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L’impact carbone des voitures électriques

Tout écologiste avisé vous le dira : les voitures électriques ne représentent qu’une solution très fragmentaire pour limiter le réchauffement planétaire dû au transport. Ces autos ne sont vraiment efficaces pour réduire les GES que si les émissions liées à leur production sont faibles et si elles sont alimentées en électricité par des sources d’énergie verte. C’est ce que confirme, et documente, une analyse de cycle de vie (ACV) parue dans Environmental Research Letters [1]. Il en ressort que les voitures électriques ne sont certainement pas la panacée…

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Limiter notre consommation de pétrole est le nerf de la guerre pour réduire notre empreinte écologique, notamment nos émissions de gaz à effet de serre (GES) et ainsi limiter le réchauffement planétaire. L’électrification des transports est une des solutions préconisées, surtout au Québec où une part importante des émissions de GES concerne ce secteur (43 % en 2013 [2]). Par suite, la substitution des voitures à essence (dites conventionnelles) par des voitures électriques est une solution que l’on privilégie. Le gouvernement du Québec, par exemple, a récemment montré sa volonté d’augmenter la taille du parc automobile électrique en incitant les constructeurs à vendre davantage de ce type de véhicule [3].

L’impact carbone des voitures électriques diminue avec le kilométrage 

L’étude [1] montre que pour une société alimentée par des sources d’énergie typiques (le calcul est fait ici pour un modèle de bouquet énergétique équivalent à celui de l’Europe [4]), l’empreinte carbone des voitures électriques n’est amortie qu’après une utilisation de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres [5]. L’ACV des voitures électriques est schématisé et comparé à celui des voitures conventionnelles sur la figure ci-dessous. On peut y voir qu’il existe un kilométrage à partir duquel l’empreinte carbone de la voiture électrique devient inférieure à celle des véhicules électriques (« point de renversement »).

ACV_GES_Electric-gas
Comparaison des émissions de GES (en valeurs arbitraires) liées à la production, à l’utilisation (de 0 à 180 00 km parcourus) et au traitement en fin de vie des véhicules à essence (trait rouge) et des voitures électriques (traits bleus). Les courbes en trait plein correspondent au cas où les sources d’énergie électrique sont de type européen, celle en trait pointillé au cas où les sources d’énergies ne produisent pas (ou peu) de GES (énergies vertes, par exemple les éoliennes). Figure adaptée de [1].
Le point de renversement diminuent avec la taille des véhicules, passant de 44 000 km pour les voitures luxueuses à 70 000 km pour les sous-compactes. Les grosses autos électriques atteignent donc plus rapidement la « rentabilité carbone » que les petites par rapport à leurs équivalentes conventionnelles, mais évidemment l’empreinte carbone des premières restent supérieures à celle des secondes. Au bout 180 000 km, l’impact du cycle de vie complet des voitures électriques est de 20 à 27 % plus faible que celui des voitures a essence selon la taille des véhicules.

La raison de la plus grande empreinte carbone des voitures électriques pour des faibles kilométrages est due en bonne partie au coût important en termes de GES de la production des véhicules, notamment des batteries, qui peuvent représenter de 31 à 46 % des émissions de GES de la phase de production. L’impact est également important en fin de vie, puisque le traitement des batteries peut représenter de 14 à 23 % des GES liés à la gestion de fin de vie des véhicules électriques.

L’impact carbone des voitures électriques change selon la source d’énergie électrique 

L’impact carbone des voitures électriques change de façon draconienne quand on modifie les sources d’énergie électrique. L’avantage « carbone » des voitures électriques devient particulièrement profitable quand les sources d’énergie émettent elles-mêmes pas ou peu de GES (énergies vertes). Hélas, ce type d’énergie reste plutôt marginal dans le monde par rapport aux énergies fossiles …

Pour fixer les idées, l’impact « carbone » de l’électricité est de 1029 g CO2-eq/kW∙h en moyenne pour des centrales au charbon, 595 g CO2-eq/kW∙h pour des centrales au gaz naturel et de 21 g CO2-eq/kW∙h pour une production électrique générée par des éoliennes [1].

Ainsi, dans le cadre d’un scénario où les sources d’énergie électrique sont des éoliennes, le point de renversement diminue et l’empreinte carbone totale est de 66 à 70 % plus faible que celle des voitures à essence. La phase d’utilisation a un poids « carbone » presque négligeable tandis que le poids relatif de la phase de production augmente, notamment du fait de la fabrication des batteries. Cette dernière représente alors de 23 à 34 % de l’empreinte totale des voitures électriques.

Conclusion

L’avantage des voitures électriques en termes de GES est incontestable quand on considère le cycle de vie complet des véhicules. C’est évidemment davantage le cas quand les sources d’alimentation électrique sont renouvelables, comme au Québec où l’on bénéficie d’un vaste réseau hydroélectrique (une énergie dont l’impact carbone est similaire à celui de l’éolien [6]). Mais à ce titre, le Québec apparaît comme une exception dans le monde… De plus, suite aux récentes révélations dans le secteur de l’automobile concernant les performances des véhicules à essence, il apparaît légitime de mettre en doute les valeurs annoncées par les constructeurs concernant les émissions de GES, de sorte qu’il est probable que l’avantage carbone des autos électriques soit encore supérieur aux estimations de la présente étude.

Par contre, les voitures électriques ne sont pas sans impact tout au long de leur cycle de vie. C’est vrai pour les GES comme on vient de le voir, mais ^ca l’est aussi pour l’utilisation de l’eau potable et des substances minérales (terres rares) ou pour la pollution (gestion de la fin de vie des véhicules). Pour ces raisons, si on veut véritablement réduire l’empreinte écologique du transport, il est de loin préférable de promouvoir l’utilisation du transport en commun et des modes de transport actif.

Bibliographie

[1] Linda Ager-Wick Ellingsen The size and range effect: lifecycle greenhouse gas emissions of electric vehicles, Environmental Research Letters 11 (2016) 054010.

[2] Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre, Ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (2013) http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/ges/

[3] Pierre-Marc Durivage, Québec veut inciter les constructeurs à bonifier leur offre de véhicules électriques, La Presse (2 juin 2016) http://auto.lapresse.ca/auto-ecolo/201606/02/01-4987808-quebec-veut-inciter-les-constructeurs-a-bonifier-leur-offre-de-vehicules-electriques.php

[4] Ce qui correspond à des émissions de 521 g CO2 par kW/h produit selon la référence [1].

[5] Les estimations de cette étude sont peut-être faussées s’il se confirme que les constructeurs automobiles n’ont pas donné les valeurs réelles de performance carbone de leurs véhicules

[6] Bruckner T et coll. Energy systems Climate Change 2014: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Chp. 7, Ed. O.E. Odenhofer et coll. (2014) University Press Cambridge, Cambridge (New York, USA).

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