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Bilan de la conférence de Copenhague

Jeudi 21 janvier 2010 a eu lieu au pavillon Kruger de l’Université Laval une rencontre organisée par l’Institut EDS de l’Université Laval sur le bilan que l’on peut dresser de la conférence de Copenhague qui s’est déroulée en décembre dernier. M. Philippe Le Prestre, directeur de l’Institut EDS et spécialiste de l’écopolitique internationale, a été le principal intervenant à cette occasion.

M. Yan Turgeon, rédacteur en chef d’Objectif Terre et qui était présent à la conférence de Copenhague en décembre, a agi comme modérateur. (Objectif Terre est une publication réalisée depuis 1998 par l’Observatoire de l’écopolitique internationale(OEI) basé à l’Institut EDS).
Cette rencontre avait pour objectif d’établir les principaux enseignements de cette récente conférence internationale sur le climat, quoi penser de cette conférence, ce qui s’y est passé, se demander si l’accord qui a été signé à Copenhague est un accord définitif, un accord important.

M. Turgeon a d’abord rappelé que près 47 000 personnes ont été accréditées pour cette conférence, mais que le site, le Bella Center, pouvait accueillir 15 000 personnes au maximum pour des raisons de sécurité. Rares ont donc été les chanceux à avoir accès aux débats.

M. Le Prestre a ensuite pris la parole et nous a présenté un excellent exposé sur ce qui semble s’être passé, de ce qui a été décidé et dans quelles circonstances.

En quoi consiste l’accord de Copenhague ?

(voir les décisions prises dans l’article sur le compte-rendu de Copenhague. Voir également l’article sur les enjeux de la conférence de Copenhague)

Il faut d’abord souligner que l’Accord de Copenhague a été signé par 27 pays seulement, en particulier les États-Unis, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud. Il n’y a pas de liste officielle pour cet accord (voir à ce sujet l’article sur le compte-rendu de Copenhague) et surtout, pas d’accord unanime entre les Parties. Les pays non signataires ont simplement été invités à se rallier à cet accord, se retrouvant ainsi devant le fait accompli. La façon dont se sont déroulées les négociations semble avoir freiné le ralliement des nations. En particulier, l’Union Européenne semble ne pas avoir pu jouer un rôle clé dans les négociations qui ont conduit à la rédaction de cet Accord (alors que l’Union Européenne est reconnue pour son rôle actif en ce qui concerne la réduction de ses émissions de GES).

En bref, l’Accord confirme que les signataires s’entendent pour que la hausse maximale de la température de la planète soit de 2°C Les pays faisant partie de l’Annexe I (voir l’article sur le compte-rendu de Copenhague) vont se donner leurs propres cibles de réduction d’émissions de GES au 31 janvier 2010. Les pays en développement doivent prendre des mesures d’atténuations. Les signataires reconnaissent l’importance de la lutte contre la déforestation. un engagement financier de 30 milliards de dollars US d’ici à 2012 et de 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020 a été décidé. Finalement, 4 nouveaux organes ont été créés : un fonds vert, un organisme pour faciliter le transfert technologique, un autre pour lutter contre le déboisement des forêts, et un dernier (High Level Panel) pour gérer l’aide financière destinés aux pays en développement à leur adaptation aux changements climatiques.

Au-delà de l’accord de Copenhague, d’autres décisions ont été adoptées dans le cadre des groupes de travail de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC ou United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCC)). Ces deux groupes de travail sont :

  • Le Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action under the Convention (AWG-LCA)
  • Le Ad Hoc Working Group on Further Commitments for Annex I Parties under the Kyoto Protocol (AWG-KP)

Les décisions de routine concernent le budget, la coopération avec le Fonds Monétaire International, etc. Ces groupes de travail continuent leur travail et vont se réunir au cours de l’année.

Les critiques

Plusieurs critiques ont été adressées :

  • Le fait que l’Union Européenne s’est trouvée marginalisée et que l’Accord est un accord minimal (peu de pays signataires).
  • Pas de cible précise, seulement des cibles individuelles pour chaque pays. En ce sens, on est très loin de l’esprit du Protocole de Kyoto.
  • Pas d’échéance.
  • Pour les pays émergents, des mesures volontaires seulement.
  • L’Accord est trop focalisé sur la mesure, les rapports et la vérification des réductions des pays en développement.
  • Le financement de l’aide aux pays émergents est vague.
Succès ou échec ?

a.  Vision optimiste

  • Au vu du grand nombre de chefs d’états présents à Copenhague, on peut considérer que la mobilisation politique était forte.
  • Les populations semblent maintenant très concernées et très préoccupées par les changements climatiques.
  • La conférence de Copenhague a eu une visibilité médiatique importante
  • L’Accord de Copenhague peut apparaître comme une feuille de route pour les négociateurs du WG-LCA et formerait ainsi le cadre général d’un accord plus détaillé.
  • Le travail de fonds des groupes de travail de la CCNUCC continue.

b. Vision pessimiste

  • L’Accord n’a pas de légitimité et de transparence (trop peu de pays impliqués, manque de transparence des procédures adoptées par la présidence danoise et la perception d’une mise à l’écart de la plupart des pays en développement et de certains pays industrialisés). À cet égard, il ne faut pas perdre de vue que la façon dont se déroule le processus de négociations, autant que les résultats obtenus, peut avoir d’importantes répercussions sur la confiance qui règne entre et sur la motivation des états. Au bout du compte, c’est le succès des négociations qui est menacé.  D’ailleurs, on peut se demander quel sera l’impact des négociations ayant lieu dans le cadre de la CCNUCC sur les relations internationales en général.
  • Certains pensent que cette conférence a renforcé la méfiance entre les pays du nord et ceux du sud.
  • Le manque de légitimité de l’accord mine également la crédibilité de l’ONU qui se trouve elle-même marginalisée.
  • Le fait que quelques pays seulement s’entendent entre eux, hors de l’ONU, laisse penser que quelques pays dominants pourraient vouloir imposer aux autres leur propre vision ou leur propre ordre du monde, ce que M. Le Prestre nomme la « diplomatie de concert ». On pourrait ainsi revenir à un retour à une politique de puissances et voir la fin de l’idée de communauté internationale établie sur une base universelle. On peut ainsi demander si, contrairement à ce que l’on pense habituellement (opposition nord-sud), les intérêts de la Chine et des États-Unis, loin d’être antinomiques, se rejoignent pour limiter les réductions de GES (le tandem États-Unis/Chine représente environ 40% des émissions de GES).
  • Le manque de transparence et de légitimité pourrait conduire à un essoufflement de la mobilisation des politiques.
  • À force de ne pas atteindre d’objectifs précis, on pourrait voir un essoufflement de la mobilisation  des populations.
  • Le Protocole de Kyoto et sa suite sont bel et bien morts : rien pour l’après 2012 et bien des pays (notamment le Canada et le Japon) préfèrent une approche régionale à la vision globale du Protocole de Kyoto. On peut d’ailleurs penser que, de fait, cette approche régionale est d’ores et déjà mise en place.
  • Selon les experts, la hausse des températures sera au minimum de 3°C même si des mesures draconiennes étaient mises en place rapidement. L’objectif maximal de 2°C est donc déjà un échec.

En complément d’information concernant les critiques de l’Accord de Copenhague, nous vous suggérons la lecture de cet éditorial paru dans la revue Nature Materials :

http://www.chm.ulaval.ca/chimistes-environnement/Publi_2010_Nature%20Mater%209-89_Copenhague.pdf

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