, pourrait nous sembler naïf dans ses croyances et ses traditions basées sur l’empirisme mais, en réalité, leur façon d’utiliser des prédateurs naturels (les fourmis légionnaires) pour se débarrasser d’insectes nuisibles, est en fait tout à fait moderne puisque c’est justement une pratique récemment apparue et conseillée dans nos sociétés. Par ailleurs, la vie du peuple mofu nous illustre également la fragilité des sociétés humaines face à la nature.
« Jaglavak, prince des insectes »
(2007)
52 minutes , vidéo HD
Réalisation : Jérôme Raynaud
Conseil scientifique : Christian Seignobos
Coproduction : Zed production, IRD et la participation de France 3
Ce film a été tourné en HD vidéo au Cameroun
Prix et distinctions :
- Ancre d’Argent, Festival International du Film Maritime, d’Exploration et d’Environnement, Toulon, 2007
- Sélectionné dans la Catégorie « Hommes et Nature » au Jackson Hole Wildlife Film Festival, 2007
- Prix du meilleur Film au Festival Animalier, Japon, 2007
- Prix du Meilleur Film Nature au Festival de Télévision, Shanghaï, 2007
- Prix des Collégiens, Festival du Film Scientifique Pariscience, 2007
- Prix du Meilleur Scénario, 33e Festival Ekofilm, Prague, 2007
- Prix de la Première Réalisation au Festival International du film d’Autrans, Montagne et Aventure, 2007
- Grand Prix du Documentaire, Festival Amazonas de Manaus, Brésil, 2007
- Grand Prix du FICA, Goias, Brésil, 2008
- Prix de l’export, Procirep, Paris, 2008
- Meilleur Documentaire & Meilleur Image, Festival du Film HD, 2008
- Prix de l’Export, TVFI, 2008
- 2e meilleure Histoire, Festival Naturvision, Allemagne
- Meilleur Film (Catégorie « Nature »), Festival CineEco, Portugal, 2008
Fiche technique du film et extraits :
ZED Production : http://www.zed.fr/fr/catalog/view/1 >>
Institut de Recherche pour le Développement (IRD) : http://www.audiovisuel.ird.fr/fiches_film/jaglavak.htm >>