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La vapeur d’eau stratosphérique et le réchauffement planétaire

Une étude a évalué la contribution de la vapeur d’eau présente dans la stratosphère sur le bilan radiatif de la Terre, et ainsi l’amplitude de son impact sur le réchauffement planétaire. Au cours de la période 2000-2009, l’eau stratosphérique aurait ralenti le taux d’augmentation de la température planétaire de 25%.

Depuis la fin des années 90, la température ne montre pas de tendance claire à la hausse (voir les variations décennales du climat), alors que la production de gaz à effet de serre (GES) ne cesse d’augmenter. Des chercheurs américains et suisses ont découvert que la concentration en eau stratosphérique semble avoir une contribution significative sur le climat et expliquer au moins partiellement les observations.

La stratosphère est une couche atmosphérique située entre 15 et 50 km d’altitude. En-dessous, se situe la troposphère, la couche où se déroulent les phénomènes météorologiques. C’est cette dernière qui constitue l’environnement dans lequel l’être humain et l’ensemble des écosystèmes évoluent. C’est pourquoi, quand on étudie le réchauffement climatique, on examine la température de la troposphère.

La stratosphère (sa composition, sa température, etc.) peut influencer le climat de la troposphère et vice-versa. On sait par exemple qu’une augmentation de la quantité de vapeur d’eau stratosphérique réchauffe la stratosphère mais refroidit la troposphère (donc, refroidit le climat). L’eau atmosphérique en effet interagit avec les rayonnements venant du Soleil et ceux issus de la surface de la Terre.

Cependant, la concentration en vapeur d’eau de la stratosphère et l’amplitude de son effet sur le climat de la troposphère sont encore mal connus. Un article paru dans la revue Science contribue à combler ces lacunes. Les auteurs compilent d’abord les données de plusieurs expériences qui ont mesuré la teneur en vapeur d’eau de la stratosphère (figure ci-dessous). Les expériences en question s’appellent UARS HALOE, SAGE II, Aura MLS, auxquelles s’ajoutent des mesures réalisées à Boulder au Colorado avec des ballons-sondes.

Concentration eau stratospherique
Concentration de la vapeur d’eau dans la stratosphère en ppmv (parties par million en volume) en fonction du temps entre 1980 et 2010, obtenues pour différentes expériences (source : Science 327 (2010) 1219-1222).

Malgré l’incertitude des mesures, le point majeur est l’observation d’une importante chute (10%, soit 0,4 ppmv) de la concentration en vapeur d’eau juste après l’an 2000, le niveau restant plus ou moins constant par la suite. Cette baisse semble fortement corrélée avec une augmentation marquée de la température de la surface des océans.

D’autre part, entre 1980 et 2000, bien qu’il y ait moins de données, les mesures montrent que la concentration de vapeur d’eau stratosphérique semble avoir légèrement et progressivement augmenté (1 ppmv).

Les auteurs ont ensuite évalué l’impact que les variations de vapeur d’eau ont pu avoir sur le climat (voir la figure ci-dessous). Selon leurs estimations, la diminution de vapeur d’eau stratosphérique en 2000 a eu pour effet de créer un forçage radiatif d’environ -0,1 W/m2, c’est-à-dire que cela a contribué à ralentir le réchauffement climatique. En comparaison, pour la même période (1996-2005), le CO2 a engendré par effet de serre un forçage radiatif de +0,26 W/m2.

Eau stratospherique - Forcage radiatif et temperature
Impact des variations de la vapeur d’eau stratosphérique sur le climat.
(A) Évolution du forçage radiatif entre 1980 et 2008 résultant des GES (« WMGHG » sur la figure), des aérosols et de l’eau stratosphérique. (B) Température mesurée et modélisée entre 1980 et 2008. Les températures sont issues de 3 enregistrements différents. Les barres verticales vertes indiquent la variabilité des 3 mesures pour chaque année. La courbe verte ombragée représente l’évolution « lissée » sur 5 ans de la température moyenne des 3 mesures. Les courbes bleues ne prennent en compte que la chute de la concentration de vapeur d’eau stratosphérique observée après 2000, alors que la courbe rouge considère en plus l’augmentation graduelle ayant eue lieu entre 1980 et 2000 (source : Science 327 (2010) 1219-1222).

 

Pour la période 1980-1996, l’augmentation de 1 ppmv de la vapeur d’eau a entraîné un forçage radiatif de +0,24 W/m2 (+0,36 W/m2 pour le CO2). Il faut garder à l’esprit que, contrairement au CO2 dont le temps de résidence dans l’atmosphère est long, la concentration en vapeur d’eau évolue rapidement et avec une amplitude relativement élevée. Par suite, son impact sur le climat peut-être significatif quoiqu’il doive se restreindre à de petites échelles de temps (de l’ordre de la décennie).

En termes de température planétaire, la baisse brutale de la teneur en vapeur d’eau stratosphérique semble s’être traduite par un ralentissement du réchauffement global (figure ci-dessous). La vitesse de réchauffement a donc été 25% plus lente que ce qu’elle aurait été s’il n’y avait pas eu cette réduction de vapeur d’eau (c’est-à-dire si l’on tient compte seulement du forçage radiatif dû au CO2). Au lieu d’augmenter de 0,14°C par décennie, la température de la Terre n’a donc en réalité augmentée « que » de 0,10°C par décennie.

Ce résultat semble donc venir en partie expliquer pourquoi la température n’a pas ou peu augmentée durant la dernière décennie. Les variations à court terme telle que celle-ci doivent donc être prises en compte pour bien comprendre les fluctuations du climat.

Pour la période 1990-2000, la variation de la concentration de vapeur d’eau stratosphérique semble avoir causé un accroissement de la vitesse de réchauffement décennal de 30% par rapport à ce que l’on aurait connu sans cette variation.

Les auteurs terminent leur publication en insistant sur le fait qu’il n’est pas clair si ces variations de quantités de vapeur d’eau stratosphériques sont le résultat d’une rétroaction du climat ou s’il s’agit d’une cause des fluctuations décennales. Certains modèles climatiques suggèrent que l’amplitude d’une rétroaction de l’eau stratosphérique est faible, mais le fait que ces modèles ne reproduisent pas toutes les données climatiques laissent la question encore en suspend.

Source :

Susan Solomon, Karen H. Rosenlof, Robert W. Portmann, John S. Daniel, Sean M. Davis, Todd J. Sanford, Gian-Kasper Plattner « Contributions of Stratospheric Water Vapor to Decadal Changes in the Rate of Global Warming » Science 327 (2010) 1219-1222 (doi: 10.1126/science.1182488).

Lire le résumé de l’article sur le site de Science.

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