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L’encyclique du pape François (1/2)

Le 15 juin dernier, le pape François publiait une encyclique intitulée « sur la sauvegarde de la maison commune » [1]. Il s’agit d’un important plaidoyer écologique en faveur de la protection de la nature. Il rejoint un ensemble de déclarations, d’initiatives ou d’ententes lancées en 2015 qui mettent de la pression sur la prochaine ronde de négociations internationales sur le climat à Paris en décembre (COP 21). De façon plus générale, cette prise de position très forte de l’Église catholique en fait une alliée de taille pour aider les écologistes, les ONG et les citoyens à transformer le monde pour le rendre viable. Cet effort de la société civile est d’ailleurs souligné par le pape François dans son encyclique, et il remercie tous ceux qui y contribuent (voir § 13 et 166).

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Le Pape a visiblement tout compris de la situation environnementale et de ses causes profondes. Sa vision telle qu’elle est décrite dans son Encyclique est pointue, pertinente et profonde. Son discours rejoint un mouvement général mené par les écologistes, des scientifiques et des citoyens qui gagnent progressivement en écoute mais dont le propos n’a pas encore hélas la place qu’il mérite dans la société. L’apport du pape au mouvement environnementaliste n’est donc pas négligeable et quoiqu’on en pense, sa parole a du poids.

Un bénéfice pour l’Église

Certains thèmes de cette encyclique ont déjà eu des échos antérieurs, par exemple avec Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI (§ 4-6). Le renforcement de cette position en faveur de la protection de l’environnement par le pape François sera sans doute à l’avantage de la foi catholique elle-même car elle interpellera tout spécialement la jeune génération qui est particulièrement sensible à la cause environnementale, dans un contexte où on assiste à une démobilisation progressive envers la foi catholique, tout au moins en Occident. Être en phase avec son temps n’est pas en général l’apanage du Vatican mais voilà au moins un sujet où il fait preuve de modernisme. Les prêtres semblent d’ailleurs s’être approprié ce nouveau cheval de bataille et percole dans les paroisses puisque des messes ont déjà pour thème la « protection de la maison commune ».

Un modèle : Saint-François d’Assise

Le grand intérêt de la contribution papale, c’est que son discours se place au niveau de la foi, donc à un niveau spirituel, loin des préoccupations matérialistes de la civilisation. Or, la crise écologique mondiale ne se résoudra que par un changement profond de société, qui impliquera une transformation radicale dont l’être humain voit le monde. Le pape en est bien conscient, peut-être plus que bien d’autres, et son apport peut contribuer à accélérer ces transformations.

À l’opposé des discours habituels, l’encyclique commence par la mise en exergue de Saint-François d’Assise, un homme qui aura été caractérisé pour sa dévotion envers la nature. Saint-François d’Assise était en effet en parfaite communion avec l’ensemble de la Création et se sentait appelé à la protéger. De fait, c’est le saint patron des écologistes. L’exemple de cette communion simple et humble avec la nature représente une des bases de la pensée de François.

Un bilan écologique et sociétal très au fait des connaissances scientifiques

Le souverain pontife a totalement intégré tous les enjeux liés à la nature et au développement durable. La situation écologique telle qu’il expose est exhaustive et très au fait des connaissances scientifiques actuelles, et elle est exposée dans un langage accessible pour un public qui n’est pas nécessairement averti. Le diagnostic est très lucide et très complet.

Concernant l’état global de la planète, il décrit les problèmes lés aux changements climatiques, mais n’oublie pas de discuter de l’érosion de la biodiversité et des services écosystémiques, des problèmes liés à la disponibilité et à l’accès à l’eau ou encore de la pollution ou des forêts. Il mentionne même les modifications anthropogéniques des cycles biogéochimiques !

Les raisons de la détérioration environnementale

L’économie et la gouvernance

Photo officielle du pape François
Photo officielle du pape François (Crédit photo : L’Osservatore romano, http://www.photovat.com/)

Concernant les causes de la situation, l’analyse du pape se situe à différents niveaux. Premièrement, au niveau économique bien sûr et des effets pervers de la surconsommation. Visiblement très au fait des différentes options économiques, il nous met en garde contre l’économie dite « de l’environnement » et son principe de subsidiarité. Le pape mentionne également la tyrannie du système capitaliste et du droit de propriété (§ 93 et 196). Cette remise en cause spécifique du capitalisme est un soutien inestimable pour tous les convaincus qui savent qu’il est nécessaire de réformer ce système socioéconomique pour rendre notre civilisation viable. Citant Jean-Paul II, il affirme que la propriété privée a toujours une fonction sociale et qu’il « n’est pas conforme au dessein de Dieu de gérer ce don d’une manière telle que tous ces bienfaits profitent seulement à quelques uns » (§ 93).

Les causes de la situation environnementale se situent également au niveau du gaspillage et des problèmes de gouvernance. Sur ce dernier point, il déplore l’affaiblissement des États et le fait que la politique soit subordonnée à l’économie et non pas du bien commun (§ 175). Cette insidieuse tendance doit être contrecarrée (§ 189). Il déplore également que les intérêts à court terme dominent la gouvernance (§ 178) et rappelle que « les politiques relatives au changement climatique et à la sauvegarde de l’environnement ne peuvent pas changer chaque fois que change un gouvernement » (§ 181).

La technologie

Le pape se préoccupe des effets négatifs de la technologie. Son diagnostic de l’influence très forte de la technologie sur la société est très juste : « Il faut reconnaître que les objets produits par la technique ne sont pas neutres, parce qu’ils créent un cadre qui finit par conditionner les styles de vie […] » (§ 107). Le pape insiste ainsi plusieurs fois et avec beaucoup de pertinence sur la mise en avant fréquente de la technologie par plusieurs pour remédier à nos problèmes écologiques, mais souligne qu’il s’agit d’un leurre car bien souvent, les solutions technologiques ne font que créer des problèmes en cherchant à en résoudre d’autres (§ 20 et 144). L es réponses apportées par la technologie sont aussi trop simplistes par rapport la complexité des situations et on devrait plus souvent faire appel à « l’intervention active des citoyens » (§ 144). Plus loin, il soulève le point le plus important : « Les solutions purement techniques courent le risque de s’occuper des symptômes qui ne répondent pas aux problématiques les plus profondes » (§ 144). Si le pape souligne aussi ses bienfaits (§ 102), il met en garde contre les dangers plus ostensibles de la technologie comme la biotechnologie, le nucléaire, ou l’informatique (§ 104). Comme il le dit si bien, la science et la technologie sont la source d’un sentiment de domination et d’une « frénésie mégalomane » (§ 114) de l’être humain.

L’être humain

Car au fond, c’est la culture (§ 6), donc l’être humain, qui est « à la racine » de la crise écologique (§ 101). La démographie n’est un paramètre aggravant, et rejeter le blâme sur l’augmentation de la population plutôt que sur nos modes de vie (consumérisme) et les travers humains est une façon d’éluder la situation (§ 50). Le vrai problème est que « la valeur que possède le monde en lui-même s’affaiblit » (§ 115). On considère la nature simplement comme « espace et matière », sans voir les bienfaits qu’elle nous procure, ce que le Pape François nomme « anthropocentrisme dévié » (§ 115). En fait, c’est le pouvoir que procure la technologie à l’être humain qui suscite en lui un « rêve prométhéen de domination sur le monde » (§ 117) et le refus de se reconnaître comme une « créature limitée » (§ 66). Cette arrogance ressemble à une volonté de l’être humain de se substituer à Dieu (§ 75 et 117). À ce titre, il reconnaît que certains Chrétiens sont eux aussi tombés dans ce travers et qu’ils ont parfois « mal interprétés les Écritures » (§ 67).

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Notes et références

[1] Saint-Père François, « Sur la sauvegarde de la maison commune », le Saint-Siège (2015) http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html

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