L’effet de serre est un réchauffement des basses couches atmosphériques (troposphère) par l’atmosphère elle-même qui emprisonne une partie du rayonnement émis par la surface terrestre. La lumière visible du Soleil traverse en effet l’atmosphère et est absorbée par la surface terrestre. Celle-ci réémet un rayonnement infrarouge qui est à son tour absorbé par l’atmosphère qui, ainsi, se réchauffe. C’est exactement ce qui se passe dans une serre (les vitres représentant l’atmosphère), d’où le nom du phénomène. C’est un processus naturel qui a également lieu sur Vénus, autre planète tellurique du système solaire possédant une atmosphère. Sans cet effet de serre, que l’on appelle effet de serre primaire, la température à la surface de la Terre serait inhabitable. Néanmoins, depuis 250 ans, les activités humaines rejettent dans l’atmosphère de grandes quantités de substances chimiques qui modifient l’équilibre radiatif de la planète, car il accentue l’effet de serre, ce qui augmente la température terrestre moyenne. Cela constitue l’effet de serre secondaire.
Le bilan radiatif de la planète résulte de l’apport en radiations provenant du Soleil et des pertes dues aux radiations réfléchies et réémises par la Terre. La Terre reçoit la quasi-totalité de son énergie du Soleil, la contribution interne étant très faible. À la distance qui la sépare du Soleil (150 millions de km), elle reçoit 5.1024 J/an (soit un flux d’énergie lumineuse ESoleil = 1370 W/m2).
- Une partie de ces radiations est directement réfléchie dans l’espace par l’atmosphère (notamment par les nuages, les aérosols et les poussières) et par la surface de la Terre. La faculté de réfléchir le rayonnement d’une planète s’appelle « l’albédo » (A) ou réflectance globale moyenne (A est compris entre 0 et 1 et vaut A = 0.3 en moyenne pour la Terre).
- Une autre partie du rayonnement issu du Soleil est absorbée par l’atmosphère et la surface de la Terre. Ce rayonnement réchauffe la planète, procure de l’énergie pour la circulation atmosphérique, maintient la structure atmosphérique et participe au cycle hydrologique (évaporation de l’eau).
- Finalement, une partie de l’énergie solaire absorbée par la surface terrestre est réémise sous forme de rayonnement infrarouge (IR).
Le bilan radiatif de la Terre est tel que le flux d’énergie qui atteint la surface terrestre est ESurf = S.(1 – A)/4 et a une valeur de 240 W/m2.
Pour décrire ces émissions de radiations, on assimile le Soleil et la Terre à des « corps noirs », des objets théoriques issus des travaux de Max Planck que les physiciens utilisent comme modèle pour décrire des sources de radiations. Le profil en énergie en fonction de la longueur d’onde d’un corps noir suit la loi de Planck comme le montre la figure ci-dessous pour le Soleil :
Il existe une relation étroite entre la température d’un corps noir et la longueur d’onde correspondant au maximum d’énergie émise (loi de Wien). La surface du Soleil étant à 5780 K et celle de la Terre étant à 288 K (15 °C), cela correspond à un maximum d’émission du Soleil dans le domaine visible du spectre électromagnétique et celui de la Terre dans l’IR (autour de 15 microns) comme on peut le voir sur la figure ci-dessous. Il existe également pour les corps noirs une relation entre l’énergie E émise par unité de surface et par unité de temps et la température (loi de Stefan : E = s.T4, où s est la constante de Stefan).
Puisque la Terre est en équilibre, le flux d’énergie venant du Soleil et absorbé par la surface de la Terre (ESurf) doit être égal au flux émis par la surface. Considérant la surface terrestre comme un corps noir, on a :
ESurf = S.(1 – A)/4 = s.TSurf4, soit TSurf = [S.(1 – A) /4]1/4
Cette estimation conduit à une température moyenne de la surface terrestre TSurf = 255 K (-18 °C), ce qui n’est pas la température réelle (qui est en fait de 288 K ou 15 °C) et rendrait la Terre inhospitalière pour la vie. C’est que ce calcul n’est pas réaliste, car il ne prend pas en compte le réchauffement dû à l’effet de serre (primaire).
Mais quel est l’origine de ce réchauffement supplémentaire ? Comme on l’a vu ci-dessus, la surface terrestre peut être considérée comme un corps noir qui émet vers l’espace un rayonnement situé dans le domaine IR du spectre électromagnétique, le maximum d’émission étant situé vers 15 microns (on parle alors de rayonnement thermique). La figure ci-dessous montre le spectre d’émission qui quitte la Terre tel qu’il a été observé par le satellite Nimbus 4 en 1979. C’est le spectre d’émission d’un corps noirs avec de fortes absorptions (creux) dans certaines plages de longueurs d’ondes.
Ces creux que l’on observe sont dus à certaines espèces chimiques qui composent l’atmosphère. Il se trouve que la matière absorbe aux longueurs d’ondes situées dans l’IR car elles correspondent aux énergies de vibration moléculaire. Dans l’atmosphère terrestre, les principales molécules qui absorbent le rayonnement infrarouge sont le dioxyde de carbone (CO2), l’eau (H2O) et l’ozone (O3) (ainsi que le méthane (CH4), le protoxyde d’azote ou oxyde nitreux (N2O) et d’autres molécules). Cependant, l’azote (N2) et l’oxygène (O2), qui représentent 99% de l’atmosphère, n’absorbe pas le rayonnement IR car ce sont des molécules symétriques et il n’y a pas de variation du moment dipolaire, donc la vibration n’est pas active en IR. C’est donc une infime partie seulement des molécules de l’atmosphère qui participent à l’effet de serre mais l’effet est considérable. Sur la figure ci-dessus, l’absorption vers 12-17 microns (590-830 cm-1)* correspond au CO2, celle vers 9,6 microns (1040 cm-1) correspond à l’ozone et celle en dessous de 8 microns (> 1260 cm-1) correspond à l’eau. Ces bandes d’absorption emprisonnent une partie du rayonnement émis par la surface terrestre, ce qui réchauffe la température des basses couches de l’atmosphère. Le CO2 a un effet particulièrement important car son mode de vibration de déformation absorbe à une longueur (15 microns ou 667 cm-1) qui correspond au maximum d’émission IR de la surface terrestre. C’est cette rétention globale du rayonnement IR par l’atmosphère par certains gaz qui fait que la température moyenne de la Terre est de 15 °C. Cette température tempérée située au-dessus du point de congélation de l’eau est propice au développement de la vie. L’effet de serre primaire est donc un phénomène nécessaire et bénéfique à la vie.
Bien que le climat de la planète ait connu de grands bouleversements dans les époques géologiques passées, la température moyenne est restée constante depuis des 20 000 dernières années, ce qui indique que les concentrations des espèces chimiques qui composent l’atmosphère n’ont pas variées au cours de cette période. Cependant, depuis la révolution industrielle qui a débutée vers 1750, les activités humaines modifient la composition atmosphérique. Les concentrations des espèces naturellement présentes (CO2, CH4, N2O) ont augmenté tandis que de nouvelles substances sont apparues (chlorofluorocarbones (CFC), hydrochlorofluorocarbones (HCFC), hydrofluorocarbones (HFC), perfluorocarbones (PFC), l’ozone troposhérique). Ces changements entraînent une augmentation de l’intensité de l’effet de serre (effet de serre secondaire) ce qui augmente la température moyenne de la surface de la planète. Pour caractériser quantitativement l’effet de serre et le réchauffement climatique qu’il implique, on parle de forçage radiatif.
Notes :
* En spectroscopie IR, par convention, plutôt que d’utiliser des longueurs d’ondes (λ), on utilise le nombre d’ondes ñ=1/λ=ν/c et s’exprime en cm-1.
Bibliographie :
- Richard P. Wayne “Chemical evolution of the atmosphere”, In Handbook of Atmospheric science: principles and applications (chp. 1), Eds. C. n. Hewitt et Andrea V. Jackson (2003) Blackwell Publishing Ltd.
- Hugh Coe et Ann R. Webb « Atmospheric energy and the structure of the atmosphere », In Handbook of Atmospheric science: principles and applications (chp. 2), Eds. C. n. Hewitt et Andrea V. Jackson (2003) Blackwell Publishing Ltd.
- Richard P. Tuckett “The role of atmospheric gases in global warming”, In Climate change: observed impacts on planet Earth, Ed. Trevor M. Letcher (2009) Elsevier