jeudi, mars 28, 2024

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Des blocages sociétaux structuraux

Certains des blocages qui s’opposent à la mise en place d’une société viable sont liés aux fondements du système économique et à la nature de l’être humain. D’autres types de blocages existent au niveau social et sociétal [1] Dans le contexte actuel en effet, protéger l’environnement demande de l’attention et quelques « efforts », des « contraintes » [2] qui n’en seraient pas, qui seraient moindre ou qui seraient simplifiées si la société se transformait, par exemple en changeant radicalement la façon de concevoir les investissements, l’aménagement des villes, le recyclage, etc. Mais voilà, nous héritons de la société telle qu’elle se présente aujourd’hui.

Vouloir minimiser son empreinte écologique demande en effet du temps, de l’organisation, de la minutie et dans certains cas coûte plus cher. Ces exigences sont d’autant plus grandes que les sociétés telles qu’elles sont organisées aujourd’hui sont peu ou mal outillées pour promouvoir un comportement individuel qui préserve l’environnement. Par exemple, le recyclage municipal est parfois confus (matières recyclables mal définies), absent (compostage) ou douteux (les matières résiduelles sont-elles effectivement recyclées ? le sont-elles localement ?) [3]. De même, il est encore difficile, sinon impossible, de s’approvisionner en énergie verte pour son domicile ou son commerce, tandis que les achats locaux, durables ou issus de procédés de fabrication verts ne sont pas ou peu encouragés par les institutions. Enfin, les transports collectifs sont rarement à la hauteur des besoins d’une société dont la population, dorénavant majoritairement urbaine, devrait principalement se déplacer autrement qu’en voiture.

Comme on peut le voir, c’est la structure même de la société qui constitue un frein à l’adoption de comportements « viables ». Il est ainsi devenu criant, notamment avec la prise de conscience du réchauffement planétaire, que les villes ont été maladroitement bâties dans les années 50-70. Bien des banlieues ont en effet été construites dans un contexte où l’automobile se démocratisait, de sorte que l’allongement des distances des déplacements n’était pas considéré comme un problème. Par suite, les villes se sont étalées et le transport en commun a été négligé (faible investissement durant des décennies au profit du réseau routier), de sorte que nous avons assisté à une multiplication des déplacements en voiture et à l’allongement des distances, que ce soit pour aller travailler, aller porter les enfants à l’école ou à leurs activités, faire ses différents achats dans de multiples magasins dispersés sur des dizaines de kilomètres à travers la ville, faire l’épicerie (parfois pour seulement quelques articles…), etc.

Aujourd’hui, il apparaît difficile (mais pas impossible) de faire marche arrière. On s’aperçoit que les façons d’aménager les villes ont peine à changer malgré le développement, au moins sur le plan théoriques, de méthodes d’urbanisation efficaces, innovantes et surtout plus soutenables. Nous devons aussi composer avec des bâtiments domiciliaires ou commerciaux parfois vieillissant, certains hérités de l’après-guerre ou plus vieux encore, qui n’ont pas été conçus (ou mal conçus) pour minimiser les dépenses énergétiques et la consommation d’eau. Les années 50-70 ont été également marquées par la culture de « l’american way of life » et la croyance que la technologie assurerait le bonheur, une croyance encore répandue aujourd’hui et que certains voient comme moyen principal de mettre en place une société durable [4]. Nous héritons également d’une vision archaïque selon laquelle certaines matières premières apparaissaient inépuisables (parce que la Terre est immense et que de nouveaux filons seront découverts), de sorte que la modération n’est pas considérée comme une option, surtout avec la vision économique orthodoxe actuelle.

De plus, et comme on l’a vu ailleurs, la panoplie de produits industriels qui s’offrent aux consommateurs est gigantesque, quasiment infinie, et elle est financièrement accessible. Sans doute trop accessible, mais qui s’en plaindrait (à part les écologistes) et comment se restreindre ? La démocratisation de l’acquisition de multiples biens matériels s’oppose évidemment à l’adoption de comportements viables. Cette accessibilité reflète le fait que les détériorations écologiques ne sont pas prises en compte dans l’économie, comme il a été mentionné plus haut. À titre d’exemple, il est maintenant fréquent qu’une famille soit capable de posséder deux véhicules automobiles, voire plus. Cette situation peut être justifiée. Elle est peut-être le fruit de l’organisation urbaine, imposée par des impératifs professionnels ou autres, mais quoi que soit l’explication, la multiplication des automobiles par foyer permet de contourner facilement les règlements visant à limiter la quantité de voitures qui se retrouvent sur le réseau routier, notamment en cas de smog (circulation quotidienne alternée basée sur les plaques d’immatriculation paires ou impaires) comme ce fut le cas en France à l’hiver 2014 [5].

Néanmoins, tout n’est pas irréversible ni figé. Le contexte social peut par exemple être différent selon les sociétés (selon la culture). C’est ainsi que l’eau de consommation est gratuite au Canada, ce qui nuit à sa préservation et se manifeste dans les faits par une forte consommation d’eau douce de ce pays, mais ce phénomène culturel semblera sans doute arriéré aux Européens qui doivent payer pour leur utilisation d’eau. De même, alors que les Américains du nord ont généralement une conscientisation plus faible vis-à-vis des économies d’énergie, une certaine sensibilisation a imprégné les populations d’Europe suite aux deux chocs pétroliers des années 70. Le contexte social peut donc être différent et il peut changer. Comme qu’on l’a vu plus haut en effet, de nouvelles valeurs écologiques et éthiques sont progressivement en train de naître et d’influencer les comportements de consommation.

Notes et références

[1] Tous ces blocages ne sont pas indépendants. Ils sont en fait indissociables, s’influencent les uns les autres et peuvent opérer à différents niveaux (économique, sociétal, individuel).
[2] Il ne s’agit de « contraintes » ou « d’efforts » que si on ne le fait pas spontanément, de bonne grâce ou en ayant l’impression de faire le bien…
[3] Le problème résulte aussi souvent d’un manque de communication.
[4] Comme nous le verrons plus bas, la technologie peut tout autant être utile que néfaste à l’établissement d’une société viable.
[5] Cette mesure avait été utilisée une première fois en région parisienne en 1997. En 2014, la consigne de circulation alternée a été assez bien respectée dans l’ensemble, mais 4000 constats d’infraction ont été émis. On demandait également aux automobilistes de réduire leur vitesse à 60 km/h en 2014 (dès les années 90, on demandait aux automobilistes de ne pas dépasser 70 km/h) dans les zones où la vitesse est ordinairement limitée à 90 km/h. En 2014 les, transports en commun ont été gratuits pour la première fois (FIP-20140317).

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