« Les réfugiés de la planète bleue » est un documentaire de Hélène Choquette et Jean-Philippe Duval sur les réfugiés environnementaux. À partir de situations prises dans trois régions du monde (Maldives, Brésil et Canada), il décrit les causes des exodes de populations, l’injustice et la dureté de ces situations. Les images et les témoignages sont remis dans un contexte sociétal mondial et sont ponctués de statistiques pertinentes. Un excellent film, sans pathos ni complaisance, dont nous devons l’heureuse projection (le 24 mars dernier) au comité environnement du département des sciences de l’administration en collaboration avec UnivertLaval. Le film a été suivi d’une intéressante discussion entre les personnes présentes dans la salle sur l’action environnementale dans notre société, ses moyens et son impact.
Un des chiffres les plus marquants est le nombre total de réfugiés de la planète qui pourrait atteindre 150 millions de personnes d’ici à 2050, Ça représente 3 750 000 personnes déplacées par année, soit l’équivalent de la moitié de la population du Québec ! Il y a aujourd’hui plus de réfugiés environnementaux (25 millions) qu’il n’y a de réfugiés politiques (23 millions) ! Il y a deux grandes raisons qui sont à l’origine des déplacements environnementaux : les changements climatiques et un type de développement économique incompatible avec le développement durable.
Les Maldives sont l’exemple typique d’un endroit sujet à un exode causé par le réchauffement planétaire. La lente mais inexorable montée du niveau des océans qui résulte du réchauffement force le déplacement de la population côtière. Dans les terres, les inondations voient également leur ampleur influencée par les changements climatiques. Les conséquences peuvent être dramatiques et rendre des maisons inhabitables, obligeant les occupants à aller s’installer ailleurs après avoir tout perdu. De tels exemples montrent que la montée des océans n’est pas que théorique ! Le film mentionne également que l’intensité du tsunami de 2007 dans le sud-ouest asiatique ou de l’ouragan Katrina (500 000 réfugiés) a été aggravée par la hausse du niveau maritime.
Mais les réfugiés environnementaux peuvent également être le résultat direct des activités humaines : épuisement des ressources naturelles, déforestations, changement de vocation de culture d’une région, inondations de zones habitées dues à l’implantation de barrages, etc. (Voir par exemple l’article de Impact Campus du 6 avril 2010). Dans certaines régions du Brésil, on vit une disparition de petites fermes agricoles familiales au profit de vastes parcelles de monocultures, en l’occurrence d’eucalyptus. Le résultat est que cette agriculture industrielle donne dix fois moins d’emplois qu’il n’y avait de fermiers. Ce type d’agriculture, uniquement orienté vers la productivité et le rendement, est aussi un désastre écologique, notamment par manque de diversité biologiques et à cause de l’utilisation abusive de pesticides. Ces zones végétales sont en effet de véritables déserts. Hormis les eucalyptus, on ne trouve pas de faune ni de flore. Par ailleurs, l’eau vient à manquer dans la région, car ce type de culture demande beaucoup d’arrosage (140 litres d’eau par mois pour 15 hectares) et tarit les ruisseaux. Quand il en reste, l’eau est contaminée aux pesticides… On remarque par ailleurs que les enfants qui résident à proximité de ces plantations ont des problèmes pulmonaires et respiratoires à causes de la présence de ces produits chimiques (DDT, sels d’arsenic, etc.). À la vue de l’ensemble de ces nuisances, on comprend que les gens quittent leur chez eux.
Même si ce sont les pays pauvres qui connaîtront le plus de réfugiés environnementaux, on peut aussi en retrouver dans les pays riches, et même très près de chez nous. Ainsi, en Alberta, l’implantation d’exploitations de gaz ou pétrole soufrés force le déplacement des résidents. Ceux-ci n’ont pas vraiment le choix. Ces exploitations représentent un grave danger, car l’extraction relâche du sulfure d’hydrogène (H2S) et une fuite est toujours possible. Un paramètre de sécurité est établi autour des puits de forage pour que les habitations soient assez éloignées. Ces zones sont en fait réglementées comme pour les centrales nucléaires ! Néanmoins, certains puits sont installés à seulement 500 mètres des maisons. Par prudence, les résidents observent le sens du vent à chaque jour pour savoir dans quelle direction s’enfuir en cas de fuite de gaz ! Ces installations laisse transpirer des émanations de H2S qui, quoique minimes et même presque imperceptibles, pollue pourtant l’air ambiant et affecte la santé des personnes qui habitent à proximité. Pour ces raisons, rares sont les gens à rester dans de telles conditions d’insécurité et de mauvaises qualité de l’air. Pourtant, le gouvernement fédéral prévoit augmenter le nombre de puits de forage à 100 000 dans les 10 prochaines années ; c’est deux fois plus que le rythme actuel.
Le film ne manque pas de rappeler, puisqu’il en est encore besoin, que ce sont les pays pauvres qui vont subir le plus durement les conséquences du réchauffement climatique, alors que ce sont les pays riches qui en sont responsables. On rappelle également que si la planète entière vivait comme les Nord-Américains, l’humanité aurait besoin de 5 planètes Terre pour subvenir à ses besoins. Il est évident que le modèle de développement économique qu’exportent les pays développés contribue à l’augmentation des réfugiés et épuise les ressources. Il faut donc repenser l’économie pour que la priorité soit remise aux bonnes places pour le bien-être de l’humanité : disposer d’eau propre, d’air pur, d’un habitat sain, d’une nourriture saine (faune et flore). Le film se termine en plaçant les petites îles menacées par la montée progressive du niveau des océans comme un symbole fort représentant la fragilité de l’humanité.
Ne manquez pas l’occasion de voir cet excellent film de sensibilisation et d’information.
Les réfugiés de la planète bleue
(2006)
Réalisation : Hélène Choquette et Jean-Philippe Duval
Production : Monique Simard, Marcel Simard, Yves Bisaillon et Luc Martin-Gousset
Maison de production : Les productions Virage inc., Point du Jour et Office national du film du Canada
Durée : 53 min 05 s
Prix et mentions reçus :
- Hélène Choquette pour Meilleure recherche : documentaire, affaires publiques, biographie | Prix Gémeaux | 9 septembre 2007, Montréal – Canada
- Prix du meilleur film long métrage canadien | Planète en Focus – Festival international de films et vidéos environnementaux | Du 1 au 5 novembre 2006, Toronto – Canada
- Prix du Jury jeunesse – catégorie : Humanitaire
- CineEco – International Environmental film & Video Festival | Du 20 au 29 octobre 2006, Lisbonne – Portugal